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La Izquierda Diario
28 de février de 2022 Twitter Faceboock

Non à la guerre
La guerre en Ukraine et les sanctions accentuent les tendances à la crise de l’économie mondiale
Nathan Deas

La guerre en Ukraine a provoqué une envolée des prix de nombreux produits. Une déstabilisation économique aggravée par les sanctions visant la Russie, et qui va d’abord frapper les populations et le monde du travail.

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Crédits photo : AFP

Krach historique de la Bourse de Moscou et hausse du prix des matières premières

L’intensification de la guerre et l’invasion des troupes russes sur le sol ukrainien, jeudi 24 février, a affolé les marchés mondiaux. En témoigne la chute impressionnante de près de 45% de l’indice de référence boursier russe Moex à l’ouverture des marchés jeudi dernier, avant une stabilisation autour des 25 % de baisse. La Banque de Moscou avait auparavant dû interrompre ses échanges après que le rouble soit tombé à un niveau historiquement bas en comparaison du dollar. A l’échelle mondiale l’effondrement des principaux marchés boursiers (Etats-Unis -3%, Europe -4%) est venu illustrer la forte inquiétude qui pèse sur les secteurs financiers.

Le marché des matières premières est apparu sur ce terrain comme étant le baromètre le plus révélateur de la crise qui traverse le vieux continent. Particulièrement dans l’énergie où le cours du baril de pétrole a passé la barre des 100 dollars pour la première fois depuis 2014. Mais l’approvisionnement du gaz est davantage encore source de tracas. Sur le marché néerlandais, référence continentale, le prix du mégawatheure a grimpé de 40%, jusqu’à 125 euros, dans la droite lignée d’un affolement des prix du secteur depuis la reprise économique.

Le marché des céréales, en hausse continue depuis plusieurs mois, a lui aussi été particulièrement stimulé par la situation ukrainienne. Mercredi, le soja a été évalué à 648 dollars la tonne, très proche du record de 2012. Le cours du blé a lui été propulsé, jeudi, à un prix inédit de 344 euros la tonne sur le marché européen. A Chicago, le bosson de blé s’est négocié à 9,4375 dollars, soit une hausse de 5,7%, le maximum autorisé par le marché. L’inquiétude est vive, alors que la Russie est devenue en 2018 le premier exportateur mondial de blé, que l’Ukraine suit en quatrième position. Ensemble, la Russie et l’Ukraine représentent 19% des exportations mondiales de céréales.

Cette fébrilité a également contaminé le secteur des huiles, alors que l’Ukraine produit plus de la moitié de l’huile de tournesol au niveau mondial et que la hausse du prix du pétrole, qui a entraîné celle des hydrocarburants, a aussi joué son rôle. Jeudi, le colza a atteint sur Euronext la valeur de 780 euros la tonne, soit quasiment son record de février dernier. Enfin, la filière des métaux n’a pas échappé à la fièvre générale, puisque l’aluminium a atteint un nouveau record historique, les investisseurs craignant une rupture d’approvisionnement alors que le groupe russe Rusal est le deuxième producteur mondial.

Une réaction épidermique dans des filières où nombre de matières premières étaient déjà en surchauffe qui montre le poids de la Russie et de l’Ukraine dans le jeu économique mondial tant les puissances impérialistes, notamment l’Allemagne, sont dépendants des ressources russes. A titre d’exemple, sur les six dernières années, la Russie a livré près de 40% du gaz consommée par les pays de l’Union Européenne.

L’inflation galopante première conséquence de la guerre

Si l’inflation mondiale était déjà présentée comme un indicateur inquiétant de l’économie mondiale, la situation ouverte par la guerre en Ukraine a ouvert la voie à un saut dans les dynamiques déjà en cours. Les volatilités boursières actuelles illustrent l’incertitude provoquée par la situation ukrainienne. Elles sont probablement les signes avant-coureurs de tendances générales à la crise dans le monde, dont l’amplitude dépendra des suites du conflits et sont encore impossibles à mesurer et à prévoir.

