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La Izquierda Diario
4 de mai de 2022 Twitter Faceboock

Un P comme Pourris, un S comme Salauds
NUPES : L’Union Populaire déroule un tapis rouge pour le PS
Joël Malo

Les périodes électorales précipitent les miracles : le PS, au bord du naufrage, aurait changé ! Cela justifie bien que la FI lui tende la main pour éviter la noyade, lui offrir 70 circonscriptions et accepte quelques compromis sur la retraite ou l’Europe.

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Crédit photo : AFP

Après EELV le 2 mai, puis le PCF le 3, le PS a finalisé un accord avec la FI pour intégrer la Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale (NUPES). Si les circonscriptions devaient être partagées à la proportionnelle des résultats à la présidentielle, EELV en obtient 100 (4,6 % à la présidentielle), le PCF en reçoit 50 (2,28%) et le PS… 70 (pour 1,7 % des voix) !

Le changement c’est maintenant ?

Si Mélenchon a construit le Parti de gauche, puis la France Insoumise depuis son départ du Parti socialiste en 2008, l’objectif affiché par le dirigeant LFI était de « remplacer le PS » et le soumettre, lui faisant quitter l’orientation de la « social-démocratie allemande ». Alors des opérations « nous ne voterons plus PS » de Ruffin en 2016 et son serment à la Sorbonne (valable 5 ans sans garantie), jusqu’aux alliances aux régionales (dans le Nord, avec certains socialistes dans le Grand Est), en passant par le « refus définitif » de Mathilde Panot de discuter avec les socialistes il y a deux semaines, qui a changé ?

Côté Insoumis, on feint l’étonnement depuis quelques jours. La délégation socialiste composée d’Olivier Faure (ancien collaborateur de Martine Aubry sous le gouvernement Jospin et directeur de cabinet de Hollande quand celui-ci dirigeait le PS), Pierre Jouvet (le vallsiste qui a soutenu Anne Hidalgo, après s’être ravisé de rejoindre Macron en 2017) ou encore de Sébastien Vincini (porte-parole d’Hidalgo) aurait soudainement rompu avec le hollandisme ! De la même manière qu’Hollande en 2012 était « l’ennemi de la finance », qui s’étonne d’entendre des politiciens professionnels comme les cadres du PS dire ce qu’il faut dire pour obtenir des places, des élus… et donc des financements, quand leur parti est simplement menacé de disparition du bas de ses 1,7 % à la présidentielle ?

La presse de gauche va même plus loin dans la crédulité. Ainsi Edwy Plenel de fantasmer : « Mitterrand a aussi, sinon surtout ancré cette dynamique électorale, finalement victorieuse en 1981, dans la participation aux luttes et mouvements qui en constituaient l’assise sociale, lesquels bousculaient ses propres repères politiques et son propre passé gouvernemental. Ainsi, soldant l’inventaire d’un parti trop longtemps égaré dans la gestion du pouvoir étatique au point de tourner le dos à son assise sociale, le premier secrétaire socialiste Olivier Faure ne fait qu’être fidèle au fondateur du PS d’Épinay en 1971 par son choix de rejoindre la dynamique unitaire. »
Au-delà de donner à Olivier Faure une stature historique et politique qu’il n’a pas, peut-on se réjouir d’une filiation avec Mitterrand, l’artisan du tournant de la rigueur, celui qui a lié les mains du « peuple de gauche » à la Vème République, poursuivi les politiques de la Françafrique ?

Mais c’est plutôt une vaste opération de ravalement de façade qui a cours avec cette nouvelle mouture de l’union de la gauche de gouvernement : faire du PS (dont le premier secrétaire n’était plus accepté en manifestation il y a encore 4 ans de cela) un allié de premier plan, et de la Vème République, détestée la veille, un espace de cohabitation possible pour un premier ministre.

Gauche plurielle 2, le retour

La haine envers Macron (lui-aussi un rejeton du Parti Socialiste) a permis aux politiciens de gauche comme de droite de se refaire une image et de faire croire que c’était mieux avant. Aujourd’hui, Hollande a le même rôle. Celui de passer pour un accident de parcours, comme si le PS n’avait pas mis aux responsabilités des Delors, Rocard, DSK, Aubry, Jospin, Royal, parmi bien d’autres serviteurs zélés du capital.
Ainsi, si à l’occasion du 3 mai, les dirigeants de la gauche institutionnelle ont beaucoup évoqué le Front Populaire (sans en mentionner les grèves de masse), il est assez peu fait référence au Programme Commun qui a amené Mitterrand au pouvoir, ou à la gauche plurielle dirigée par Jospin. Ce dernier gouvernement étant celui qui détient le record des privatisations.

Pourtant, dans la méthode des discussions bilatérales avec une force dominante, la méthode est bien plus proche de l’ère Jospin que de Léon Blum. Ce qui ne va pas sans créer de contradictions, car si les accords avec EELV et le PCF sont à quelques mots près identiques, celui du PS introduit des dérogations loin d’être anodines.

