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La Izquierda Diario
11 de mai de 2021 Twitter Faceboock

Nouvelle génération ouvrière
Grève à La Poste : "On est pas révolutionnaires dans l’âme, mais la colère a pris le dessus !’
Oscar Renard

Olivier est facteur dans la banlieue nantaise et délégué CGT La Poste. Retour sur la grève dans son secteur contre les plans de restructuration et la sous-traitance, pour l’emploi et pour des conditions de travail dignes. Une lutte combative à l’image de la nouvelle génération d’ouvriers qui relèvent la tête.

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Révolution Permanente : Qu’est-ce qui a déclenché la grève ?

Olivier : En fait, il y a un mois ou deux, La Poste a enclenché des réorganisations de bureaux dans la continuité des mesures mises en place par la direction depuis deux ans qui ont conduit à la réduction des effectifs. Là, la direction voulait supprimer 25 postes d’intérimaires et augmenter la charge de travail de ceux qui resteraient, en imposant uen pause de 20 minutes non-payées chaque jour. Tout ça alors qu’on dénombre 40 suppressions de poste pour les six premiers mois de 2021, et que nous on n’arrête pas de demander de l’emploi !

RP : Quel a été le rôle des syndicats pendent le mouvement ?

Olivier : En fait, au départ on a fait une intersyndicale Sud-CGT. Et ça s’est bien passé, les gens étaient ravis de se voir. En fait la grève a été riche en débat et dans la façon de construire la lutte ce qui a été innovant c’est que le mouvement était contrôlé par les grévistes, pas seulement par les camarades syndiqués, alors là dessus on tire un bilan très positif.

Moi à la base je suis pour l’unité à 100%. Par exemple là l’union entre la CGT et Sud ça a été très utile. Après les autres syndicats chez nous on les voit un peu ou pas ou, mais je sais qu’en France il y plein de départements où il y a des unions FO-Sud, FO-CGT. Parfois les militants sur le terrain sont plus connectés les uns avec les autres. Et malgré les différences d’étiquettes syndicales, je suis pour la lutte commune. Ce qu’il faut c’est que dans chaque bureau, les travailleurs se prennent en main parce qu’ils ont les mêmes intérêts, syndiqués ou non. C’est eux que ça concerne avant quiconque donc c’est eux qui doivent se défendre par eux-mêmes.

RP : Comment les grévistes se sont organisé pour mener la grève ?

Olivier : On a fait plusieurs AG, tous les jours. Sur les piquets on se réunissait spontanément pour décider des actions à mener. C’était un mouvement assez costaud avec la participation et l’initiative de tous, et ça a lié les différentes générations. Il faut dire qu’il y a beaucoup des camarades qui ont entre vingt et trente ans qui participaient aux piquets de grève, et je trouve qu’il y a une espèce de colère chez les nouvelles générations de salariés. Ils voient bien ce qu’ils ont tout à gagner en se battant et ils n’ont pas la même mentalité par rapport au travail : ils font moins de concessions

RP : C’était quoi l’ambiance sur le piquet de grève ?

Olivier : On était soixante-dix ou quatre-vingts dès le premier piquet de grève. On était plusieurs bureaux : Bouaye était en grève à 100%, d’autres bureaux étaient en grève majoritaire à Mouzillon, Sainte-Pazanne, Nantes Éraudière aussi. Moi mon bureau au Vertou n’était pas concerné mais par solidarité on a quand même fait grève à sept ou huit sur une trentaine de salariés.

Cela a amené à une grosse cohésion. On se retrouvait à entre 4h et 5h du matin tous les jours avec une super ambiance combative. On a fait de des gros blocages, et on a mis un gros bazar dans tout le sud de la Loire et de Nantes. Et on a fini en obtenant satisfaction sur quelques revendications. Pas sur tout, l’emploi reste le point noir, mais on n’abandonne pas la lutte.

RP : Quelles étaient vos revendications ?

Olivier : Le syndicat réclamait principalement de l’emploi parce qu’une fois que tu as de l’emploi, tu as des travailleurs protégés qui peuvent s’exprimer plus librement. Le but c’est d’abord de faire sortir les gens de la précarité. Et puis nous on défend l’emploi aussi pour les salariés qui travaillent dans la sous-traitance. Parce qu’ils sont nos collègues à la Poste et donc ils devraient avoir un emploi comme nous.

