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La Izquierda Diario
6 de mai de 2021 Twitter Faceboock

Les "Amendé.es" de Millau
Millau. Dossiers contre des manifestants et amendes "sans contact" : "C’est une police politique"
Ana Demianoiseau

A Millau, une cinquantaine de manifestant.es ont été verbalisés par vidéo-surveillance, en toute illégalité. A travers un procès qui a été une nouvelle fois reporté, ils dénoncent une répression politique de la part de la police et de la mairie.

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Crédits photo : Benoit Sanchez-Mateo, militant du collectif des Amendé.es

Il y a un an, le 12 mai 2020, une centaine d’habitant.es de la ville de Millau dans l’Aveyron, ont manifesté suite au premier confinement pour dénoncer la politique de casse des services publics, facteur central de la gestion erratique de la crise sanitaire par le gouvernement. Une manifestation qui a été suivie par une seconde échéance le 22 mai 2020. Suite à ces manifestations, une cinquantaine de manifestant.es ont reçu par courrier une amende de 135€ pour « rassemblement interdit sur la voie publique dans une circonscription territoriale où l’état d’urgence sanitaire est déclaré ». Il n’y a eu aucune interpellation ni aucun relevé d’identités durant les manifestations, la police municipale a fait un usage illégal des vidéos de surveillance. Nous nous sommes entretenus avec Alain, militant de la CIP (Coordination des Intermittents et Précaires) et membre des « Amendé.e.s ». Comme une vingtaine d’autres personnes, il a refusé de payer l’amende et l’a contestée juridiquement afin de dénoncer l’offensive sécuritaire du gouvernement.

Au-delà du fait que ces amendes ont été administrées via la consultation illégale de vidéos de surveillance de la part de la police, d’autres pratiques inédites et répressives ont été relevées. Les personnes ayant contesté l’amende ont reçu une majoration alors même que la procédure doit s’arrêter dès le moment où elle est contestée. De plus, comme nous le dit Alain : « La police n’avait pas l’adresse de 4 personnes qui ne pouvaient donc ni recevoir l’amende ni la contester. Ces 4 personnes ont été saisies par un ATD (avis à tiers détenteur) qui s’adresse soit à ton employeur, soit à ta caisse de retraite, soit à pôle emploi, etc. Et s’ils ne trouvent pas ils retirent directement sur ton compte bancaire. Ils font une opposition, ça existe : il y a une de nos camarades pour qui ça s’est passé comme ça. Notre avocat était sidéré de cette manière de faire, car c’est un problème de procédure. Certains ont contesté après avoir été saisis mais cela n’a rien changé au fait qu’ils ont été saisis. Une manifestante qui avait été aussi présente à la manif du 22 mai, a été taxée de récidive et a donc été prélevée de 750 euros. »

Les contestataires ont donc porté l’affaire en justice au tribunal de Rodez afin de prouver juridiquement le non-sens de ces amendes. Le procès qui devait se dérouler le 4 mai a été repoussé en raison de 5 cas de nullité de procédure qui montrent bien à quel point la justice n’a que faire de ses propres lois. Le tribunal de Rodez a fait annuler le procès car il s’est déclaré incompétent devant ce cas. Une fuite bien compréhensible, car l’avocat des contestataires montre que celleux-ci ont été verbalisés en mai 2020 selon un arrêté qui n’a été instauré qu’en octobre 2020. Mais surtout, la police municipale ne peut donner des images à la police nationale que quand il s’agit de cas de recherche de flagrants délits susceptibles d’une peine de prison. Ce n’est donc ni de la compétence du maire, ni de celle de la police d’utiliser cette image. L’ancien maire républicain a donc agi de manière illégale dans le but d’incriminer les manifestant.es. Ces magouillages avec la loi de la part de la police est monnaie courante.

Les enjeux dépassent le procès. Celui-ci a mis encore une fois la lumière sur l’offensive sécuritaire du gouvernement, justifiée fallacieusement par l’état d’urgence sanitaire. Comme le dit Alain : « Le dossier est une montagne de police politique. Chaque personne qui a été verbalisée est en photo, avec son nom et son adresse. Et pour chacune il y a des commentaires du type « Telle personne participe à des manifestations » ; « Telle personne participe parfois à des manifestations » ; « Telle personne est connue pour participer très souvent à des manifestations » etc. Et le pire de tout, c’est qu’on cite les gens quand ils font partie de la liste alternative écologiste et anticapitaliste qui est la liste aux municipales et qui est parfaitement en règle. On fait figurer cet élément comme si c’était un élément à charge. Le summum c’est que la liste et la profession de foi de la liste alternative ont été joints au PV et sur cette liste figurent 25 personnes qui n’étaient pas à la manifestation, leur photo étaient dans les PV. Donc on a les éléments pour bien voir qu’on a ici un commissariat de police qui pointe les gens en manifestations, qui relève leurs opinions politiques et les mettent dans des PV pour les porter au tribunal. […] L’impression qu’on a c’est que la préfette nous avait déjà dans le nez. Le PV commence en stipulant une manifestation de « l’ultra-gauche ». On est en plein dans la stigmatisation et la surveillance. […] On est pas des militants du PS. Comme le disait notre avocat, s’il y avait eu une manifestation LREM le lendemain du confinement pour féliciter le gouvernement de sa gestion de la crise sanitaire, ça m’étonnerait que la police de Millau prenne en photo les militant.es LREM pour les verbaliser. […] Maintenant quand tu sors faire des pancartes pour dire « on veut des moyens pour l’hôpital public », on est criminalisés. […] Ils utilisent la crise. C’est tellement facile. » Ce qu’on constate, c’est que quelques mois avant que le projet de loi Sécurité Globale ne soit voté, la police usait déjà illégalement de techniques de fichages permises par cette loi en ciblant les opposant.es politiques. La Loi Sécurité Globale est un échelon supérieur dans l’attaque aux libertés. Les nombreuses agressions de journalistes durant les manifestations montrent la violence et la partialité que l’on peut subir quand on a un discours contestataire. Ce tournant sécuritaire, combiné à l’offensive islamophobe du gouvernement avec la loi séparatisme, prépare aussi l’« après-covid » et les prochaines mobilisations.

Les manifestations de mai 2020 qui exigeaient plus de moyens pour l’hôpital public ont, un an après, un triste écho. Le gouvernement qui vient d’annoncer un déconfinement continue à jouer avec nos vies : il se donne une limite de taux d’incidence supérieur à 400 cas pour 100 000 habitants avant d’activer des « freins d’urgence ». Un chiffre bien supérieur aux seuils d’alerte mis en place dans d’autres pays. Mais alors que les hôpitaux continuent d’être débordés et que les soignants travaillent à flux tendus, le gouvernement ne donne aucuns moyens aux services publics. Avec l’adoption de la loi Sécurité Globale qui a entre autres élargi les pouvoirs de la police municipale, des faits aussi abusifs que ceux qui ont eu lieu à Millau ne pourront plus être contestés juridiquement. La riposte ne se fait pas sur le terrain juridique mais bien dans la rue, à l’image des nombreuses manifestations contre la Loi Sécurité Globale ou bien de la mobilisation des « Amendé.e.s » qui montrent la nécessité de faire front et de lutter face à une justice et une police de classe.

 
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