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4 de novembre de 2021 Twitter Faceboock

Mouvement ouvrier
Interview. Répression syndicale à Vitesco : « il faut qu’on se prépare à d’autres coups qui vont suivre »
Violette Renée

Suite au scandale de répression syndicale dans l’entreprise Vitesco Technologies France en Ariège, nous avons interrogé une déléguée syndicale CGT de l’entreprise qui nous explique les manœuvres de la direction ainsi que les perspectives face à cela.

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Crédit photo : DDM

RP : Pouvez-vous nous raconter la situation vis-à-vis des licenciements de trois de vos collègues dans l’entreprise Vitesco ?

Déléguée syndicale de la CGT à Foix : le 24 septembre 2021, 3 salariés ont reçu une mise à pied à titre conservatoire - qui débouche généralement sur un licenciement. Dans leur lettre de mise à pied, aucun motif, aucun élément n’est apporté. Le 6 octobre ces 3 salariés ont un entretien préalable, lors de cet entretien la direction leur a notifié les reproches qui leur ont été fait, à savoir d’avoir donné une opinion lors d’une réunion d’échange environnement/sécurité/hygiène. Cette animation proposée par l’entreprise avait comme slogan « venez échanger et partagez vos expériences ». Résultat : ces trois salariés ont tellement bien échangé et partagé qu’ils ont été licenciés.

La CGT considère que ces licenciements sont fondés sur un délit d’opinion. En effet, sur l’ensemble des stands, ces trois salariés ont eu un échange contradictoire avec des intervenants et on peut se demander si aujourd’hui dans cette société, le fait de ne pas être d’accord avec les principes et les idées de l’entreprise peuvent mener à une mise à pied quelle qu’elle soit. La réponse est oui. Richard Fitoussi était un ex-élu de la CGT, Ciaran Cullen ex-élu de chez Solidaires et Thomas Vialettes était un salarié lambda. Tous les trois étaient connus pour leur franc parler. Lors de cet événement même s’ils ont donné leur opinion et leur avis, il me semble quand même que l’on est encore dans un pays démocratique où l’on a le droit de donner une opinion sans pour autant avoir une sanction. Or là, la sanction a été immédiate.

Donc ils ont été licenciés pour faute grave, si on reprend le Code du Travail c’est « un danger grave et imminent dans l’entreprise  ». La question c’est, est-ce que quand on donne une opinion ou un avis qui diverge avec les idées d’une direction, est ce que ça fait d’eux des « dangers graves et imminents pour l’entreprise » ? Je ne crois pas. Le 18 octobre, suite à cet entretien préalable, ils ont reçu leur lettre de licenciement et comme c’est avec une faute grave, que tout ce qui est préavis de licenciement sauf les congés payés qui leur ont été rémunéré, tout le reste il n’y ont pas droit : pas indemnités pour les années d’ancienneté, impact sur la rémunération mais aussi sur la recherche sur leur emploi futur.

Ce sont clairement des licenciements abusifs ! Pour nous cette forme de répression à pour conséquences de réduire les capacités d’actions des syndicats envers les salariés, elle dissuade les salariés de se syndiquer, de s’organiser et aussi fragilise le collectif de travail dans leur capacité à se défendre et à faire respecter leurs droits et en gagner de nouveaux. Il faut que les choses soient dites et clairement. Le simple geste d’adhésion à un syndicat est stigmatisé, c’est un élément perçu comme déloyal à l’égare de l’entreprise. Dans cette entreprise il y a plusieurs organisations syndicales, aujourd’hui la seule qui est venue soutenir ces trois salariés c’est la CGT. Depuis la réorganisation de l’entreprise on sent bien que le style de management du nouveau comité de direction est rigide et autocratique, c’est un management par la peur qui muselle l’ensemble des salariés. La répression syndicale s’est durcie ces derniers mois, c’est un fait, on le vit dans toutes les entreprises.

RP : Pouvez-vous parler de la réorganisation de l’entreprise ?

Déléguée syndicale de la CGT à Foix : Avant la réorganisation nous étions l’entreprise Continental, le comité de direction allemand à décidé d’une stratégie différente à savoir qu’ils ont arrêté les injecteurs et les pompes ; par rapport à ça ils ont décidé de mettre en place un spin-off et de se débarrasser de la branche Powertrain - calculateur, injecteur et pompe. De cette scission on est passé de Continental à Vitescol. Le spin-off a été effectif en septembre 2021 et la scission a eu lieu courant 2018-2019.

RP : Vous avez ressenti une dégradation des conditions de travail ?

Déléguée syndicale de la CGT à Foix : Oui, par le turnover et une direction qui pratique un management par la peur.

Il y a avait déjà eu des cas de répression syndicale dans l’entreprise ?

