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La Izquierda Diario
1er de juillet de 2021 Twitter Faceboock

Précarité menstruelle
Au Liban, des chiffons en guise de serviettes hygiéniques : quand les femmes paient la crise économique
Mélanie Florch

Alors que la crise économique et l’hyper-inflation s’abattent sur les classes populaires, les femmes sont contraintes de remplacer leurs protections hygiéniques par des chiffons. Une attaque jusqu’au coeur de l’intimité, dont le gouvernement provisoire mais aussi les puissances impérialistes dont la France sont responsables.

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« J’utilise des serviettes, des bouts de tissus », déplore Chérine, une habitante. Parfois, elle doit même se résigner à opter pour des couches pour bébé : « Je coupe la couche en deux, comme ça, ça me fait deux utilisations, surtout quand je sors. »

Comme beaucoup de femmes libanaises, le moment des règles est devenu redoutable. « Avec les prix élevés et la colère que je ressens, j’en suis au point où je préfèrerais ne plus avoir mes règles », s’indigne la femme de 28 ans. En effet, les prix des serviettes hygiéniques ont presque quintuplé, avec des paquets qui coûtaient auparavant moins de 3000 livres -soit deux dollars- qui se vendent aujourd’hui entre 13 000 et 34 000 livres.

Cette flambée du prix des produits de première nécessité est la conséquence directe de l’aggravation de la crise économique au Liban. Depuis 2019, le PIB s’est contracté de 40 % et la valeur de la livre libanaise a été divisée par neuf par rapport au dollar. Quant à l’inflation, elle a atteint 157 % sur un an et culmine à 400 % pour les seuls produits alimentaires. En première ligne de la crise économique, la population a été plongée dans la misère et le taux de pauvreté a explosé, passant en l’espace de dix-huit mois de 25 % à plus de 50 % selon la Banque mondiale.

Face à cela, le gouvernement provisoire a décidé de subventionner 300 produits de première nécessité au taux de 3 900 livres libanaises pour éviter une éruption de colère dans les rues du pays, animées par les mouvements de protestation depuis déjà plusieurs mois. Mais pour l’exécutif, il semblerait que la question des produits de protection hygiénique ne fasse pas partie de ces besoins impérieux. Ainsi, les deux seuls produits d’hygiène que le Ministère de l’économie a jugés essentiels sont les dentifrices et… les rasoirs.

Cette annonce n’a pas manqué de provoquer un torrent de colère sur les réseaux sociaux. « Sept hommes ont sélectionné les produits subventionnés », a ainsi ironisé la plateforme indépendante Megaphone News, faisant allusion au gouvernement provisoire. « Le pire est que ces hommes n’ont pas oublié d’inclure les rasoirs pour hommes, à l’heure où de nombreuses femmes n’ont pas accès aux serviettes périodiques » a-t-il ajouté.

Au-delà de relever d’une attitude profondément discriminatoire envers les femmes, cette décision pose de sérieuses questions de santé publique. Selon les propos relayés par le journal L’Orient le jour, le gynécologue et professeur Fayçal el-Kak déplore : « Il faut absolument subventionner les serviettes hygiéniques, car il s’agit d’un produit de santé sexuelle et les femmes du Liban ne peuvent se permettre le luxe d’attendre ». « Certaines réduisent leur consommation quotidienne, au risque de développer des inflammations. D’autres reviennent aux serviettes en tissu lavables, comme le faisaient leurs grand-mères »

Il ajoute même, « En ignorant leurs besoins, les autorités ont porté atteinte à leur dignité. » pointant les conséquences d’une misère sociale qui s’exprime aussi sur le terrain de l’intimité.

Une attaque qui se combine à une précarité croissante au Liban, qui frappe de plein fouet les classes populaires comme en témoigne au micro de France Culture Mohammed : « Je suis le seul pour soutenir ma famille. Je suis obligé de faire ça, je mets de côté cette souffrance parce que j’ai des enfants. On n’a plus que 3 heures d’électricité par jour, le reste c’est un groupe électrogène mais je ne peux plus payer. Ça ajoute encore de la pression, tout augmente, il faut de l’argent pour l’essence, pour l’électricité, pour les médicaments aussi ».

Le directeur de l’hôpital universitaire Rafic Hariri, Firas Abiad dresse ainsi un résumé alarmant des pénuries quotidiennes « La situation du courant est inacceptable pour l’hôpital », a-t-il déploré sur son compte Twitter. « Un arrêt de 21 heures par jour. On ne trouve pas de fioul, et si on en trouve, on n’a pas de liquidités. Les patients ne peuvent pas couvrir la différence. Nous avons pris la décision de couper la climatisation, sauf dans les services médicaux, malgré la canicule. Pas besoin d’avoir recours à l’imagination, nous sommes vraiment en enfer. »

C’est cette situation qui a poussé des franges de plus en plus massives de la population dans la rue, dénonçant le manque de produits de première nécessité, de nourriture, d’électrité mais aussi de pétrole. Le 30 juin, des affrontements ont éclaté dans plusieurs villes du pays entre les manifestants qui luttent pour des conditions de vie décentes et l’armée qui, renflouée par l’aide financière française et internationale, incarne le dernier rempart du gouvernement face à la contestation sociale.

De fait, la France se préoccupe avant toute chose de prévenir les mobilisations, inévitables dans un tel contexte d’hyperinflation et de misère sociale et qui s’attaquent à ses intérêts économiques et militaires dans la région.

Il est ainsi primordial que l’intégralité de la violence subie du fait de la crise économique et de l’impérialisme français continue à être combattue dans la rue, car c’est uniquement en reprenant le pouvoir des mains d’un gouvernement au service des classes dominantes que les Libanais pourront voir la lumière au bout du tunnel.

 
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