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10 de mai de 2021 Twitter Faceboock

Brésil
Rio de Janeiro : 25 morts dans un raid meurtrier dans la favela de Jacarezinho
Lucia Eva

Ce jeudi 6 mai 2021, une opération « antidrogue » menée par la police civile de l’Etat de Rio de Janeiro a fait 25 morts dans la favela de Jacarezinho, bilan qui en fait le plus grand massacre dans la ville de Rio.

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Crédits photo : AFP/Mauro Pimentel

C’est au nord de Rio de Janeiro, dans le quartier de Jacarezinho, que l’intervention de police a eu lieu jeudi matin. Elle visait des trafiquants de drogue affiliés au Comando Vermelho, gang le plus influent de la ville de Rio. C’est dans les quartiers les plus paupérisés que le Comando recherche de jeunes recrues, auxquelles ils promettent un avenir hors de la misère (pour rappel, 22% de la population de Rio vit dans les favelas). Pour les habitants, le contrôle des favelas par les trafiquants se traduit par un taux de criminalité très élevé auquel les autorités répondent par des opérations de police en cascade. C’est un véritable massacre qu’a produit l’intervention menée à Jacarezinho : les chiffres recensent 25 morts, soit le bilan le plus élevé depuis le massacre de Vigario Geral qui avait fait 21 morts en 1993.

La police civile, à l’origine du bain de sang, a enfreint un arrêt émis par la Cour Suprême fédérale du Brésil le 5 juin 2020 et qui prévoyait la suspension des descentes de police dans les bidonvilles de Rio de Janeiro pendant toute la durée de la pandémie. Suite à la condamnation de l’acte par plusieurs organisations et à la journée de protestation organisée vendredi, une enquête a été ouverte par la Commission des droits de l’homme de l’Assemblée législative de Rio.

Des opérations révélatrices du racisme institutionnel au Brésil

La habitants des favelas de la ville de Rio et plus précisément de celle de Jacarezinho ont dénoncé le caractère raciste de l’opération menée jeudi. En effet, les favelas sont régulièrement victimes de violences humains par les services de police qui, au nom de la lutte contre le trafic de drogue, font régner un climat de peur et d’insécurité aux côtés des trafiquants. La police, qui jouit d’une profonde impunité au Brésil, violente sans limites les habitants des favelas, en grande majorité noirs. On estime d’ailleurs que près de 80% des victimes de la police brésilienne sont noirs. Même si le vice président brésilien Hamilton Mourao avait affirmé au lendemain de la mort de Joao Alberto Silveira Freitas (un homme afro-brésilien qui avait été assassiné par des agents de sécurité d’un magasin Carrefour le 19 novembre 2020 à Porto Alegre) qu’il “n’y a pas de racisme au Brésil”, difficile de le croire face à ces chiffres alarmants.

Une militarisation massive du pays par Bolsonaro

Dès ses débuts, le président d’extrême droite Jair Bolsonaro a affirmé vouloir militariser au maximum sa gestion du pays. Une promesse tenue voire renforcée avec la pandémie : en effet, plus de 1000 personnes ont été tuées dans des opérations de police depuis le début de la crise. Dans un pays où l’armée occupe les plus hautes sphères du pouvoir entre ministères et institutions publiques, le gouvernement de Bolsonaro a appliqué une gestion criminelle de la pandémie notamment par la répression de toute tentative de mise en place de confinements locaux par les maires. Au-delà de la crise actuelle, c’est par sa volonté de mener une véritable guerre contre la drogue que Bolsonaro entend justifier la militarisation de son pays. Peu avant son élection, il s’était notamment proclamé favorable à la peine de mort et à l’usage de la torture contre les trafiquants de drogue.

Progressivement, la politique de lutte antidrogue menée par Bolsonaro accorde les “pleins-pouvoirs” aux institutions armées et répond à la criminalité par l’usage de la force, en particulier dans les favelas. Une stratégie contre-productive puisque si depuis plusieurs années, la criminalité a bien baissé au Brésil, le nombre de morts imputables à la police a lui augmenté. La situation s’est aggravée avec l’élection de Bolsonaro qui a donné carte blanche aux policiers dans leur usage de la violence : la police de Rio de Janeiro est d’ailleurs réputée pour être l’une des plus violentes du pays.

Finalement cette politique de réponse aux trafics par les armes et la violence n’adresse pas les problèmes de fond de l’influence des gangs au Brésil, en particulier celui de la grande pauvreté dans laquelle vit environ 25% de la population. C’est pourquoi le trafic de drogue, activité très lucrative, attire de nombreux jeunes qui y voient une porte de sortie de la misère à laquelle les promet le gouvernement. Beaucoup y voient leur seule option de survie d’où le recrutement dans les favelas. Ainsi la lutte sanglante menée par l’Etat ne résout en rien les problèmes structurels qui touchent la société brésilienne et contribue, à l’inverse, à la criminalisation des plus pauvres et à la légitimation de la violence policière.

 
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