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7 de décembre de 2020 Twitter Faceboock

États-Unis
Obama recommande de ne pas revendiquer le définancement de la police

Obama a déclaré qu’il faudrait éviter les « slogans brutaux » (snappy slogans) comme « defund the police » (définançons la police) parce que cela effraierait les gens. Derrière cet argument, la réelle motivation est bien plus de coopter et détruire le mouvement Black Lives Matter, pour l’ex-président qui a toujours été un soutien majeur de la police et du système capitaliste qu’elle protège.

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Photo : Cosmopolitan

Cet article a été publié initialement sur Left Voice, le journal-frère de Révolution Permanente aux États-Unis.

Les candidats perdent des soutiens en utilisant des « slogans brutaux » (snappy slogans) comme « defund the police ». C’est ce qu’a déclaré cette semaine l’ancien Président et baron de la politique, Barack Obama, dans Good Luck America, une émission Snapchat avec Peter Hamby.

Il a poursuivi : « Vous perdez une grande audience, à la minute à laquelle vous le dîtes, ce qui rend bien moins probable que vous réussissiez réellement à changer ce que vous voulez changer ».

Pour Obama, la seule voie pour mettre fin à la terreur policière est d’arrêter d’en parler et de la combattre. Nous ne devrions rien attendre de moins de la part d’un membre de la classe dominante, en particulier d’Obama, un ancien Président des États-Unis et dirigeant de sa machine de guerre raciste et impérialiste. Malgré toute la popularité d’Obama, ses commentaires ne sont pas des conseils amicaux d’un activiste qui partage nos buts. Obama est le représentant d’un État capitaliste qui a besoin d’une force de police pour maintenir un système de sangsues milliardaires qui profitent du travail et de la misère de la grande majorité des travailleuses et travailleurs.

Cette prise de position fait partie d’une stratégie plus large au sein du Parti Démocrate qui vise à écraser les mouvements sociaux (ici Black Lives Matter) et de pousser les militants, en les dénigrant, à accepter le statu quo. Obama ne propose rien de moins que de maintenir les financements de la police et sa présence en intégralité. Mais cette stratégie se retrouve bien au-delà d’Obama. A échelle locale, les politiciens du Parti Démocrate répriment brutalement le mouvement. A tous les échelons de gouvernement, les Démocrates essayent de le coopter par des symboles – comme des peintures « Black Lives Matter » dans les rues des villes ou la farce des tissus Kente ghanéens au Congrès. Avec cette double-stratégie, les Démocrates ont pu sortir certains acteurs du mouvement de la rue vers les élections en novembre. L’apogée de BLM a également correspondu à un pic d’inscription des électeurs.

Biden a gagné les élections en partie grâce aux actions et au militantisme de la communauté noire et des manifestations anti-racistes de l’été. Pendant que Donald Trump meuglait à propos des antifas et demandait aux suprémacistes blancs de se tenir prêts (« stand back and stand by »), les Démocrates s’associaient au mouvement en tweetant à propos du racisme institutionnel. Biden a pris la parole lors des funérailles de George Floyd. Il s’est rendu à Kenosha après l’assassinat d’un militant BLM par Kyle Rittenhouse. Les Démocrates ont enfilé le masque de l’effarement quand Donald Trump a ordonné de réprimer les manifestants au gaz lacrymogène à Washington DC tandis qu’ils faisaient semblant d’ignorer que les officiels de leur parti ont également gazé les manifestants dans tout le pays. Les Démocrates ont tenté de revendiquer le vote anti-raciste, pour se parer des atours de l’antidote à la politique suprémaciste blanche de Trump, mais sans promettre aucun changement substantiel. Et ça a marché.