Déléguée syndicale de la CGT à Foix : La répression syndicale il y en a dans toutes les entreprises, sur les organisations syndicales la pression il y en a, mais c’est les règles du jeu qui font que les élus sont sous pression, sous tension. Pour l’instant la direction s’en est pas directement prise à des élus, licencier des élus c’est plus compliqué, il faut avoir l’accord de la DIRRECTE. Aujourd’hui les 3 camarades de Foix qui ont reçu cette lettre ont reçu le motif d’"incivilité envers des intervenants et collègues extérieurs". La direction veut faire un exemple, jauger les autres salariés. Car si demain elle prépare d’autres mauvais coups, elle peut voir s’il va y avoir de la résistance. Là c’est clair que la résistance il y en aura. À la CGT, on pense que ces trois collègues ont été des exemples. Ca aurait pu tomber sur d’autres. Les choses s’étant passées comme elles se sont passées, la direction à profiter : ça a été une aubaine pour licencier 3 salariés en même temps et jauger la résistance des autres.

Ce qu’il faut comprendre c’est que cette attaque contre ces collègues c’est un avertissement, il faut qu’on se prépare à d’autres coups qui vont suivre c’est sur et certain dans notre entreprise. Pourquoi ? Parce qu’aujourd’hui on fait des calculateur thermique et notre entreprise a fait un choix stratégique de se tourner vers l’électrification. Sauf qu’aujourd’hui on a aucun projet électrique qui rentre. Donc c’est compliqué parce qu’il faut robotiser les lignes et la robotisation induit une diminution de la main d’œuvre. Les plans de départ volontaire qui ont été négociés, les objectifs de la direction n’ont pas été atteints : leur objectif était de supprimer 70 emplois. Nous on se demande si elle utilise pas d’autres moyens pour baisser les effectifs. Certains ont été licencié, d’autres sont partis en rupture conventionnelle, d’autres ont démissionné... apparemment ça ne suffit pas pour la direction. La phase 3 est l’utilisation de moyens pour licencier et imputer à des salariés des fautes graves ou lourdes...

RP : Surtout que les salariés dénoncent des choses d’une vérité absolue : le greenwashing de l’entreprise ainsi que son hypocrisie envers la santé mentale de ses salariés

Déléguée syndicale de la CGT à Foix : Ils ont juste donné une opinion sur un échange qu’ils ont eu avec un intervenant du stand risque psychosociaux. Dire à une intervenante que c’était mal venu de demander à des salariés lambda de diriger des salariés RPS (risques psychosociaux) vers des services aptes à les aider, moi je ne vois pas le problème. Car en effet il y a les élus, la CHSCT, l’observatoire du stress, des représentants du personnel qui sont là pour ça, ça fait partie de leur prérogative. Pourquoi aujourd’hui on va demander à des salariés lambda de diriger d’autres salariés ? C’est mal venu, ça va mettre en difficulté des salariés qui n’ont pas de mandat, aucune formation pour gérer ces salariés en situation de RPS. Je vous le dis comme eux ce sont exprimer, est ce que vous sentez de l’incivilité dans ce que je vous ai dit ? Est-ce que c’est diffamatoire ? Insultant ? A aucun moment ces trois salariés ont été insultants ou ont proféré des injures ou des agressions verbales. Ils ont juste donné un avis contradictoire.

Aussi, la direction reproche aux 3 salariés d’avoir entaché l’image de Vitesco Technologies France par rapport aux intervenants de Véolia - qui sont partenaires - sur une échange concernant la question environnementale. Les salariés ont reçu une gourde à l’effigie de l’entreprise qui prétend faire sa transition écologique alors qu’au fond il y avait écrit "Made In China", pareil pour un stylo. Cette critique aussi a déplu à la direction.

Enfin, on leur a également reproché d’avoir monopolisé le temps de parole ; on leur reproche de ne pas avoir respecté les distanciations entre eux et l’intervenant (2 mètres), sur un stand de 4m2 où l’affichage prévoit 2 personnes à l’intérieur, comment ces personnes-là pouvaient respecter le protocole sanitaire ? Bref, tout ceci est une machination.

Quels sont les perspectives au-delà de la pétition que vous avez mise en place ?

Déléguée syndicale de la CGT à Foix : Il y a de la combativité chez les salariés ! Par contre il y a des syndicats dans cette entreprise qui ont préféré ne rien faire, rester en retrait alors que trois salariés sont licenciés ! La répression syndicale s’exprime de différente manière : un plafond sur la carrière et la rémunération mais aussi sur l’égalité de traitement entre les organisation syndicales. Dans cette entreprise on est aussi là-dessus, certains syndicats sont plus ou moins derrière les intérêts de la direction... c’est une réalité et pas uniquement chez Vitesco.

Les salariés vont aller aux Prud’hommes, sans illusion qu’ils auront une réintégration mais au moins pour requalifier leur licenciement pour faute grave vers un licenciement "sans causes réelles et sérieuses". Ceci pour faciliter leur recherche d’emploi, sinon aucun employeur en Ariège ne les embauchera.

 
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