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31 de mai de 2022 Twitter Faceboock

Travail social
Grève nationale dans le social : la lutte pour les salaires et les conditions de travail se poursuit
Lucas Darin

Ce mardi 31 mai était le premier de deux jours consécutifs d’appel à la grève dans le travail social pour les salaires et les conditions de travail. C’est la cinquième date de mobilisation de ce secteur très dégradé qui ne décolère pas. Face à un gouvernement qui reste sourd à toutes ces alertes, quelles perspectives pour cette mobilisation ?

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Crédits photo : Photocratie pour la Mule du Pape

Une mobilisation signe d’une colère profonde

Comme lors des dernières journées de mobilisation, de nombreux travailleurs sociaux ont répondu à l’appel conjoint de la CGT Sud et commission de mobilisation du travail social ile de France. Ils étaient plus de 4000 à manifester à Paris, plusieurs centaines à Montpellier, Marseille et Le Mans, près de 1000 à Toulouse. Les revendications centrales : des augmentations de salaires ainsi que des moyens pour exercer leur métier dans de meilleures conditions, pour eux et surtout pour les personnes qu’ils accompagnent au quotidien.

Si ces journées de mobilisation peinent à s’étendre à l’ensemble des salariés du social et du médico-social, elles sont le signe de la colère profonde qui règne dans le secteur. Un autre phénomène politique témoigne de l’ampleur de la grogne qui agite le secteur : la création de collectifs de lutte. En parallèle de la mobilisation qui a débuté le 7 décembre et qui s’est poursuivie le 11 janvier, le 1er février puis le 15 mars, de nombreux collectifs de travailleurs sociaux ont repris vie ou se sont créés.

C’est le cas d’un collectif en cours de création à Toulouse, ou encore du CAASOS à Montpellier, collectif très dynamique qui multiplie depuis plusieurs mois les actions pour mobiliser les salariés du secteur, construire les journées de grève ou sensibiliser l’opinion publique. Cette volonté de s’organiser pour lutter dans la durée contre les attaques que connaît le secteur témoigne de la conscience chez les travailleurs sociaux des combats qu’il faut mener aujourd’hui, mais aussi de ceux qu’il faudra mener dans les années à venir.

“Un cortège combatif à Montpellier”

Un problème plus profond qu’une question de salaire

En effet, le secteur du social et du médico-social est un secteur très dégradé. La logique de rentabilité et les politiques sociales déterminées par les gouvernements successifs ont conduit le travail social dans un état de délabrement catastrophique. Ces derniers mois, le résultat de ces volontés de marchandisation et de rentabilité ont été particulièrement visibles à travers des exemples révoltants : le scandale des EHPAD Orpea, ou encore le décès d’Anthony, retrouvé sans vie dans un camping où il avait été placé faute de structure pour l’accueillir. La semaine dernière encore, le militant contre la maltraitance infantile Lyes Louffok nous apprenait le suicide d’un enfant placé qui allait se retrouver sans solution à sa majorité.

Ces exemples illustrent malheureusement bien le quotidien des travailleurs sociaux, fait de manque de moyens pouvant aller jusqu’à de la maltraitance inévitable, mais aussi de précarité économique grandissante entre salaires à peine au-dessus du SMIC et postes en CDD. L’articulation de ces deux phénomènes entraînent une véritable perte de sens, et un nombre effrayant de burn-out et de dépressions, au sein d’un secteur qui a été particulièrement sous tension pendant deux ans de crise sanitaire.

Tout comme les soignants, les travailleurs sociaux sont restés pour la plupart mobilisés pendant la crise du COVID. Depuis, nous n’avons rien obtenu à part l’extension du SEGUR à certaines branches de notre secteur suite à notre mobilisation de cet hiver.

