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La Izquierda Diario
14 de décembre de 2020 Twitter Faceboock

Le calme avant le Krach ?
La bourse de New York bat son record, l’économie touche le fond
Jean Beide

Alors que le monde se tient à l’orée d’une récession qui s’annonce déjà trois fois plus importante que celle de 2008 et que 11 000 personnes meurent encore en moyenne chaque jour du Covid-19, soit le plus grave bilan depuis le depuis de la pandémie, les bourses semblent en pleine euphorie à l’instar de la bourse de New York qui vient de battre son record absolu. Que se passe-t-il sur les marchés financiers ?

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Course spéculative sur fond de crise : à la recherche des futurs survivants

En 6 mois, la chute historique des principales places boursières du monde qui ont perdu, début mars, près d’un tiers de leur valeur totale, semble presque entièrement rattrapée. La bourse de New York bat même quant à elle son record historique à 30 296 points (contre environ 29 500 fin février). Pourtant, le contexte économique et sanitaire n’offre encore aucune garantie, loin s’en faut. Si les mouvements spéculatifs ponctuels en tant que tels n’ont aucune influence sur l’économie réelle, car ils ne sont que l’expression du degré de confiance que les investisseurs vouent aux entreprises cotées, les tendances générales peuvent donner quelques indications.

Ces mouvements de « panique à la hausse » que l’on observe depuis quelques mois témoignent en réalité de tout autre chose que de la sérénité des investisseurs. Comme le note cet article de The Economist, nombre de mouvements spéculatifs boursiers ont pour toile de fond une lutte frénétique entre des investisseurs à la recherche des « futurs survivants » de la crise. Ainsi, en avril dernier, l’entreprise de croisière Carnival Cruise Lines a-t-elle obtenu de la Banque d’investissement JP Morgan, 6,5 milliards de dollars car « les investisseurs ont parié sur le fait que les croisières repartiraient un jour, et que certains des rivaux les plus fragiles de Carnival auraient alors sombré ». D’autres grandes entreprises mondiales comme Boeing ont aussi bénéficié de cette logique d’investissement (alors même que les avions se trouvent cloués au sol) qui favorise structurellement les entreprises dominantes.

Ces paniques haussières expriment une contradiction de la situation actuelle qui recèle de nombreux dangers. Alors que l’économie mondiale s’apprête à vivre ses pires heures depuis 1945 et que la reprise est encore très incertaine, il est pourtant une certitude : certaines grandes (voire très grandes) entreprises parviendront à tirer les marrons du feu dans une situation où le nombre de faillites risque d’atteindre des records. Miser sur le bon cheval s’avère donc d’autant plus crucial que les marchés seront en forte contraction et que les inégalités vont s’accentuer.

Vers de nouvelles bulles financières ?

Cette déconnexion de la finance et de l’économie est un jeu dangereux. En effet, bien que les mouvements de la bourse n’aient aucune incidence directe sur les entreprises cotées, le gonflement de nouvelles bulles financières dans le numérique ou la santé pourrait s’ajouter à la liste des dangers qui pèseront sur le système de crédit en 2021. Les introductions en bourse de nombreuses start-up de « l’économie dématérialisée », le commerce en ligne ou la santé battent des records. De plus, nombre d’entreprises comme le géant pétrolier Saudi Aramco, Danaher ou Tesla émettent de nouvelles actions et absorbent en conséquence des liquidités dans un contexte incertain. The Economist note encore que « les investisseurs étourdis versent de l’argent dans toute entreprise dont le prospectus d’introduction en bourse comporte les mots « numérique », « cloud » ou « santé ».

Sur le plan conjoncturel, le principal levier qui a porté, ces derniers mois, la hausse des marchés a été l’annonce de la découverte d’un vaccin efficient par Pfizer et BioNtech. Et pourtant, les incertitudes demeurent quant à l’efficacité à court terme de ce vaccin logistiquement très exigeant et qui n’a pas encore fait ses preuves, de telle sorte que les espoirs d’une sortie rapide de la crise sanitaire pourraient être rapidement refroidis.

Tous ces comportements, commandés par le renforcement de la concurrence et de la prédation capitaliste, dans un contexte de crise et de rétraction brutale des marchés, favorise l’apparition de nouvelles bulles financières qui pourraient, à moyen terme, accentuer encore la menace qui pèse sur le système de crédit international.

Une économie réelle suspendue aux plans de sauvetage

A l’autre bout de la chaîne, l’économie réelle se trouve quant à elle sous perfusion. Les États, qui se sont précipités pour sauver les entreprises en y injectant massivement des liquidités, ont délayé les faillites mais n’ont pas trouvé de solution durable. Les plans de « relance » sont plutôt, comme le note l’économiste Robert Boyer, « des plans de congélation de l’économie ». Pour l’heure, le risque est encore minime mais ce maintien artificiel de l’économie ne pourra pas durer indéfiniment sous peine de voir les bulles spéculatives grossir encore davantage, (du fait des facilités de crédits accordées par les instances qui poussent les investisseurs à prêter massivement à des entreprises fragilisées).

Mais l’arrêt des politiques de soutien risque de précipiter les entreprises vers la faillite, ce qui pourrait entrainer les banques vers le fond. Face à l’ampleur historique de la crise, tous les modèles de risque bancaire fondés sur les données de la crise de 2008 sont, par définition, obsolètes. Rien ne garantit que les banques aient suffisamment de fonds propres pour faire face à l’explosion des créances pourries, particulièrement dans ce contexte qui voit tous les « records » historiques de refinancement, battus de très loin par les plans actuels.

Le système capitaliste tout entier se trouve face à ses contradictions : comment éviter que la crise économique historique dont le déclencheur a été la pandémie de Covid-19 ne se transforme en dépression ? Le système financier, épargné pour l’heure, pourrait bien accélérer les tendances qui s’expriment déjà au sein de l’économie réelle qui n’accuse qu’une reprise très atone. Ces tendances pourraient approfondir les coordonnées déjà préexistantes tandis que le moteur de la croissance est en panne sèche. La crise pourrait donc s’approfondir, ce qui conduirait mécaniquement les grands capitalistes comme les États à faire payer, in fine, le monde du travail. Face aux classes dominantes qui cherchent à nous faire payer leur crise, il n’y a d’autre solution que d’opposer nos mobilisations : c’est la seule manière pour imposer notre propre issue.

 
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