Ils ont compté sur les réseaux BLM, les syndicats, et d’innombrables bénévoles localement pour faire campagne en faveur de Biden et pour persuader les gens de ravaler leur mépris pour ses politiques racistes et pour le passé de Kamala Harris comme procureur : tout pour « dégager Trump ». Maintenant, après des résultats pire que prévus, le Parti Démocrate cherche à mettre ses défaites sur le compte du mouvement BLM plutôt que sur le fait qu’il a uniquement mené une campagne anti-Trump. Ils ont proclamé que « rien ne changerait fondamentalement » et promis plus de néo-libéralisme quand c’est le néo-libéralisme qui a enfanté Trump, mais aussi la crise économique et sanitaire au milieu de laquelle nous sommes.

Désormais que Trump a perdu l’élection et que les Démocrates ont eu ce qu’ils voulaient de BLM, ceux-ci veulent supprimer le mouvement et toute idée que la police devrait être définancée. Qui de mieux pour s’en charger que le charismatique, premier Président noir des États suprémacistes blancs Unis d’Amérique ? Désormais que Biden a gagné et que le mouvement a reflué pour le moment, du moins dans les rues, il est temps de ressortir Barack Obama comme « le conseiller amical » du mouvement. Il est temps de décrire les militants comme irréalistes et de nous convaincre que le mieux que nous puissions faire est d’édulcorer nos revendications et voter pour les Démocrates comme lui au nom du pragmatisme.

Obama a passé le mois dernier à essayer de remplir le vide absolu de l’enthousiasme pour l’establishment du Parti Démocrate. Sa tournée littéraire n’a été faite que dans ce but – faire repartir l’enthousiasme pour « le bon vieux temps » de l’administration Obama, avant le chaos des années Trump. Il essaye d’alimenter le soutien à l’administration Biden et au Parti Démocrate pour revigorer leur système néo-libéral dans un climat social, politique, économique et climatique en déclin. Mais il n’est pas évident que cette stratégie marche. De plus en plus de gens se mettent à voir derrière la façade Obama.

Obama n’a jamais été de notre côté

Barack Obama a toujours été notre ennemi. Sur les problèmes qui touchent le plus les travailleurs, les personnes racisées, les femmes et les pauvres, il a tenu d’innombrables discours et fait des déclarations audacieuses à propos du besoin de changement. Il a dit que Trayvon Martin [un Africain-Américain de 17 ans, tué par balle en 2012] aurait pu être son fils. Mais ces belles paroles masquant des promesses vides, cherchaient à faire vibrer la corde sensible chez les populations noires et les militants anti-racistes qui désiraient réellement « l’espoir et le changement ». Mais ces mots et déclarations radicales ont un but et un seul : continuer, perpétuer, légitimer le système capitaliste américain structurellement raciste que la présidence et les politiques d’Obama ont tout fait pour préserver.

Observons quelques politiques d’Obama :

  •  Obama a supervisé et maintenu le plus grand complexe industriel carcéral au monde : 2,2 millions de personnes incarcérées. Sous Obama, 9 millions de personnes étaient en prison, en liberté conditionnelle ou en probation. A la fin de sa présidence, il a proposé des réformes du système carcéral, mais l’efficacité de cette tentative de cooptation de la première vague du mouvement Black Lives Matter a été proche de zéro, même selon des standards bourgeois.
  •  Pendant son administration, Obama a réalisé des avancées immenses pour le capitalisme américain. Connu, comme le « King of Drones », il a bombardé plus de pays que Bush – sept pour Obama, contre quatre pour Bush). Obama a lancé 72 bombes par jour (l’équivalent de 3 par heure pour l’année 2016 !)
  •  En 2007 le revenu annuel moyen d’une famille blanche était de 58.000 dollars. Celui-ci est passé à 55.000 en 2013, tandis qu’il passait de 41.000 à 34.000 dollars pour les familles non-blanches. Le fossé racial s’est clairement élargi sous la présidence Obama, qui a renfloué Wall Street en lieu et place des travailleurs. Pour les communautés de couleur, cela a été une catastrophe.
  •  Obama a expulsé 3,1 millions de personnes, plus de migrants que n’importe quel autre président dans l’histoire des États-Unis. Il a dépensé des milliards pour renforcer le système d’immigration qui emprisonne des familles et des enfants à travers le pays.
  •  Obama a remis Assata Shakur, ancienne leadeuse de la Black Liberation Army, sur la liste du FBI des 10 personnes les plus recherchées, des décennies après que son nom en ait été retiré.