L’élargissement de cette prime a montré que nous étions capables de forcer le gouvernement à céder un peu de terrain, mais s’en contenter serait une grave erreur pour notre secteur dont le problème est bien plus profond qu’une simple prime de 183€. La meilleure preuve de l’insuffisance de cette mesure se situe du côté de nos collègues soignants et des hôpitaux. Près de deux ans après qu’ils aient perçu cette augmentation, l’actualité nous rappelle tous les jours que le système de santé reste au bord du gouffre, avec des services d’urgence qui vont fonctionner au ralenti cet été

Un avenir fait d’attaques antisociales

De la même manière, le travail social fait face à une véritable catastrophe sociale qui dépasse la question d’une maigre revalorisation salariale, qui serait rattrapée en quelques mois par l’inflation, comme en témoigne aujourd’hui le prix de l’essence et des produits de première nécessité.

D’un côté, les conséquences dramatiques de la crise sanitaire et économique. En France, on compte un million de pauvres en plus, et plusieurs centaines de milliers de personnes qui ont perdu leur emploi en 2020. Selon un rapport de la fondation Abbé Pierre sorti en novembre 2020, le nombre de SDF a doublé depuis 2012 : ce sont 300 000 personnes qui vivent dans la rue aujourd’hui.

De l’autre, le quinquennat qui s’annonce va empirer la situation sociale en France, non seulement avec l’inflation déjà mentionnée, mais aussi avec les réformes anti-sociales que prépare le gouvernement. Après la réforme de l’assurance-chômage, la réforme des retraites précariserait des milliers de personnes qui ne pourraient pas travailler jusqu’à l’âge pour avoir une retraite complète. Plus directement, le gouvernement n’a pas caché sa volonté de faire la chasse aux pauvres, en annonçant une réforme du RSA pour exiger entre 15 et 20h de travail gratuit par semaine aux bénéficiaires de cette allocation qui permet à peine de survivre.

Enfin, la refonte des conventions collectives du secteur est un autre projet – déjà en cours - qui concerne directement les conditions de travail des travailleurs sociaux. En effet le projet de fusion des deux principales conventions collectives, porté par le gouvernement et les organisations de nos employeurs main dans la main, entend par exemple supprimer les repos trimestriels, mais aussi et surtout instaurer une part du salaire au mérite, au bon vouloir de l’employeur.

Les limites des dates isolées, la nécessité d’un plan de bataille à la hauteur

Il apparaît clair que la volonté du gouvernement n’est pas seulement de ne pas nous écouter, mais surtout de multiplier les attaques et la dégradation du secteur, qui porte en réalité une lutte qui dépasse notre secteur et concerne de véritables enjeux de société.

Dans ce contexte-là, de simples dates isolées ne suffiront pas à instaurer un rapport de force qui fasse plier le gouvernement. Ces journées de mobilisations sont au mieux une façon de tirer une sonnette d’alarme, mais ne bousculent pas l’équilibre au point que nos financeurs doivent céder à nos revendications. Après plusieurs journées pendant lesquelles nous avons pu nous rencontrer, créer des liens et des cadres militants, il nous faut nous doter d’un plan de bataille qui nous donne une réelle perspective de victoire et à partir duquel il sera plus simple de mobiliser les salariés du secteur.

Si un tel plan de grève reconductible peut paraître ambitieux pour le simple secteur du travail social, il n’y a aucune raison que nous restions isolés dans notre mobilisation. Si notre combat porte des spécificités propres à notre secteur, les questions des salaires, de l’inflation et de la perte de pouvoir d’achat ont été largement portées par différents secteurs ces derniers mois : les nombreuses grèves dans le commerce, les mobilisations dans les transports et dans l’énergie, la colère qui gronde à l’hôpital et dans l’éducation.

A l’heure où il est de plus en plus difficile de vivre dignement pour tout le monde, et que le gouvernement fraîchement nommé nous promet toujours plus de casse sociale, il est nécessaire que le monde du travail dans son ensemble se mobilise. Alors que les directions syndicales ne jurent que par le dialogue social avec ceux qui nous piétinent depuis des années, seule notre organisation à la base, dans des syndicats ou dans des collectifs, permettra d’imposer un mouvement d’ampleur pour non seulement défendre nos acquis mais aussi passer à l’offensive.

 
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