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La Izquierda Diario
31 de mars de 2022 Twitter Faceboock

HOMOPHOBIE
En Floride, la loi « Don’t Say Gay » est une nouvelle attaque contre la jeunesse LGBT et tous les enseignants
Sybil Davis

L’État de Floride vient d’adopter ce 28 mars une loi rendant illégale toute discussion de genre et de sexualité au sein de l’enseignement primaire et secondaire. Retour sur cette loi réactionnaire.

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Il est désormais illégal de discuter de genre et de sexualité dans le primaire en Floride. Une nouvelle loi anti-LGBT a été adoptée par l’appareil législatif de l’État du Sud américain, qui multiplie ces dernières années les attaques contre la communauté LGBT. La loi cible toute discussion de genre ou de sexualité 一 ou, pour être précis, toute discussion sur les sexualités queer ou non cisgenre ; on imagine que les idées de genre et de sexualité tels qu’on les trouve dans Jane Eyre (Charlotte Brontë) ou dans Pride and Prejudice (Jane Austen) ne tomberont pas sous le coup de la censure. Estimant la sexualité queer non adaptée aux élèves de primaire, cette loi est non seulement une attaque contre les enfants LGBT, mais aussi contre les enseignants, queer ou non.

La loi, officiellement désignée par le nom de Loi sur les droits parentaux dans l’éducation, a été déposée à la Chambre des représentants de la Floride au début de l’année, et a reçu le soutien du très conservateur gouverneur Républicain de l’État, Ron DeSantis. Le texte de loi est équivoque quant à ce qui constitue un « sujet adapté à l’âge ou au développement » des élèves, ainsi que les matières concernées ; cela signifie que de la littérature à l’histoire, en passant par les enseignements de santé, de nombreuses matières passeront potentiellement sous le coup de cette loi. Pour couronner le tout, les parents d’élèves seront désormais autorisés à intenter un procès aux écoles qui selon eux sont en violation de la nouvelle loi.

Il va sans dire que les enfants LGBT ont des vies bien plus précaires que leurs camarades, et sont sujets à un rique accru de maltraitance. Ils sont ainsi 120 % plus susceptibles de se retrouver sans logement, comparé aux enfants non-LGBT, et les risques de suicide sont 4 fois plus élevés ; plus de 87 % des enfants LGBT ont été victimes de harcèlement verbal ou physique en raison de leur genre ou de leur sexualité. Un facteur clé dans la réduction de ces inégalités est la présence d’adultes qui les soutiennent, à la maison comme dans les classes, ainsi qu’un accès accru à des ressources de santé et de protection sociale. Les conséquences de cette loi seront donc meurtrières pour la jeunesse LGBT.

Le danger de cette loi n’est pas seulement limité à son impact sur les enfants LGBT. En jugeant inadapté toute discussion de genre et de sexualité dans les classes, cette loi empêche les enseignants d’effectuer leur travail ; en théorie, les professeurs d’anglais ne seront plus en mesure d’étudier dans leurs cours les sous-textes queer chez Shakespeare, les professeurs d’histoire ne pourront plus aborder la manière dont le genre et la sexualité ont évolué aux cours de l’histoire, et les cours d’éducation à la santé, obligatoires en Floride, seront vidés de toute mention de personnes LGBT. Sans parler des enseignants queer ou trans, qui ne pourront par exemple plus avoir de photos de famille sur leur bureau, par crainte de représailles juridiques.

Cette attaque du gouvernement d’un État américain s’inscrit dans un contexte d’offensive du Parti républicain contre les droits des personnes LGBT, et plus particulièrement les enfants, dans une douzaine États. Plus généralement, dans tout le pays les enfants trans sont bannis des enseignements sportifs et ne peuvent utiliser les WC conformes à leur genre. Les organismes législatifs du Tennessee, de l’Alabama et de l’Arizona ont même débattu d’une interdiction des soins d’affirmation de genre et de la mise en place d’amendes pour les médecins qui passeraient outre l’interdiction.

Ces agressions s’expliquent par la nouvelle stratégie de guerre culturelle du parti républicain, qui concentre ses attaques sur le milieu éducatif. La rhétorique républicaine a énormément ciblé la critical race theory ainsi que l’existence même d’élèves trans lors de récentes élections, dans un contexte d’extrême-droitisation du parti et de concessions aux éléments les plus réactionnaires de sa base. Les Républicains sont des ennemis mortels de la communauté LGBT, et cette nouvelle loi, ainsi que d’autres, sont sans doute un avant-goût à la bigoterie à laquelle nous aurons droit lors des élections de mi-mandat de 2022.

