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La Izquierda Diario
28 de novembre de 2020 Twitter Faceboock

Collaboration de classe
"Accord non contraignant" sur le télétravail : FO, CFDT, CFTC CFE-CGC donnent ce qu’il voulait au patronat
Joachim Bertin

Les organisations syndicales et le patronat ont négocié durant tout le mois de novembre pour accoucher d’un accord sur le télétravail, accepté par toutes les organisations, sauf la CGT. Face à un patronat qui ne souhaitait rien de "contraignant" pour se laisser les mains libres, FO, CFDT, CFTC, CFE-CGC lui ont donné ce qu’il attendait : des négociations entreprise par entreprise voire site par site.

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Yves Veyrier (FO), Laurent Berger (CFDT), Cyril Chabanier (CFTC), Francois Hommeril (CFE-CGC), à Matignon, le 17 juillet. Crédits photo : BERTRAND GUAY / AFP

Au début du mois, des négociations ont commencé entre les confédérations syndicales et le patronat pour arriver à un Accord National Interprofessionnel (ANI) encadrant le télétravail. Une pratique qui s’est largement massifiée à l’occasion du premier confinement, jusqu’à concerner un salarié sur cinq. En ce sens, à l’aune de la pandémie qui bouscule profondément l’environnement de travail, il reste de nombreuses zones d’ombres quand à la mise en place du télétravail notamment concernant les frais liés au télétravail ou encore tout ce qui concerne les accidents de travail. A défaut de "règles générale", le grand patronat se donne aujourd’hui à coeur joie pour imposer les siennes.

Un changement majeur dans le quotidien de millions de travailleuses et de travailleurs que certaines entreprises comptent ancrer dans le temps, et surtout avec ses propres règles, au-delà des cas de « force majeure » comme celui que nous connaissons actuellement. Évidemment, le patronat y a vu d’emblée une opportunité : surcharge de travail par l’indistinction entre vie privée et vie professionnelle, surveillance des salariés par des logiciels espions (un marché en plein boom à échelle internationale), économie de locaux et de dépenses diverses (électricité, frais de nourriture, de déplacement etc).

C’est pour faire face à cette situation, qui engendre davantage de stress et potentiellement de pathologies liées au travail chez les salariés, que les organisations syndicales ont cherché à établir un mode de fonctionnement réglementé du télétravail.

Après plusieurs séances de négociation, le patronat a obtenu gain de cause avec un accord « ni prescriptif ni normatif ». En clair, un accord qui ne contraint à rien, avant tout une synthèse de l’existant et un renvoi vers le dialogue social entreprise par entreprise pour préciser les modalités d’application. L’ensemble des organisations, à l’exception de la CGT (précisément pour cette raison d’absence de cadre commun pour tous), ont accepté le texte proposé par les organisations patronales (Medef, CPME et U2P).

Sur la question de la sécurité et de la santé au travail, le patronat a cherché à instiguer la ligne à donner : "il doit être tenu compte du fait que l’employeur ne peut avoir une complète maîtrise du lieu dans lequel s’exerce le télétravail et de l’environnement qui relève de la sphère privée", est-il ainsi écrit dans l’accord comme le remarque le journal Capital. Le tout, même si "les dispositions légales et conventionnelles relatives à la santé et à la sécurité au travail sont applicables aux salariés en télétravail". Une disposition qui laisse flou la responsabilité quant à un accident de travail qui tend à dédouaner l’employeur.

Sur la question du remboursement des frais induits par le télétravail (fournitures, sur-consommation d’énergie, repas...), de l’éligibilité des postes au télétravail, sur la durée et les conditions du télétravail, les salariés devront s’en remettre à des négociations dans l’entreprise menées dans les CSE (Conseil Social et Economique). Une manière de réduire encore davantage le rapport de force des travailleurs face au patronat qui pourra ainsi d’autant plus facilement ses vues. Les cadres de dialogue social qui entérinent les uns après les autres les plans de licenciements, les APC (qui réduisent les rémunérations sous le menace de licenciements) devront donc défendre localement la cause des salariés quand le patronat a refusé de le faire à échelle nationale. En signant cet accord, les organisations syndicales ont accepté de nouveau la logique introduite par les ordonnances Macron de 2017 qui vient abattre le Code du Travail au profit d’accords locaux.

Ce sont ces mêmes conseils qui seront consultés quant à la possibilité de mise en place de logiciels de surveillance des salariés, sous réserve d’explication des objectifs et que les moyens soient « proportionnés au but recherché » ! Le but, fliquer les salariés, avoir un contrôle total sur leurs activités et leurs "performances ". Bien évidemment tout cela adopté dans la douceur, par le dialogue social.

Car même en ce qui concerne, le très théorique « double volontariat », c’est-à-dire la nécessité de l’accord de l’employeur et du salarié pour télétravailler (un refus n’étant pas un motif valable pour un licenciement), la réalité sera moins rose. On sait la valeur que le patronat accorde aux règles qu’il édicte lui-même uniquement pour les transgresser. Et dans de nombreuses entreprises, on ne refuse pas une demande du patron !

Comme l’a affirmé Laurent Bergé, pourtant ravi d’avoir fait un bon deal avec le patronat qui en augure d’autres, cet accord n’est pas « révolutionnaire ». Et pour cause, si avant l’accord c’étaient les patrons qui décidaient, désormais ce sont les patrons qui décident... avec l’assentiment contraint des instances de dialogue social. Comme pour les licenciements, comme pour les fermetures de boîte, comme pour les baisses de salaire !

Le 4 novembre, nous écrivions en ces pages : « Mais surtout, ce type de négociations, qui restent confinées aux salons de la République, et qui cherchent derrière à renouer avec une logique "dialogue social" qui n’a que pour corollaire l’accompagnement de la casse sociale peuvent difficilement aboutir, en l’absence de rapport de force préalable, à de réelles avancées pour les travailleurs.

Qui plus un tel accord s’il était signé sera minimal. Il s’agira pour les salariés qui, obligé par la crise sanitaire qu’ils sont forcés à payer, d’obtenir par la lutte de véritables avancées qui ne peuvent se situer sur le seul terrain du télétravail, mais en lien avec la lutte contre les licenciements massifs du grand patronat, encouragés par les subsides du gouvernement. »

Le suspens n’était tout de même pas bien grand, et, sans surprise, encore une fois les bureaucraties syndicales, excepté la CGT qui souhaitait que l’accord soit contraignant, se sont alignés sur les intérêts du patronat, en refusant d’avancer un plan de lutte globale face aux attaques que subissent et vont subir encore davantage les salariés de ce pays dans les mois à venir. Ce n’est pas d’accord fantoche avec le patronat dont les travailleurs ont besoin mais d’un plan de bataille pour interdire les licenciements, partager le temps de travail sans perte de salaire jusqu’à éradication du chômage et augmenter les salaires et les pensions. On ne fait pas reculer le patronat et avancer notre cause en discutant avec le patronat mais en le combattant pied-à-pied, par la grève, que l’on soit amené à travailler dans la boîte ou à la maison !

 
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