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La Izquierda Diario
18 de février de 2021 Twitter Faceboock

#VidalDemisssion
« Islamo-gauchisme à l’université ». Vidal doit dégager et ses réformes aussi !
Anna Ky

Après les propos de Frédérique Vidal sur « l’islamo-gauchisme qui gangrène les universités », de larges pans du milieu universitaire exigent sa démission. Face au projet raciste et liberticide du gouvernement, il faut préparer la riposte.

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Crédits photo : Christophe Ena © 2019 AFP

Invitée sur le plateau de Cnews dimanche 14 février, Frédérique Vidal a fustigé « l’islamo-gauchisme qui gangrène les universités » reprenant à son compte une rhétorique propre à l’extrême-droite pour s’attaquer aux enseignants de gauche, et notamment aux études anti-racistes. Une rhétorique qui vise à poursuivre l’offensive islamophobe du gouvernement pendant que les étudiants se trouvent plongés dans une situation de misère scandaleuse restée sans réponse.

Comme le rappelle un communiqué cinglant du CNRS publié trois jours après cette apparition médiatique de la ministre, « « l’islamogauchisme », slogan politique utilisé dans le débat public, ne correspond à aucune réalité scientifique. » Et en effet, au premier abord, il est difficile de déterminer qui sont ces universitaires dans le viseur de Vidal, qui utilisent « leurs titres et l’aura qu’ils ont […] pour porter des idées radicales ou des idées militantes de l’islamo-gauchisme en regardant toujours tout par le prisme de leur volonté de diviser, de fracturer, de désigner l’ennemi ».

Mais les courants de recherche visés par la ministre sont vites explicités lorsque Jean-Pierre Elkabbach lui demande : « Vous ajoutez aussi les indigénistes qui disent la race, le genre, la classe sociale… tout ça, ça forme un tout ? » et qu’elle répond par l’affirmative. « C’est pour cela que je vais demander, notamment au CNRS, de faire une enquête sur l’ensemble des courants de recherche, sur ces sujets, dans l’université, de manière à ce qu’on puisse distinguer ce qui relève de la recherche académique de ce qui relève du militantisme, de l’opinion ».

Ces déclarations publiques de Frédérique Vidal ont provoqué un véritable tollé au sein de la communauté universitaire. Deux institutions qu’elle administre – la Conférence des Présidents d’Université et le CNRS – ont publié des communiqués en défense de la liberté académique et qui dénoncent son utilisation du terme « islamo-gauchisme » pour mieux s’attaquer au chercheurs en sciences sociales qui travaillent sur la construction et la perception sociale des notions de race, de classe et de genre.

Toute la semaine, des personnalités du milieu universitaire, plus ou moins connues, se sont exprimées pour dénoncer les propos de la ministre de l’ESR et exiger sa démission. Le hashtag #VidalDemission est monté en « top tweet » sur les réseaux sociaux mardi dernier. Derrière la colère qui monte face à Vidal, il y a deux arguments principaux. Le premier, c’est que la ministre décide d’ouvrir une telle polémique alors même que l’université est traversée par des problématiques dramatiques aujourd’hui : les étudiants se trouvent dans une détresse inédite, les universités sont fermées à cause du manque de moyens investis par le gouvernement dans l’enseignement supérieur, les files d’attente pour bénéficier d’aides alimentaires s’allongent, les tentatives de suicide se multiplient chez les jeunes. L’autre argument, c’est l’utilisation d’une rhétorique raciste, qui vise tout particulièrement les personnes musulmanes ou considérées comme telles, et l’ensemble des courants de recherche et de pensée qui donnent des armes critiques face au capitalisme patriarcal et raciste.

Instrumentaliser l’université pour justifier la politique raciste et liberticide du gouvernement

Vidal approfondit par son discours une offensive ouvertement islamophobe du gouvernement, qui s’inscrit dans la continuité de la dissolution d’organisations qui luttaient contre la discrimination des personnes musulmanes comme le CCIF, de la loi Sécurité Globale qui renforce les pouvoirs d’une police profondément violente et raciste, et de la loi sur les « séparatismes » qui vise ouvertement les musulmans ou considérés comme tels.

Derrière le terme « islamo-gauchisme » qui assimile la lutte contre les oppressions, les études sur le genre, la race et la classe, et le « terrorisme islamiste », il y a un projet politique profondément raciste et anti-social. Le gouvernement a besoin de fonder sur un discours et une idéologie raciste les attaques toujours plus violentes qu’il mène contre le monde du travail et la jeunesse, de trouver un « ennemi intérieur » et de diviser pour mieux régner.

Les prises de position de la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ne sont pas qu’une « diversion » mais bien une une réponse réactionnaire aux mobilisations importantes menées par la jeunesse contre la loi Sécurité globale, contre les violences policières et le racisme d’État, dans la continuité de Black Lives Matter aux États-Unis. Et c’est comprises comme un véritable projet politique réactionnaire, raciste et liberticide qu’elles doivent être combattues pied à pied par la communauté universitaire, les organisations de gauche et les militants anti-racistes.