    Le charme d’Obama et sa rhétorique progressiste sont là pour couvrir ces politiques – et bien d’autres. A chaque fois que le combat contre le racisme émerge dans les rues, Obama apparaît pour ramener tout le monde aux Démocrates. Par exemple, durant l’été, il déclarait : « La ligne de fond est celle-ci : si nous voulons apporter un véritable changement, alors le choix n’est pas entre les manifestations et la politique. Nous devons faire les deux. Nous devons nous mobiliser pour sensibiliser les consciences et nous devons nous organiser et mettre nos bulletins dans l’urne pour être sûrs d’élire des candidats qui appliqueront les réformes ». En d’autres termes, les manifestations sont une bonne chose tant qu’elles aident le Parti (raciste et capitaliste) Démocrate. Il y a tout juste quelques jours, Obama s’est dit fier que sa fille se joigne aux manifestations BLM.

    Il utilise cette rhétorique « socialement consciente » pour se positionner comme part du mouvement – pour lui tourner le dos et le réprimander quand il menace de sortir des limites imposées par l’étroite marge des activités acceptables.

    Prenons les prises de position d’Obama à propos de BLM en 2016. Il a expressément mentionné un militant noir de Chicago, Aislinn Pulley, qui avait refusé de le rencontrer. Il déclarait alors : « Tu ne peux juste continuer à leur crier dessus et tu ne peux pas refuser des rencontres parce que cela pourrait compromettre la pureté de ta position... L’intérêt des mouvements sociaux et des militants est de t’amener à la table, t’amener dans la pièce et alors d’essayer de trouver comment les problèmes peuvent être résolus. A ce moment, tu as la responsabilité d’élaborer un agenda réalisable, qui peut institutionnaliser les changements que tu recherches et engager l’autre partie ».

    Le capitalisme a besoin de flics

    Barack Obama n’est pas contre le mot d’ordre « defund the police » parce qu’il éloigne des électeurs. Obama est contre toute attaque envers la police car elle est un pilier nécessaire au capitalisme. La police est la descendante immédiate des chasseurs d’esclaves. Elle terrorise les populations noires et maintient une force de travail carcéral gigantesque, majoritairement composée de Noirs et de Latino-américains. La police est faite pour défendre un système raciste de profits capitalistes dans lequel Jeff Bezos augmente exponentiellement sa richesse grâce à la pandémie tandis que la population (de manière disproportionnée chez les personnes de couleur) patientent des heures dans les queues des banques alimentaires. Et il n’y a pas de déconnexion entre ces deux faits. Bezos est riche parce qu’il profite du travail des ouvriers qui sont payés moins que rien. Il est extrêmement riche parce qu’il ne paye quasiment pas de taxes tandis que le gouvernement affirme qu’il n’y a pas d’argent pour venir en aide à la classe ouvrière. Et dans la période à venir, quand les moratoires des expulsions vont arriver à terme, et que la dépression économique va arriver, l’État aura besoin de la police pour sortir les gens de leurs maisons et réprimer les manifestations.

    Mais dans le but de garantir la paix sociale, il est essentiel pour les politiciens comme pour les capitalistes que nous ne questionnons pas la présence des flics dans les manifestations, couverts d’équipements high-tech, alors que neuf mois de pandémie n’ont pas permis de fournir assez d’équipements de protection pour les travailleurs de la santé, ou pourquoi il n’y a pas assez de financements pour les chômeurs, pourquoi le gouvernement continue de prétendre qu’il n’y a pas d’argent pour une sécurité sociale universelle (Medicare for All). La vérité est que lorsque l’on regarde les financements, l’argent est là. Mais il va à l’armée, à la police et dans les poches des milliardaires qui profitent de notre travail.