On peut déjà présumer que les objectifs de croissance du FMI, déjà revus à la baisse en janvier dernier suite à l’irruption du variant Omicron, sont d’ores et déjà très compromis. Victor Beker, directeur de la CENE, juge ainsi que « l’estimation du FMI d’une augmentation du PIB mondial de 4,4% d’ici 2022 devrait être réexaminée. L’ampleur de l’examen dépendra de l’intensité et de la durée du conflit. Les pires perspectives sont, bien sûr, pour le continent européen ».

Dans la même veine, Gédéon Rachmann explique dans le Financial Times craindre qu’« une rupture économique entre la Russie et l’Occident [n’ait] également de graves conséquences pour l’Europe et les Etats-Unis. Avant même que ce conflit n’éclate, les prix de l’énergie montaient en flèche. Si la Russie coupe l’approvisionnement en gaz de l’Europe (sic), les consommateurs et l’industrie en souffriront durement. Les effets directs se feront le plus sentir dans les pays les plus dépendants du gaz russe, en particulier l’Allemagne et l’Italie. Mais l’ensemble du monde occidental pourrait basculer dans la récession et l’inflation. Et les dirigeants politiques occidentaux sont beaucoup plus vulnérables à l’opinion publique que Poutine ».

Dans une étude publiée avant le déclenchement du conflit, le National Institute for Economic and Social Research (NIESR) estime que « Les implications générales... rappellent quelque peu la crise énergétique des années 1970 ». Et de souligner que « Les hausses de prix et une offre réduite avaient alors gravement perturbé l’activité économique mondiale et entraîné une accélération de l’inflation ».

Pour l’heure il semble difficile de se faire un jugement définitif sur la question tant l’impact économique dépendra de la durée du conflit en Ukraine. La sévérité des sanctions imposées par Washington et Bruxelles dans le temps sera également décisive pour l’ampleur des répercussions du conflit sur les autres économies.

Une situation aggravée par les sanctions

Sur ce terrain, la guerre économique de l’OTAN contre la Russie s’est intensifiée ces derniers jours. Les dirigeants de l’Union européenne réunis en sommet, jeudi soir, ont durci les sanctions contre la Russie. « Les dirigeants russes devront faire face à un isolement sans précédent » a lancé la présidente de la Commission Ursula von der Leyen.

Lundi, le département du Trésor, suivi par l’UE, a ainsi annoncé immobiliser les actifs de la Banque centrale russe détenus aux Etats-Unis et imposer des sanctions au Fonds d’investissement direct russe, un fond souverain dirigé par un proche allié de Poutine. Ces nouvelles mesures visant à limiter la capacité de la Russie à utiliser ses fonds internationaux pour limiter l’impact des sanctions adoptées par les Etats-Unis et ses alliés de l’OTAN marquent un nouveau saut dans l’offensive contre la Russie.

Autre mesure d’importance, le blocage du système interbancaire SWIFT pour les banques russes, qui jusqu’alors avait constitué un point d’accrochage entre les Etats-Unis et l’Europe (notamment l’Allemagne) a finalement été décidé. Ici aussi, la capacité des banques russes à mener des affaires internationales devrait être sérieusement entamée, puisqu’il faudra compter sur des accords bilatéraux avec des banques « alliées » ou sur de vieilles technologies comme les fax.

A cela s’ajoutent des sanctions à « combustion lente » -selon le mot de Michael Roberts. Les Etats-Unis et l’UE veulent couper l’approvisionnement de la Russie en puces et se semi-conducteurs. L’objectif est de faire stopper les importations essentielles à la Russie dans son avancement militaire mais aussi « de dégrader ses capacités industrielles sur des années » explique le président américain, Joe Biden.

Quel impact sur l’économie russe ?

Si l’économie nationale russe ne fait pas partie de nos premières préoccupations, car le terme fait en réalité référence aux profits des oligarques russes, l’impact de cette crise se fera essentiellement sentir sur le monde du travail, mais aussi les petits patrons qui pâtiront de la pression du grand patronat.

Les nouvelles mesures de sanctions viennent s’ajouter à une série d’interdictions d’exportations et de commerce, à la suspension des transactions avec certaines banques, et au ciblage de Vladimir Poutine et des oligarques qui gravitent autour de lui et dont les avoirs à l’étranger sont systématiquement gelés. Elles toucheront durement l’économie Russe qui a cependant cherché à réduire cet impact suivant plusieurs modalités.