Ces attaques sur les écoles et sur la jeunesse LGBT sont d’autant plus scandaleuses que le Parti démocrate 一 les supposés alliés de la communauté LGBT 一 contrôle le gouvernement fédéral. Cependant, comme c’est le cas pour beaucoup de gains du Parti républicain, les Démocrates ne semblent pas trouver d’intérêt à leur résister, se cantonnant à offrir des timides messages de soutien à la communauté LGBT. Le président Joe Biden a ainsi critiqué la loi adoptée en Floride dans un tweet dans lequel il dit soutenir les personnes LGBT, et que « mon administration continuera à se battre pour les protections et la sécurité que vous méritez ». Cependant, comme le soulignait récemment Olivia Wood pour Left Voice, malgré tous ses messages de soutien, le bilan effectif de Biden en matière de droits et de protection des personnes LGBT est extrêmement insuffisant, et jalonné de promesses non-tenues.

Plutôt que de mettre en place des mesures sérieuses pour protéger les personnes LGBT, la stratégie unifiée du Parti démocrate 一 même soutenue par des progressistes comme Alexandria Ocasio-Cortez, Rashida Tlaib ou Bernie Sanders 一 est d’encourager les Américains à aller voter. Cette « résistance par les élections » est le même procédé qui a enfermé les militants anti-Trump et le mouvement Black Lives Matter au sein du parti démocrate et partant les a démobilisés et a maté leur vélléités subversives. Le même procédé avait réussi à mater toute tendance un tant soit peu transgressive du mouvement LGBT. Il était un temps où les militants LGBT descendaient dans la rue et occupaient des cathédrales, mais le militantisme queer se contente de nos jours de quelques marches symboliques et de suppliques aux Démocrates. Cette stratégie est insuffisante et vouée à l’échec. « Pour nous protéger ainsi que les futures générations de personnes LGBT, nous devons rejeter cette stratégie et adopter le radicalisme de nos ancêtres. Nous n’avons pas obtenu ce que nous avons en jouant le jeu du Parti démocrate. »

Ces lois réactionnaires offrent cependant une occasion d’unir deux luttes en une seule : le mouvement LGBT et le mouvement ouvrier. Ces dernières années, les enseignants se sont positionnés à l’avant-garde des luttes syndicales. De la vague de grèves de 2018 aux luttes du Syndicat des Enseignants de Chicago contre les réouvertures d’école en pleine flambée épidémique, les enseignants américains ont montré qu’ils étaient prêts à se dresser et à se battre. Cette énergie doit être liée aux luttes LGBT afin de créer un mouvement unifié contre ce type d’attaque. Comme l’écrit Emma Lee, une enseignante dans un Lycée de New York City et membre de Left Voice,

« Nous devons nous organiser au sein de nos syndicats afin d’exiger qu’ils se rapprochent de la communauté LGBT et coordonnent les mobilisations dans tout le pays. Nous devons nous organiser pour nous opposer à ces lois, protéger les élèves trans et sauvegarder la liberté académique de transmettre des informations correctes sur le genre et la race. Si nous parvenons à nous organiser, nous serons en mesure de refuser de travailler à chaque fois qu’une loi transphobe sera déposée. Ensemble, nous pouvons construire un mouvement de masse pour les droits des personnes trans. »

Tatiana Cozzarelli, également enseignante et membre de Left Voice, va plus loin, affirmant que ce mouvement se doit d’être national, plutôt que limité aux seuls États et districts les plus ciblés par ces attaques. Pour elle,

« les syndicats d’enseignants doivent mener le combat, pour les professeurs, pour les élèves et pour le futur du système éducatif. L’American Federation of Teachers et la National Education Association [les deux principaux syndicats d’enseignants aux États-Unis, ndlr] représentent des millions d’enseignants. L’an dernier, ils ont clamé haut et fort « Black Lives Matter » lors du soulèvement. [...] L’AFT et la NEA [...] doivent mener une lutte nationale, se joindre aux groupes pour les droits LGBT et d’autres organisations communautaires qui luttent pour les droits des immigrants, contre le racisme et la Libération Noire. Ce sont des problématiques qui nous unissent, et il est grand temps de nous organiser au sein de nos lieux de travail et de descendre dans les rues. Les droitards qui assistent aux réunions des conseils d’administration des écoles sont insignifiants face au poids unifié des syndicats d’enseignants et des organisations communautaires investis dans les droits des personnes trans et de l’enseignement de l’histoire à l’école. Il est temps de le montrer. »

« Les droits des personnes LGBT et le droit du travail sont menacés. Pour contrer les avancées des forces d’extrême-droite et du Parti républicain qui les soutient, nous devons combiner les différents fronts dans un mouvement unifié, par une solidarité et une organisation écrasantes. Il est grand temps d’appeler nos syndicats et nos organisations communautaires à se mobiliser, de s’organiser et de se radicaliser. Des vies en dépendent. »

 
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