Si les socialistes acceptent, du moins pour le moment, l’abrogation de la loi El Khomry et des attaques contre le Code du Travail, ils tirent tout de même l’accord dans leur direction sur la question des retraites. La revendication de la retraite à 60 ans portée par la FI (avec 40 annuités, ce qui est encore bien haut), devient un « droit à la retraite ». Si on se souvient des débats techniques imposés par Macron et Philippe sur l’âge pivot et les malus, il n’y a rien de rassurant dans ce petit changement de lexique. En effet, il pourrait tout à faire être possible de partir à la retraite à 60 ans, encore faut-il que ce soit à taux plein. « L’attention particulière pour les carrières longues, discontinues et les métiers pénibles » n’est là que pour faire passer la pilule dans la meilleure tradition socialiste : la loi El Khomry était elle-même adossée à des « prises en compte de la pénibilité » pour mieux faire accepter les reculs historiques du droit du travail. Chassez le naturel des cadres de la campagne d’Anne Hidalgo, et la retraite à 62 ans revient au galop !

Sur l’Union Européenne, l’accord évoque une vision commune pour « mettre fin au cours libéral et productiviste de l’Union européenne et construire un nouveau projet au service de la bifurcation écologique et solidaire ». Pour cela deux méthodes différentes : « Du fait de nos histoires, nous parlons de désobéir pour les uns, de déroger de manière transitoire pour les autres, mais nous visons le même objectif ». Pourtant, si la France peut déroger aux règles de l’UE, en ce qui concerne la répression par exemple (comme lors de l’état d’urgence mis en place par Hollande), il s’agit avant tout de ce qui convient au patronat français et européen. Si la désobéissance de la FI semble tout autant condamnée à l’échec sans de grandes mesures pour mettre à genoux les capitalistes, même de leur point de vue, se lier à la perspective de « déroger de manière transitoire » aux lois de l’UE est un renoncement important. Sans parler du fait qu’il serait plus juste de parler d’ADN libérale plutôt que d’un « cours », qui ne serait que momentané. Les travailleurs grecs en ont fait l’expérience, face à la perspective ne serait-ce que d’une désobéissance partielle, les Etats et les banques (françaises et allemandes en premier lieu) seront prêtes à tout pour faire mordre la poussière à ceux qui les défient.
Chaque mot, ou absence de mot, en dit long, lorsque l’on compare les différents textes d’accord qui varient assez peu. Ainsi, si dans l’accord avec le PCF l’augmentation du SMIC de 100€ (il est actuellement à 1302€) est immédiate, cela n’est précisée ni dans l’accord avec le PS, ni avec EELV. De la même manière, avec les socialistes, la planification affirmée dans les autres accords ne devient plus qu’une démarche.

Enfin, et alors que les barons du PS ont systématiquement rangé la FI dans le camp « islamo-gauchiste » et commencent à claquer la porte du parti, un paragraphe est marqué du sceau du Parti Socialiste : « La défense de la République laïque et universaliste, la protection de la liberté de conscience et d’expression, une action résolue contre le racisme, l’antisémitisme et toute forme de discrimination et le combat contre les communautarismes et l’usage politique des religions ».
Ces termes ont été ceux de l’offensive autoritaire et islamophobe de ces deux dernières années, le prétexte pour la loi séparatisme, pour le harcèlement des femmes voilées, des termes quasiment érigés en devise par les chroniqueurs de Cnews et Europe 1. C’est en leur nom que Darmanin voulait interdire les rayons halal et casher, en leur nom qu’une grande partie de la classe politico-médiatique s’insurge de la candidature de Taha Bouhafs à Vénissieux.

Une précision voulue par le PS, qui ne figure pas dans les autres accords, et qui n’est pas anodine de la part d’un parti qui a porté la déchéance de nationalité sous le gouvernement Hollande. Pas plus tard qu’il y a deux jours sur Europe 1, Pierre Jouvet, qui n’a peut-être pas tant changé que ça, déclarait clairement ne faire « aucun compromis avec l’islamo-gauchisme ». Un VRP de la République en Marche ou des Républicains n’aurait pas mieux dit.

Dans cette nouvelle union de la gauche, qui fait une place sûre aux partis de la gauche libérale comme le PS ou Europe Ecologie Les Verts, il apparaît clair que La France Insoumise n’a pas intérêt à faire un trop grand écart en intégrant le NPA. Ou bien si, mais à condition que le NPA morde la poussière. La volonté des négociateurs de la FI semble assez claire : 5 circonscriptions au lieu de 13, et certainement pas son mot à dire puisque désormais tout est plié avec les partis qui ont des fonds et des réseaux de clientèle dans les circonscriptions.

Alors que le PS est au bord du gouffre, la main tendue de la FI pourrait s’avérer salutaire. De la même manière que l’alliance de Podemos avec le PSOE, avec qui ils co-gouvernent l’État espagnol (sans bouleversement majeur de l’ordre capitaliste en vue), a évité une dynamique de délitement de l’organisation social-démocrate en Espagne, de la même manière qu’en Grèce ou en Espagne, le Parti Socialiste, que tout le monde dit avoir vu changer en l’espace de quelques jours, pourrait retrouver un peu d’air et d’argent s’il ne perd pas ses 25 députés, voire en gagne de nouveaux, porté la dynamique de la NUPES.

 
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