Comme le note Le Monde « Depuis le début du conflit dans l’est de l’Ukraine, en 2014, et les premières sanctions occidentales, la Russie a patiemment renforcé sa capacité de résistance économique. Les réserves de sa banque centrale, qui s’étaient effondrées de 500 milliards de dollars (444 milliards d’euros) en 2014 à 350 milliards de dollars en 2015, sont remontées à 630 milliards de dollars ». Dans le même sens, la Russie va chercher à approfondir ses liens économiques avec la Chine au travers notamment des contrats d’hydrocarbures.

Cependant, parce que l’Europe est trop dépendante de la Russie pour lui couper une source importante de revenus, le département du Trésor a annoncé une dérogation pour garantir la poursuite des transactions liées aux exportations énergétiques de la Russie et délivré « une licence générale » pour autoriser certaines transactions liées à l’énergie avec la Banque centrale russe. « Cette dérogation signifie » selon le New York Times « que les paiements énergétiques continueront à circuler, ce qui atténue les risques pour les marchés énergétiques mondiaux et pour l’Europe, qui est fortement tributaire des exportations russes de pétrole et de gaz. Les responsables américains ont déclaré qu’ils souhaitaient que les prix de l’énergie restent stables et qu’ils ne voulaient pas d’une flambée des prix au profit de M. Poutine. Ils ont toutefois indiqué qu’ils envisageaient des mesures qui empêcheraient la Russie d’acquérir les technologies dont elle a besoin pour être un leader de la production énergétique à long terme. ».

Mais l’annonce du gel des avoirs de la banque centrale russe pourrait déséquilibrer l’ensemble du marché mondial. Si la mesure s’avérait efficace, cela signifie que les réserves de change russes en dollars ne pourraient pas être utilisées du tout pour soutenir le rouble sur les marchés internationaux. Steven Hamilton, professeur à l’université américaine George-Washington et ancien du Trésor australien, cité par Le Monde explique à ce sujet : « Immobiliser la banque centrale d’un pays majeur est complètement fou, et sans précédent. » Jusqu’alors une telle mesure n’avait jamais été mise en place pour un pays du G20 et seuls des pays qui ne peuvent être comparés sur le terrain économique comme le Venezuela, la Corée du Nord et l’Iran avaient subi ce sort.

Quel impact sur les classes populaires ?

Et une fois de plus ce sont bien les classes populaires russes qui par effet ricochet souffriront le plus des sanctions occidentales. Derrière les oligarques qui, bien que relativement amoindris, sauront sauver leurs milliards, c’est la population russe qui paiera le prix fort.

Qui plus est ce ne sont pas les sanctions qui vont empêcher une quelconque guerre ou escalade, dont l’OTAN elle-même est responsable en dernière instance. En effet, bien que placé depuis 2014 sous le couperet de mesures restrictives de la part des puissances occidentales, Poutine n’a pas été empêché le moins du monde de poursuivre et intensifier l’offensive en Ukraine. Le seul résultat concret de cette politique : le pouvoir d’achat de la classe ouvrière russe, en recul de près de 10% depuis une décennie. Aux antipodes du discours officiel qui cherche à faire passer ces mesures iniques pour un combat légitime contre la barbarie -réelle- de l’invasion russe, ces sanctions visent en première instance à défendre l’impérialisme américain et ses alliés de l’OTAN.

En revanche, les sanctions de l’OTAN pourraient accélérer les tendances à la crise de l’économie mondiale. Si pour l’instant aucune certitude ne s’impose, la situation doit être suivie avec la plus grande attention, car ces nouvelles difficultés entraîneraient de nouvelles attaques contre la classe ouvrière à l’international.

En ce sens, nous appelons à affronter la possibilité de cette guerre réactionnaire à travers la mobilisation pour le retrait immédiat des troupes russes hors de l’Ukraine, mais aussi contre l’OTAN et les sanctions imposées par les puissances impérialistes. L’Ukraine est une monnaie d’échange dans ce jeu, ce sont les masses exploitées du monde entier qui pourraient en payer le prix.

 
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