Le principal problème, c’est qu’on meurt de faim et d’isolement

« C’est scandaleux et honteux de vouloir restreindre les libertés académiques, d’instrumentaliser la recherche en histoire et sciences sociales à des fins politiciennes, et surtout, dans le contexte pandémique actuel, de mépriser à ce point les étudiants et étudiantes en portant l’attention médiatique et parlementaire sur cette fausse question de l’islamo-gauchisme plutôt que sur la détresse et la précarité des jeunes » déclare Séverine Awenengo Dalberto, chargée de recherche au CNRS et membre de l’Institut des mondes africains, dans les pages de Mediapart.

Et en effet, avant-même de tenir ces propos scandaleux sur Cnews, Frédérique Vidal est avant-tout à la manœuvre pour détruire l’université publique. En 2018, main dans la main avec Emmanuel Macron, elle a porté la loi ORE et mis en place Parcoursup, ce qui a considérablement aggravé la sélection sociale à l’université. En triant les bacheliers en fonction de leur lycée d’origine, c’est désormais la provenance sociale qui prédomine dans le tri des nouveaux arrivants à l’université. En 2018, le gouvernement a brutalement augmenté les frais d’inscriptions à l’université pour les étudiants étrangers « extra-européens », une mesure raciste qui apparaît d’autant plus dramatique aujourd’hui, alors que ce derniers sont de loin les plus exposés à la crise comme l’a dévoilé une enquête de l’Observatoire de la Vie Étudiante.

C’est Vidal et la macronie également qui sont les artisans de la LPR, une loi qui avait suscité un tollé dans le milieu universitaire en mars dernier, et qui visait à précariser le statut des enseignants-chercheurs et approfondir la dynamique de privatisation de la recherche.

Et aujourd’hui, alors que les étudiants meurent de faim et de l’isolement, alors que les facs sont fermées depuis un an, sa seule réponse est d’un mépris sans nom. Des chèques-psy alors que les travailleurs du médico-social sont en sous-effectif et que l’hôpital est maintenu sous l’eau par le manque de moyen. Des repas à 1€ qui se sont révélés être une énorme arnaque. Et... rien d’autre si ce n’est un discours et des mesures islamophobes et sécuritaires.

Vidal dégage, et tes réformes avec

Dans ce contexte de gestion catastrophique de la crise économique et sanitaire, dans laquelle le gouvernement continue d’arroser les grandes entreprises pendant que les services publics sont au bord de la rupture, cette sortie de la ministre l’a mise en difficulté jusque dans son propre camp. Si elle n’a pas le monopole des sorties d’extrême droite dans le gouvernement, Macron a du s’en délimiter par l’intermédiaire de Gabriel Attal compte tenu de la situation très tendue dans les universités. En effet, il y a un fort risque que s’ouvrent des brèches où pourraient s’engouffrer une mobilisation, dans le contexte explosif que connaît la jeunesse étudiante. Et les déclarations de la part de la ministre qui suscitent des levées de boucliers aussi radicales, jusqu’au CNRS et à la Conférence des Présidents d’Université, qui ne sont pourtant pas connues pour être particulièrement « gauchistes », ne sont pas de nature à rassurer la macronie, qui cherche à tout prix à éviter un embrasement des universités.

Les étudiants et enseignants ne peuvent pas laisser passer de tels propos de la part d’une la ministre responsable de tant de réformes anti-sociales des universités. Il faut exiger sa démission, se battre pour qu’elle s’en aille avec toute son œuvre, à commencer par la loi ORE qui a instauré Parcoursup, ainsi que « bienvenue en France » qui a multiplié par 10 les frais d’inscriptions pour les étudiants étrangers et la LPR. La recherche critique ne doit pas être censurée, elle doit au contraire se voir enfin allouer des moyens à la hauteur des enjeux sociaux, économiques et climatiques qui sont posés devant nous. Plus que jamais, la recherche scientifique ne doit être guidée ni par les impératifs des profits, ni par les volontés de gouvernements réactionnaires.

Face à Vidal, qui se trouve plus fragilisée que jamais depuis le début de son mandat, c’est une riposte d’ensemble qui doit être organisée par les enseignants-chercheurs et les étudiants pour en finir avec la situation calamiteuse que nous connaissons. Face à la détresse étudiante, il est indispensable d’imposer la réouverture réelle des universités, qui est évidemment conditionnée à un investissement massif dans l’enseignement supérieur. Mais il faut également exiger un revenu étudiant à la hauteur du SMIC, pour toutes et tous, sans condition de nationalité, et financé par un impôt fortement progressif sur les grandes fortunes.

Face aux attaques du gouvernement, il s’agit également de poursuivre le combat pour défendre nos droits, la liberté de se réunir, de s’organiser. Il faut se battre pour le retrait des lois ORE et de la LPR qui détruisent l’université publique, mais également pour l’abrogation de la loi sécurité globale, de la loi sur les « séparatismes » et l’ensemble des mesures islamophobes et sécuritaires imposées par le gouvernement.

Pour les étudiants et personnels de l’université, la mobilisation est la seule voie qui peut permettre d’obtenir des moyens pour les facs et la jeunesse, et de contrer cette offensive répressive et réactionnaire. C’est la perspective à laquelle s’attellent les collectifs étudiants Le Poing Levé, animés par les militants du NPA-Révolution Permanente.

 
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