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La Izquierda Diario
16 de décembre de 2021 Twitter Faceboock

Pas un euro pour les juridictions répressives !
"On est en souffrance" : grève inédite des professionnels de Justice face au manque de moyens
Joshua Cohn

Mercredi 15 décembre, des rassemblements réunissant magistrats, greffiers, fonctionnaires de la justice et avocat ont eu lieu dans de nombreuses villes afin de réclamer des moyens pour soulager des tribunaux croulant sous les dossiers. S’il faut exiger du personnel en nombre suffisant et des locaux dignes pour permettre la prise en charge des litiges du quotidien, pas un euro ne doit être versé aux juridictions répressives et aux prisons qui, avec la police, sévissent contre les classes populaires.

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Crédit photo : ALAIN JOCARD / AFP

C’est un fait inédit chez les magistrats. Le 15 décembre, l’Union syndicale des magistrats (USM), majoritaire, avait appelé à la grève pour la première fois de son histoire. Cette mobilisation fait suite à une tribune publiée le 23 novembre dernier dans le Monde dans laquelle 3000 magistrats et une centaine de greffiers réagissaient au suicide de Charlotte, jeune magistrate de 29 ans, écartelée entre la rapidité exigée dans des juridictions sous pression et son éthique à rendre des jugements de qualité.

Réduire les délais pour une justice au service du plus grand nombre

Avec le concours des greffiers, des avocats et des fonctionnaires du ministère de la Justice, c’est le monde judiciaire qui s’est réuni mercredi devant les palais de justice et les cours d’appel du pays et devant le ministère de l’Économie et des Finances à Bercy à Paris. À Strasbourg, Bordeaux, Marseille, Nice, Rennes, ce sont plusieurs milliers de personnels de Justice mobilisés ce mercredi pour dénoncer le manque de moyens, trois semaines après la parution d’une tribune signée par 7 750 professionnels.

Leur mot d’ordre était simple : des investissements urgents dans la justice pour recruter et faire face au nombre de dossiers à traiter mais aussi pour remettre en état des locaux qui frôlent parfois l’insalubrité avec des problèmes de chauffage, de plomberie et un manque de matériel, notamment informatique.

Cité par Le Monde, une greffière du Tribunal pour enfant de Nice témoigne : « Depuis des années, on est en souffrance. On fait des heures exponentielles, on n’en peut plus. Hier soir, un collègue est resté au palais jusqu’à 2 h 30 du matin et ce matin il était à son poste à 8 h 30 ». Le manque de personnel dans les juridictions est à l’origine de délais absolument insupportables pour les personnes confrontées à un litige. Par exemple, il faut compter en moyenne entre un et trois ans pour un jugement du Conseil de prud’hommes, la procédure pouvant prendre quelques années supplémentaires avec un appel. Que se soit à l’occasion d’un divorce, d’un sinistre qu’une compagnie d’assurance refuse de couvrir, d’un différend avec son propriétaire, d’un changement d’état civil, d’une facture d’eau ou d’énergie abusive, d’un licenciement ou encore d’un accident du travail, les travailleurs et les classes populaires ont de nombreuses occasions d’être confrontés aux tribunaux pour régler une affaire de la vie quotidienne qui relève parfois d’une importance décisive, notamment lorsque leur situation financière est fragile.

L’augmentation des moyens pour permettre un règlement rapide des affaires civiles est ainsi une revendication urgente pour permettre à la majorité de la population de jouir effectivement des droits qui, sinon, ne sont reconnus que sur le papier.

Pas un euro pour la répression !

Cependant, en matière de « justice », tout ne doit pas être amalgamé. Car si certaines juridictions peuvent être utiles à la population, les juridictions pénales et les prisons, qui dépendent également du ministère de la Justice, épaulent quant à elles la police dans les fonctions de répression qui s’abattent sur les plus pauvres, les personnes racisées, les travailleurs en lutte et les militants.

La comparaison des chiffres en la matière est flagrante. Sur un budget de 8,861 milliards d’euros en 2022 pour le ministère de la Justice, 4,584 milliards, soit plus de la moitié, sont consacrés à l’administration pénitentiaire. Aussi, alors que les délais de traitement laissent les dossiers civils en souffrance, une étude de l’Insee parue le 9 décembre estime qu’en 2019, le délai moyen d’une procédure pénale s’élevait à seulement 9 mois, moyenne notamment abaissée par la multiplication des procédures accélérées qui fragilisent toujours plus les droits de la défense.

De toute évidence, toutes les juridictions et tous les corps de métiers de la justice ne sont égaux face au manque de moyens et aux délais interminables. Il s’agit là d’une politique délibérée de l’État, qui finance prioritairement les outils de maintien de l’ordre aux dépens des autres pans du système judiciaire.

Nous joignons donc notre voix pour exiger plus de personnels et des locaux dignes pour les tribunaux utiles aux problèmes quotidiens de la population. Pas un euro en revanche pour les juridictions répressives, rouages du maintien d’un ordre injuste. Pas un euro pour les prisons, ces cloaques infâmes où l’État prétend réinsérer et réparer en isolant et en brisant les individus. Pas un euro pour les procureurs, bras armé de l’État, chargé d’appliquer la politique pénale du Gouvernement en lançant les poursuites devant les tribunaux.

Plus encore, nous défendons avec la campagne d’Anasse Kazib pour l’élection présidentielle, un programme de démocratisation de la justice avec « l’élection directe des juges, la généralisation des procès avec jurés populaires aptes à rendre des verdicts et le fait que les magistrats ou fonctionnaires dépendant du ministère de la Justice touchent un salaire équivalent au salaire médian » ; parce que pour être utiles et régler les différends, les juridictions doivent être proches de la population et non constituer un corps d’experts séparé du reste de la société.

 
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