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8 de octobre de 2021 Twitter Faceboock

Des idéologues anti-idéologie
Commission anti-complotisme de Macron : une arme idéologique au service du gouvernement
Inès Rossi

Gérald Bronner, Rachel Khan, Guy Vallancien… La nouvelle commission créée par Macron pour lutter contre la désinformation n’est rien d’autre qu’une tentative de donner une légitimité scientifique à une offensive idéologique réactionnaire.

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Une commission « anti-complotisme » à la composition très marquée idéologiquement

Mercredi 29 septembre, le président de la République dévoilait la composition d’une toute nouvelle commission, modestement baptisée « Les Lumières à l’ère numérique », qui sera chargée de lutter contre la désinformation et le « complotisme ». Mais si le quinquennat marqué par la crise du Covid-19 a en effet vu s’intensifier et se multiplier les phénomènes de fake news, d’embrigadement et de conspirationnisme à tous les niveaux de la société, l’objectif réel de la commission créée par un gouvernement expert en la matière semble tout autre.

Le CV de ses membres est en ce sens révélateur. Gérald Bronner, le sociologue qui dirige la commission, incarne à lui tout seul l’orientation politique de ce nouvel organe. Il se dit « spécialiste des croyances », et défend, comme tout idéologue libéral qui se respecte, l’idée que « les extrêmes se rejoignent ». Résolument anti-Bourdieu, il analyse les phénomènes de « radicalisation » indifféremment du bord politique ou des facteurs sociaux dont ils découlent. Parmi ses faits d’armes, l’échec cuisant du centre de déradicalisation de Pontourny, ou encore la dénonciation de la fameuse « tyrannie des minorités » qui règnerait selon lui à l’université.

On retrouve dans son discours des éléments de langages classiques des opposants politiques à la gauche progressiste : le bon sens versus l’hystérie, la raison versus la haine. Une distinction qui permet évidemment de classer toute opposition politique dans l’obscurantisme, pour la décrédibiliser définitivement.

Pourtant, quand on écoute Gérald Bronner, certains complotismes sont moins complotistes que d’autres : Zemmour, par exemple, n’est pas complotiste à ses yeux. Le polémiste d’extrême-droite est pourtant un adepte de la théorie du grand remplacement, qui est bel et bien une théorie complotiste raciste, selon laquelle une élite (souvent juive dans l’esprit de ses théoriciens) pousse au remplacement de la population européenne blanche par une population étrangère. Derrière une façade scientifique et neutre, la commission qui aura pour objectif de lutter contre la désinformation et le complotisme affiche ainsi une ligne politique bien définie, et bien alignée avec celle du gouvernement.

À peine la commission créée, Gérald Bronner s’est retrouvé au-devant de la scène médiatique pour défendre un autre membre, lui aussi controversé. Il s’agit de Guy Vallancien, nommé en sa qualité de médecin, mais au CV tout aussi peu reluisant. Entre 2004 et 2014, il dirige le centre du don des corps de Paris Descartes. Pendant dix ans, et sous sa direction, les dépouilles des personnes ayant souhaité donner leurs corps à la science sont entassés dans des conditions abominables. Pire, l’enquête de l’Express sur le charnier l’accuse d’avoir revendu des corps au prix fort : « Vallancien achetait la mise à disposition des corps au tarif public et les revendait plusieurs fois le prix. »

On retrouve également son nom dans l’affaire du Médiator, ce médicament des laboratoires Servier, sciemment maintenu en vente malgré sa dangerosité, et qui est « la cause directe de la mort ou de l’invalidité de milliers de personnes », comme l’explique la pneumologue Irène Frachon dans une tribune dans Le Monde. Guy Vallancien s’est en effet fermement rangé du côté des laboratoires Servier, et a systématiquement nié l’ampleur du scandale Mediator et du nombre de ses victimes.

