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La Izquierda Diario
14 de mai de 2021 Twitter Faceboock

Justice pour Adnane !
Usage de faux, manipulation judiciaire : le policier qui a éborgné Adnane Nassih couvert par l’institution
Violette Renée

Une enquête de Libération révèle que le tireur de la BAC Yann T. qui a éborgné Adnane Nassih a eu le soutien et la protection de l’ensemble de sa hiérarchie, jusqu’au Directeur Général de la Police Nationale. Entre mensonges coordonnés, usage de faux et manipulation judiciaire, cette enquête est une parfaite démonstration des pratiques intestines de la police pour garantir l’immunité policière.

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Crédits photo : AFP

L’affaire débute dans la nuit du 22 au 23 février dans la cité de Brunoy (Essone), soirée durant laquelle Adnane Nassih, 19 ans, reçoit un tire de LBD au visage lors d’une intervention de police. Le tir a été effectué à moins de 7 mètres de distance, en plein visage. Les caméras de vidéosurveillances montrent que Adnane ne présentait aucun danger pour les forces de répressions. Le tireur, Yann T. a éborgné le jeune homme.

Devant des faits accablants, la seconde partie de l’enquête de Libération sur l’affaire montre « comment la plus haute hiérarchie policière a soutenu le tireur  ». Elle révèle les manigances de l’institution policière pour dissimuler la responsabilité de Yann T.

Les mécanismes déployés décrits dans l’enquête pour protéger l’impunité policière sont stupéfiants. «  Dans cette affaire, toute la chaîne hiérarchique est concernée, jusqu’à Frédéric Veaux, le Directeur Général de la Police Nationale  » rapporte Libé.

Dès le lendemain du tir, Yann T. avait porté plainte contre Adnane pour violences, l’accusant d’avoir soudainement fait « un mouvement brusque et étrange au niveau de sa poitrine » puis avoir « violemment lancé dans [sa] direction un objet ». Ce qui est une pratique courante pour des policiers qui risquent d’être attaqués pour violences, ils profitent de leur assermentation pour inverser les rôles entre victime et assaillant.

Libération dévoile ainsi des échanges de messages entre deux de ses supérieurs ayant encouragé l’élaboration de ces versions fallacieuses : « je lui ai conseillé que si une vidéo qu’on lui montre venait contredire [sa] version [initiale], de dire qu’avec les projectiles reçus, le lacrymo, la tension palpable et les mecs en face il avait vu tout autre chose… Il constate qu’il s’est trompé, mais qu’il en est très surpris, qu’il n’avait pas vu ça à l’instant T  ». Mais lorsque les images de vidéosurveillance ont été dévoilées, disqualifiant totalement la première version du policier, le chef reprend : « putain je lui en veux de pas avoir dit direct qu’il a merdé on serait parti sur le tir accidentel  », ce à quoi son homologue répond ouvertement «  c’est sûr que c’est mieux de dire la vérité, au moins à l’équipage, s’il a bidouillé. Après, on s’arrange une vérité mais on ne se ment pas entre nous  ». Au regard de ces éléments, une plainte avait été déposée par Adnane Nassih et son avocat contre le tireur pour « faux et usage de faux », mais elle n’a conduit à aucune poursuite.

Une part importante de l’enquête révèle le soutien actif du Directeur Général de la Police Nationale, en lien avec le Directeur Départemental de la Sécurité Publique, Thierry Ferré, ayant fait jouer leurs connaissances judiciaires pour protéger l’agent de la BAC face aux sanctions. Alors que la justice met en examen l’agent pour «  violences volontaires ayant entraîné une mutilation  », condamné donc à une interdiction d’exercer et donc à l’arrêt immédiat de son salaire, les deux hauts fonctionnaires de Police parent la mesure, et suspendent administrativement l’agent, pour empêcher sa suspension judiciaire et lui préserver son poste et son salaire. Au téléphone avec une amie, qui s’étonne qu’il n’ait pas été au moins muté, Yann T. trop bavard balance ses grands chefs : « ah non, interdiction d’exercer désarmé point ! terminé ! donc on a trouvé une petite parade avec mon DDSP et le DGPN [directeur général de la police nationale, ndlr], judiciairement j’ai pas le droit d’exercer mais administrativement ils m’ont suspendu comme ça je touche quand même un petit salaire ».

Enfin, l’enquête de Libération a montré que des notes ont été modifiées à l’avantage de l’agent. Tandis que dans son dossier administratif, la notation annuelle du brigadier rédigée par un officier mentionne qu’il “a toujours conservé à l’esprit d’agir en toute sécurité et en respectant la déontologie nécessaire”, c’est cette fois-ci les mots d’une conversation téléphonique de la capitaine Bérangère M., cheffe de tous les effectifs de cette BAC d’agglomération, qui prouvent le subterfuge : « On a dû la faire modifier c’te notation hein, parce que c’est pas ça qu’il avait mis au début […] Ah bah au début c’était : impulsif euh j’sais pas quoi donc euh… ça a gueulé hein  ».

Libération rappelle également la supercherie des enquêtes de l’IGPN. La police des polices, en effet, est soumise hiérarchiquement au DGPN, Frédéric Veaux, lui-même personnellement impliqué dans l’affaire.

Tous ces éléments démontrent bien comment les policiers ayant commis des actes de violences ou des actes criminels de mutilations ou de meurtres jouissent d’une impunité structurelle face à la justice, avec l’aide de leur hiérarchie. Pour ne prendre que les exemples les plus récents, Grégoire Chassaing, chef des opérations lors de l’attaque violente qui a tué Steve a été promu ; l’affaire sur les morts de Sélom et Matisse à Lille qui ont tenté d’échapper à une interpellation policière violente, a été classée sans suite ; ou encore l’impunité de l’emblématique affaire Adama Traoré, dont justice n’a toujours pas été faite malgré le combat de sa famille.

Dans cette affaire, comme chaque fois lorsqu’un policier est poursuivi, la totalité de la hiérarchie policière, de ses collègues jusqu’au Directeur Général de la Police Nationale sont en ordre de bataille pour couvrir les éléments, réécrire les faits et choyer le policier. Ceci car l’enjeu pour la police dans ces affaires est grand : il s’agit de garantir l’immunité policière, et les violences qui lui sont intrinsèques. Intimider, réprimer et mutiler les populations c’est précisément le rôle des forces de police notamment dans les quartiers populaires, pour stigmatiser et perpétuer leur exploitation. Empêcher toute condamnation donner l’assurance aux policiers qu’ils peuvent continuer à tabasser en toute impunité. Ce ne sont pas des brebis galeuses mais bien l’institution qui est intrinsèquement et nécessairement violente.

 
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