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La Izquierda Diario
30 de juillet de 2021 Twitter Faceboock

Transphobie
Outings forcés, difficultés administratives... Le passe sanitaire met les personnes trans encore plus en danger
Tatiana Magnani
Matthias Lecourbe

Le passe sanitaire, dans la droite lignée de la politique autoritaire et répressive de l’exécutif, va également ouvrir des voies à la discrimination des personnes trans, les contraignant à révéler leur transidentité avant chaque entrée dans un lieu public. Avec le projet de loi relatif à l’extension du passe sanitaire et sa généralisation à l’ensemble des lieux publics, cela impose de fait des outings forcés et répétés pour beaucoup de personnes trans.

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Avec la généralisation du passe sanitaire qui devra être voté cette semaine, les personnes trans qui n’auront pas procédé au changement de sexe et de prénom à l’état civil sur l’ensemble de leurs documents d’identité et de sécurité sociale avant leur vaccination seront davantage exposées à de multiples violences découlant du contrôle d’identité dans les différents établissements. « On va devoir s’outer (révéler sa transidentité, ndlr) plus régulièrement auprès d’inconnus, c’est une mise en danger », déclare Sofia, co-fondatrice du média transféministe XY à Neonmag. « Si on doit révéler le fait qu’on est trans à tous les patrons de bar, on s’expose à de la transphobie, à du mégenrage, à un refus de l’entrée dans le lieu, à des violences physiques... ».

S’il existe une procédure de changement de prénom en mairie, avec constitution d’un dossier de demande, cela ne relève toujours pas de l’autodétermination pour les personnes trans et les délais d’examen des dossiers peuvent être extrêmement variables. Cette procédure tend toutefois à être bien plus rapide que la procédure de changement d’état civil, qui est pour sa part judiciarisée et qui est la seule à permettre une mise à jour de la mention de sexe à l’état civil, mais peut durer plus d’un an selon les circonscriptions et laisse encore une fois une large part d’appréciation aux autorités dont les critères officieux peuvent beaucoup différer selon la sensibilité des juges. Une fois obtenue une décision d’autorisation de changement de prénom ou une décision de changement d’état civil, c’est à la personne trans destinataire de la décision d’en transmettre une copie à toutes les institutions intéressées, en particulier pour ce qui nous intéresse à la sécurité sociale. Là encore le délai de prise en compte de l’acte peut-être très variable et la transmission dématérialisée n’est pas toujours possible faute de catégorie correspondante dans les boîtes de tri des demandes de contact sur les sites web des administrations et du manque d’effectif dans la fonction publique pour traiter les courriers.

Le passe sanitaire vient s’ajouter aux outings forcés et aux difficultés administratives auxquelles sont confrontées les personnes trans du fait de ces démarches complexes liées à leur état civil. De nombreuses personnes trans ont d’ailleurs partagé leurs inquiétudes sur les réseaux sociaux dès l’annonce de l’instauration du passe sanitaire.

Elles peuvent rencontrer des problèmes très variés selon leur situation administrative. Le passe sanitaire impose de présenter à la fois une attestation de vaccination ou un résultat de test de dépistage récent et une pièce d’identité. Une personne trans a pu par exemple se voir délivrer une attestation de vaccination à son prénom d’usage conformément à son profil doctolib par bienveillance du personnel soignant sans avoir pour autant pu modifier son prénom légal : auquel cas son passe sanitaire ne sera pas valide et elle risque d’être suspectée d’usurpation d’identité ce qui expose à un contrôle d’identité d’autant plus long et violent ou à une impossibilité d’accéder à la plupart des lieux publics.

Une autre personne trans pourrait n’avoir fait aucun changement à l’état civil et avoir un passe sanitaire à son deadname (ndlr : ancien prénom) ce qui va très fortement l’exposer à des violences, à des refus d’accès par transphobie ou encore une fois par suspicion d’usurpation d’identité comme l’expliquait Sofia.

Enfin, compte tenu de la longueur et de la complexité des démarches pour faire modifier son état civil puis son enregistrement à la sécurité sociale, un changement de prénom ou de mention de sexe a pu intervenir à tout moment entre la première et la deuxième dose, ou encore après la seconde dose auquel cas la gestion de la situation par la CPAM est très incertaine. Il faut encore signaler que certaines autorités transmettent de leur propre initiative les décisions de changement de prénom ou de mention de sexe aux CPAM ne laissant aucune possibilité pour la personne intéressée d’échapper à cette incertitude administrative en envoyant la décision à un moment pouvant sembler plus opportun.

Le changement de mention de sexe est particulièrement problématique, car il entraîne une modification du numéro de sécurité sociale faisant fréquemment perdre les remboursements pendants de soins et de médicament et la possibilité d’accéder à ameli.fr pour une certaine période, ce qui complique encore la communication avec la CPAM pour demander une rectification du passe ou pour accéder à l’attestation de vaccination. S’ajoute une dernière incertitude : après un changement de prénom et/ou de mention de sexe, il faut aussi se rendre en mairie pour demander des pièces d’identité à jour, or les services ont largement suspendu leurs activités en période de confinement et fonctionnent au ralenti lorsqu’ils fonctionnent en période de vacances scolaires.

Le passe sanitaire met en lumière différentes difficultés auxquelles sont confrontées habituellement les personnes trans dont les papiers ne sont pas à jour et en conformité avec leur identité sociale et ne fera que les étendre à pratiquement toutes les situations se déroulant dans l’espace public. Les difficultés rencontrées par les personnes trans cherchant à mettre à jour leur passe sanitaire révèlent elles aussi l’autoritarisme effrayant de la mesure qui est de plus en pratique impossible à appliquer de façon juste compte tenu des effectifs insuffisants dans les CPAM pour traiter toutes les difficultés qui peuvent survenir - par exemple pour les personnes vaccinées à l’étranger, ou qui ont contracté le covid après leur première injection qui se voient alors refuser une deuxième dose pour le moment faute de stock, mais dont le passe ne peut-être édité avant cette deuxième injection.

En vérité, l’extension du passe sanitaire ne fait que masquer l’échec de la stratégie vaccinale de Macron, à rebours d’un véritable plan sanitaire, et pénalise principalement les franges les plus précaires et opprimées de la population. Face à l’autoritarisme du gouvernement, il faut s’opposer à toute mesure coercitive avec un véritable plan sanitaire, et lutter contre la transphobie administrative en faisant disparaître la mention de sexe de l’état civil et en permettant un changement de prénom en mairie, gratuit, sur simple déclaration et transcrit dans un bref délai.

 
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