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20 de janvier de 2021 Twitter Faceboock

Solidarité Ouvrière
Tribune. Pourquoi la grève de Grandpuits est un exemple pour notre camp social
Nathan Andreas

Un salarié de l’aéronautique, ayant lutté contre un APC dans son entreprise et subi la répression, adresse une tribune de soutien aux raffineurs de Total en lutte pour l’emploi à Grandpuits. Ce soutien revient sur un grand nombre d’aspects de la grève, un exemple à suivre pour notre camp social.

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Si l’on voit aujourd’hui défiler de nombreux articles et vidéos sur les réseaux sociaux mettant en lumière la grève actuellement menée par les raffineurs et raffineuses de Grandpuits face au patronat du géant Total, c’est certainement parce que cette lutte contre les suppressions d’emplois détonne par sa combativité et les enseignements que l’on peut en tirer.

En effet si il va sans dire que cette lutte est exemplaire il est bon de rappeler pourquoi : la combativité des travailleurs et leur refus de négocier la suppression de 700 emplois (donneur d’ordre et sous-traitants compris) que cherche à imposer le groupe Total ; les équipes syndicales qui poussent afin que les grévistes syndiqués ou non soient les acteurs de leur grève via les assemblées des salariés ; la volonté de ne pas s’isoler dans leur lutte et de construire un front commun avec des associations écologistes pour casser la division artificielle entre la lutte pour l’emploi et la lutte pour l’écologie et enfin l’unité intersectorielle et le nombre de ses soutiens qui ne fait que croître alors même que les principaux médias télévisés se font discrets autour de cette grève.

Un exemple pour toute la classe ouvrière et la jeunesse

Depuis deux semaines maintenant les raffineurs luttent contre la suppression de leurs emplois et la fermeture de leur site de raffinage. 98% des travailleurs et travailleuses postés du site sont grévistes. Leur grève se déroule loin du cadre du dialogue social fortement plébiscité par le gouvernement et le patronat qui vise à noyer la colère légitime des travailleurs qui voient toute la misère sociale que les suppressions d’emplois vont générer dans la région.

On a d’ores et déjà pu observer où le dialogue social mène. La bureaucratie syndicale à coups de « négociation du poids des chaînes » (modalités de licenciement principalement) et de communiqués qui vont parfois jusqu’à expliquer aux salariés que la situation financière de leur entreprise ne permettra aucunement de sauver l’ensemble des emplois, y défend donc les intérêts du patronat et y trahi les salariés qui l’ont élue.

Le résultat de ce dialogue social s’exprime par des plans de "sauvegarde" de l’emploi (PSE) signés, dans le meilleur des cas, avec quelques centaines d’emplois supprimés en moins par rapport à ce qui est annoncé par le patron au préalable, ainsi que par des accords de performance collective (APC) qui sont une régression des acquis sociaux des travailleurs Ces accords représentent des pertes sèches sur salaire à travers la suppression de primes (transport, panier repas, horaires postés, etc...) poussant les salariés à accepter leur précarité ou à la refuser et donc à être licenciés pour motif réel et sérieux. Ce qui fut le cas chez Derichebourg Aeronautic Services où l’APC s’est traduit par des centaines de suppressions d’emplois.

À Grandpuits Gargenville, l’intransigeance est de mise. La revendication principale est « 0 suppression d’emploi, Total a les moyens de payer ! » mais les salariés n’en restent pas là. Ils mettent en avant le fait que la reconversion voulue par Total entraînerait non seulement la précarité pour leurs familles mais aussi des risques environnementaux et des perspectives d’emplois en moins pour la jeunesse ainsi que pour le bassin d’emploi local. En partant de ces conséquences, ils ont su rapidement appeler aux soutiens et à la convergence des luttes pour dépasser les divisions artificielles et poser les premières pierres d’ un combat unitaire.

Ils se sont aussi organisés démocratiquement en prenant leurs décisions en assemblée générale où la parole y est donnée à celui ou celle qui souhaite se faire entendre, syndiqué ou non, ainsi qu’en établissant des commissions pour répartir les tâches nécessaires à la réussite de leur grève (médiatisation communication, caisse de grève, juridique...). Ainsi les salariés prennent conscience de leur force et de l’aspect déterminant d’être et de rester unis et organisés face au patronat.

Contre le greenwashing de Total : fin du mois fin du monde même combat !

Un aspect tout aussi exemplaire de la lutte des Grandpuits est de dénoncer le greenwashing exercé par Total, alors que la prise de conscience par les salariés et le monde du travail autour des enjeux écologiques n’a jamais préoccupé autant et alors que la division entre mouvement ouvrier et écologiste a souvent été entretenue par les directions syndicales et politiques. Le géant de l’industrie pétrochimique s’efforce de faire croire à la population que la fermeture du site s’inscrit dans une démarche transitoire écoresponsable. Cependant, si Total ferme un site de raffinage ici c’est pour en ouvrir d’autres dans des pays où les normes en matière d’écologie n’y sont pas contraignantes et où la main d’œuvre y est moins chère.

Les raffineurs dénoncent donc le greenwashing et les ravages impérialistes de Total et s’associent dans leur grève avec des organisations écologistes afin de travailler autour de ces questions. Ils démontrent que des solutions écologiques sont possibles et qu’elles ne sont pas contradictoires avec l’emploi et les conditions de vie des salariés mais qu’elles sont seulement avec les intérêts du patronat.