« L’affaire du Mediator a ainsi ébranlé profondément et, à juste titre, la confiance du grand public dans la capacité des autorités sanitaires, des laboratoires pharmaceutiques et du monde médical en général à garantir leur santé » explique Irène Frachon. « Mediator, devenu une métonymie du scandale sanitaire, a été détourné par de nombreux adeptes d’un complotisme délétère comme une sorte de caution les autorisant à rejeter sans nuance des propositions vitales pour la santé publique, comme c’est le cas de l’actuelle campagne de vaccination contre le Covid-19. »

Compte tenu de son rôle dans cette affaire, la nomination de Guy Vallancien à une commission chargée de lutter contre la désinformation est un comble. Pourtant, pour Gérald Bronner, la controverse autour de la nomination de Guy Vallancien relève de « l’hystérie ». Les journalistes qui ont ressorti cette information sont des « esprits malveillants », qui cherchent à nuire à la commission, explique le sociologue. Pour la pensée non-complotiste, on repassera…

Dans la liste des membres, on est également surpris de tomber sur le nom de Rachel Khan, qui sera donc passée d’opiniologue favorite des plateaux de CNews à membre d’une commission étatique de lutte contre la désinformation à l’ère du numérique. Adulée par le Printemps Républicain, elle a bénéficié d’une très large médiatisation dès lors qu’elle s’est mise à taper sur les militants antiracistes politiques opposés à Macron. Nommer Rachel Khan dans une commission anti-complotiste, c’est notamment institutionnaliser l’idée que le racisme d’État est un mensonge voire une théorie du complot, comme elle le défend, et ainsi continuer l’offensive islamophobe et raciste entérinée avec la dissolution du CCIF. Sa proximité avec le pouvoir aura payé ; d’abord marraine du Prix de la Laïcité lancé par Schiappa, la voilà embarquée dans une nouvelle opération de comm’ gouvernementale.

Arrêtons là la liste de portraits, mais citons quand même quelques autres membre notables : Roland Cayrol, politologue et fervent soutien d’Emmanuel Macron, ou encore Iannis Roder, qui a participé à la rédaction des Territoires perdus de la République, un ouvrage paru en 2002 et qui a versé de l’eau au moulin des islamophobes et des racistes qui décrivent les banlieues comme des zones de non-droit quasi barbares. Un sociologue de droite, un médecin acquis aux intérêts capitalistes du secteur de la santé, une militante anti-antiracistes etc. : la liste des membres de la commission permet de dresser un constat clair sur son objectif réel.

Une nouvelle arme dans l’offensive idéologique réactionnaire du gouvernement

Il est évident que la commission Bronner s’inscrit dans la continuité de l’offensive réactionnaire menée par le gouvernement contre les musulmans, l’anti-racisme et toute forme de pensée critique. Des sujets sur lesquels des ministres comme Frédérique Vidal ou Jean-Michel Blanquer avaient lancé une forte offensive après le meurtre ignoble de Samuel Paty, s’en prenant à « l’islamo-gauchisme ». Cette offensive s’est poursuivie par la dissolution d’associations musulmanes ou anti-racistes comme le CCIF, et par une loi séparatisme dans le cadre de laquelle parler de « racisme d’État » entraîne désormais la révocation pour un imam.

S’il entend édicter et imposer « sa vérité » contre les théories critiques qui ont alimenté des phénomènes de contestation sociale ces dernières années, des mobilisations contre les violences sexistes et sexuelles en passant par les manifestations anti-racistes de juin 2020, c’est pourtant le gouvernement qui use et abuse quotidiennement de fake news. Des mensonges de Blanquer sur « l’allocation de rentrée », à la dissolution d’organisations sur des motifs fallacieux par Darmanin en passant par les mensonges sur les masques au début de la crise sanitaire, le gouvernement n’a eu de cesse de mentir ces dernières années, et d’alimenter le complotisme à coups de désinformation, de mesures sanitaires répressives, et d’errements stratégiques dans la lutte contre l’épidémie.

Il est donc fondamental de dénoncer clairement une commission qui n’a qu’un objectif politique : ériger la politique du gouvernement en parango de la science et de la raison objective, contre toute contestation qui relèverait, elle, de l’idéologie. Une continuation de l’offensive du gouvernement contre les islamo-gauchistes, les wokes, ou toute autre catégorie visant à discréditer des opposants au projet politique de Macron.

 
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