    C’est pourquoi en tant que socialistes, nous devons nous battre pour abolir la police et le système capitaliste raciste qu’elle protège.

    Abolir le capitalisme, abolir la police

    La stratégie d’Obama semble avoir marché pour les Démocrates dans le passé, mais des secteurs de plus en plus nombreux sont radicalisés par la pandémie, la crise économique, le mouvement BLM, et s’élèvent pour dénoncer son héritage. Le rejet contre le discours d’Obama a été très clair. Des personnes qui le supportaient par le passé, ont dénoncé ces déclarations sur les réseaux sociaux, pour rendre bien clair qu’il n’est plus populaire comme il a pu l’être au sein de la communauté noire et parmi les militants.

    Même certains politiciens du Parti Démocrate lui-même se sont exprimés, comme Cori Bush qui a tweeté : « Avec tout mon respect, Mr. le Président, parlons de perdre des gens. On a perdu Michael Borwn Jr. On a perdu Breonna Taylor. On perd ceux que l’on aime à cause de la violence policière. Ce n’est pas un slogan. C’est un mandat pour garder notre peuple en vie. Définançons la police. » Ilhan Omar a déclaré : « Nous perdons des gens dans les mains de la police. Ce n’est pas un slogan mais une revendication politique. Et centrer les revendications d’investissements et de budgets équitables pour les communautés dans tout le pays nous fait progresser et assure notre sécurité ».

    Leur critique d’Obama est correcte. Mais, malgré leur rhétorique progressiste, ils sont aussi des Démocrates, et cette rhétorique joue un rôle pour ramener les militants anti-racistes à l’intérieur du Parti Démocrate – le parti qui est actuellement dirigé par nul autre que Joe « tirez-leur dans les jambes » Biden. Et Obama sait que, malgré leurs différences, ils sont utiles au parti. Après tout, juste après s’être prononcé contre le slogan « defund the police », Obama a affirmé que Alexandria Ocasio Cortez devrait obtenir une plate-forme plus importante. Après tout, elle représente l’aile la plus dynamique et enthousiasmante du Parti Démocrate. Le moment venu, elle fera tout ce qui sera en son pouvoir pour mobiliser sa base pour des gens comme Joe Biden et l’establishment du Parti Démocrate.

    Pour les militants de base, la leçon est limpide : il n’est pas suffisant de condamner les paroles d’Obama. Il n’est pas suffisant de condamner le bilan d’Obama. Il est enfin temps de rompre avec un parti qui existe avec la mission d’être le fossoyeur des mouvements sociaux.

    Les Républicains qui ont des membres ouvertement suprémacistes blancs dans leurs rangs, ne sont évidemment pas une solution, même s’ils pointent la malhonnêteté des Démocrates. Ce dont nous avons besoin c’est de notre propre organisation qui représente la classe ouvrière, la jeunesse dans les rues, les femmes, les Noirs, les migrants, les personnes LGBTQI et tous les secteurs opprimés. Les Démocrates et les Républicains ne représentent que le capitalisme et l’impérialisme et leurs intérêts – même s’ils envoient Barack Obama comme porte-parole.

    « Defund the police » pourrait être « effrayant », mais pour qui ? Pour le système capitaliste raciste qui défend la police et maintient les inégalités économiques et l’exploitation. Mais en tant que socialistes, nous n’avons pas de problème à effrayer les capitalistes. En fait, nous voulons défaire leurs politiques et le système qu’ils défendent, dans son ensemble. Pour cette tâche, nous n’avons pas besoin de Barack Obama ou du Parti Démocrate. Nous devons même aller plus loin que le définancement de la police. Nous ne devrions pas cacher nos objectifs et nos cibles. Il est temps d’abolir la police et ce système misérable ! Et ce n’est pas un « slogan brutal ». C’est ce pourquoi nous nous battons.

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