C’est là encore un exemple pour toutes les filières industrielles telles que l’industrie aéronautique, navale, ferroviaire ou encore automobile dont les bilans écologiques souvent catastrophiques laissent place au greenwashing afin de légitimer les suppressions d’emplois et de redorer l’image des groupes. Des groupes qui n’hésitent pas à mettre en avant des projets non adaptés aux enjeux environnementaux tant par les moyens qui y sont alloués que par le fait de déplacer la problématique de l’empreinte carbone émise durant l’exploitation du produit finit vers celle émise lors de leur production et ou celle émise lors de leur recyclage en fin de vie. Des groupes qui, comme Total, n’hésitent pas non plus à exporter le problème de la destruction de l’environnement vers les pays coloniaux ou semi-coloniaux comme si nous n’habitions pas toutes et tous la même planète.

Dénoncer le greenwashing et le combattre en travaillant sur la question de la transition écologique comme le font les Grandpuits aux cotés de diverses organisations écologistes est donc un exemple à suivre pour tous les salariés des secteurs industriels. Leur lutte est un excellent moyen de démontrer que les travailleurs, en s’opposant à la logique du profit qui menace leurs emplois et la planète, sont aussi les plus à même de prendre les mesures écologiques.

Auto-organisation et force de proposition prolétaire

L’organisation démocratique des salariés est un ingrédient fondamental à la construction d’un rapport de force mais c’est bien souvent ce qui fait défaut à une lutte ouvrière (surtout dans les secteurs en manque de tradition de lutte comme c’est malheureusement le cas dans l’Aéronautique).
En permettant à tous les salariés de participer au débat, la mise en place d’assemblées durant une grève permet que le poids de sa gestion soit répartie sur l’ensemble des épaules de ses acteurs. Cette pratique a pour effet de freiner les tendances à la division syndicale, de multiplier la force de proposition et de favoriser la communication entre salariés, cela enraye la division et la démoralisation qui sont des facteurs déterminants pour mener à bien une lutte.
Là encore les Grandpuits font une démonstration de savoir-faire avec la mise en place de délégués de ligne de quart, de régulières assemblées générales des salariés auxquelles les syndicats sont subordonnés, ainsi qu’avec le collectif des femmes des raffineurs où s’organise la vie de famille des grévistes. Tous ces ingrédients permettent que l’on s’inspire d’eux et mieux encore que l’on se solidarise avec eux et que l’on fasse converger les luttes sur ce même principe d’organisation démocratique des salariés.

Un message à toute la classe ouvrière et aux étudiants

Nous faisons partie de la même classe ouvrière, les étudiants en feront partie demain, nous sommes toutes et tous concernés par les attaques à l’emploi et la précarité que nous impose ce gouvernement de patrons, nous devons faire front ensemble, nous battre pour nos intérêts communs. Les salariés ont eu leurs lots de licenciements et de baisses de salaires, les jeunes et les étudiants ont eu leurs lots de détresse, d’isolement et d’effondrement des perspectives d’emploi.

C’est un message fort et chargé de sens qu’ils nous envoient à travers leurs appels à la solidarité et à l’unité et c’est pour cela qu’ils ont toutes leurs chances d’être victorieux. Si leur victoire venait à être, à travers la solidarité qui serait mise en place durant leur lutte, nous gagnerons toutes et tous car ce message et cet exemple nous auront toutes et tous fait grandir et tirer des leçons importantes pour la lutte.
Si demain tous les secteurs industriels se fédèrent et luttent ensemble au côtés de la jeunesse étudiante, de tous les acteurs de l’éducation nationale, de la santé et de toutes celles et ceux qui doivent vendre leur force de travail pour vivre alors nous serions forts et nous pourrons ensemble imposer un avenir différent.

Un avertissement au patronat

De part cette force commune, à travers les Grandpuits nous avons l’opportunité d’adresser un avertissement au patronat qui a les yeux rivés sur cette lutte et qui, non passivement, attend le démêlé et les issues de cette grève.

"Dès lors que vous tenterez de nous sacrifier sur l’autel de votre course aux profits nous serons là, unis pour faire valoir nos existences et notre droit à vivre dignement. Dès lors que vous toucherez à l’un ou l’une d’entre nous, nous nous mettrons en face de vous et enrayerons votre course au capital mortifère par les moyens que nous estimerons appropriés."

C’est ce message que nous avons l’opportunité de leur adresser aujourd’hui avec nos frères de classe de Grandpuits, aussi ce message ne peut être que si nous sommes nombreux et nombreuses à le relayer et à le faire vivre dans nos actions.

Convergence des luttes et perspectives

La perspective qui s’ouvre autour de Grandpuits est de taille. Face aux nombreuses attaques patronales et gouvernementales, la grève des Grandpuits pourrait être un premier pas pour forger l’unité des luttes qui manquent encore cruellement dans la situation actuelle, entre autres, de par le manque de plan de bataille unifié des directions syndicales dont les appels aux mobilisations sont isolés les uns des autres, renforçant le sentiment d’isolement.

Même si on est loin de Grandpuits, si l’on souhaite aider à son échelle leur lutte, les options ne manquent pas : le soutien moral que représente leur campagne récente d’appel aux soutiens par selfie est une excellente manière de leur montrer que l’on pense à eux, en inondant la toile de messages de soutien qui auront également pour effet de visibiliser leur lutte au grand public.

Une autre manière pragmatique et capitale reste d’alimenter leur caisse de grève à la hauteur de nos moyens afin qu’ils puissent tenir dans le temps sans manquer de vivres. Enfin une autre manière et non des moindres est de rester au courant de l’évolution de leur lutte à travers les réseaux sociaux et les nombreux articles qu’ils y publient et de relayer massivement leur lutte dans votre entourage

 
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