Les boites comme La Poste, elles préfèrent les sous-traitants pour se comporter comme un donneur d’ordre et se débarrasser de ses obligations vis-à-vis des travailleurs et ne plus s’occuper de certaines tâches. Cette fois la direction a essayé de se débarrasser d’une tâche de plus, alors que nous on demande de l’emploi avec des bonnes conditions de travail et de salaire, sachant qu’on a des petits salaires à la fin du mois.

Pour nos conditions de travail ce qu’on demande c’est de ne pas faire la coupure qu’ils ont essayé de nous imposer, parce qu’elle n’est pas payée à la différence d’une pause. Ce qui veut dire que les pauses qu’on avait avant étaient payées, alors que maintenant elles sont supprimées et transformées en coupures non payées.

On travaille parfois toute la journée, dans des conditions toujours plus difficiles où il faut faire plus en moins de temps, et avec un petit salaire. Donc nous ce qu’on demande au moins c’est de respecter nos horaires de travail et de faire notre service le matin en une seule fois. A la base c’est le bénéfice du facteur, de travailler tôt le matin et d’avoir le reste de la journée pour nous.

RP : Quels sont les entreprises privées qui concurrencent La Poste ?

Olivier : Il y a DPD qui distribuent leurs propre colis, Amazon aussi et Chronopost. Nous on distribue encore beaucoup de colis. Mais à l’avenir, la direction veut nous faire passer chez les sous-traitants. Le e-commerce va ça chamboule notre métier et La Poste cherche à faire des économies sur le courrier. Car maintenant ce sont les colis qui rapportent beaucoup.

RP : Vous avez envisagé de faire des actions ensemble avec les entreprises de distribution de colis ?

Olivier : On avait prévu une action prochainement, elle n’est pas encore bien définie mais normalement nous avons programmé de faire un tractage aux salariés des entreprises Amazon, DPD, Chronopost, auprès des chauffeurs. On veut aller les voir pour discuter avec eux, savoir quels problèmes ils rencontrent, et voir si on peut s’organiser ensemble. Parce qu’en fait on fait tous le même métier avec les sous-traitants. Alors pour quoi on ne se réunirait pas tous pour faire une action en commun et revendiquer les mêmes choses, tous ensemble !

Et puis lorsqu’on se parle on se rend compte de ce qui nous arrive. A Chronopost par exemple, certains salariés ont touchés 3.100€ de prime avec la crise du Covid, tandis que pour nous le maximum c’était 300€. Et encore, en fait personne ’na touché 300€, pour ça il fallait avoir été là tout le temps, n’avoir jamais été malade. C’était quasi impossible parce qu’il y a plein de collègues pendant le confinement qui ne pouvaient pas travailler tout le temps et qui ont dû s’arrêter pare qu’ils avaient de la famille. Dans l’ensemble on n’a pas touché plus que 150 ou 200€. C’est minable par rapport au profit qu’on leur a fait gagner cette année.

Le but de toutes ces entreprises c’est de sous-traiter pour gagner plus d’argent, en faisant faire le travail à des petites entreprises dont les salariés sont moins bien payés et ont de moins bonnes conditions de travail. Cette année La Poste a fait 2,1 milliards d’euros de bénéfices. On a jamais fait ça, c’est parce que la livraison de colis a explosé avec les confinements.

Mais ce qui est intéressant, c’est qu’au début de la crise sanitaire, pendent le premier confinement on a travaillé un mois trois jours par semaine. Ensuite on a fait 4 jours par semaine avant de revenir au rythme normal. Tout ça montre que La Poste peut faire des beaucoup de bénéfices même lorsqu’on travaille moins. Donc pour nous ce serait tout à fait possible de travailler moins en gagnant plus !

RP : Comment s’est terminé la grève ?

Olivier : Les négociations ont fini à 20h15 vendredi 16 avril. Donc on est resté de 4h30 du matin jusqu’à 20h15. C’était une longue journée pour finir une semaine bien remplie. Il faut dire qu’on a fait plein d’action. Notamment une fois on a envahi un centre de courrier, on était à 70 facteurs à l’intérieur avec la musique à fond. C’était une action assez forte et les camarades du transport qui ont été là ont beaucoup aidé. C’est eux qui maîtrisaient le flux des camions, et qui décident qui sortait, qui ne sortait pas. Comme on dit : on n’est pas des révolutionnaires dans l’âme, mais là la colère a pris le dessus !

 
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