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La Izquierda Diario
17 de octobre de 2020 Twitter Faceboock

Impunité policière
Tunisie. Manifestations réprimées contre le renforcement de l’État policier et la répression

Cette semaine, le parlement tunisien examinait un projet de loi consacrant l’impunité policière. Des manifestants se sont rassemblés à Tunis et à Sfax. La police a procédé à des arrestations et fait usage de la matraque. Le vote du projet de loi a été reporté le 12 octobre à la demande du gouvernement.

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Crédits photo : Assala Mdawkhy

La loi « répression contre les atteintes aux forces portant armes » porte bien son nom… Le projet de loi soumis au parlement en 2015 au gré des offensives sécuritaires du gouvernement contre les classes populaires, contre-feu de la période révolutionnaire qui a suivi le soulèvement populaire de 2011. Il est le fruit d’une collaboration datant de 2013 entre le ministère de l’intérieur et les syndicats de police, accordés sur leur volonté de consolider l’immunité policière. Sa portée délétère est telle qu’elle suscite l’opposition unanime des associations de défense des droits humains. Le texte, remanié par une commission législative qui s’est tenue de mars à juillet 2020, comporte ainsi de nombreux articles liberticides. En l’état, il criminalise « l’outrage » aux forces de l’ordre : pour un « ACAB », le citoyen peut écoper de deux ans d’emprisonnement, et d’une amende de dix mille dinars. Menacer ou insulter un fils de policier fait risquer jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et une amende de vingt-cinq mille dinars.

Ce projet de loi vient aussi allègrement piétiner un des principaux acquis de la révolution tunisienne de 2011, la liberté de la presse. Photographier ou filmer une « opération sécuritaire », c’est deux ans de prison. Libre au juge, soumis à la pression des syndicats policiers, d’assimiler le maintien de l’ordre en manifestation à une « opération sécuritaire ». Enfin, « l’agent des forces armées n’assume aucune responsabilité pénale » s’il cause blessures ou décès en défendant ses biens (véhicule, domicile) ou son lieu de travail.

La montée du Parti Destourien Libre (très conservateur et pro-ancien régime) dans les sondages pourrait constituer une configuration politique qui favoriserait le passage en force de cette loi Hormis le Courant Démocrate (social-démocrate) et les partis de gauche, les principaux partis politiques n’ont pas pris de position officielle vis-à-vis de ce texte. Le mouvement islamiste Ennahdha (qui compte le plus d’élus au Parlement) cultive à cet égard une posture ambiguë : si ses membres ont appelé en septembre dernier à l’examen de ce projet de loi, une députée a annoncé cette semaine que son bloc parlementaire s’y opposerait. Une importante coalition opposée à la loi s’est créée, rassemblant ONG internationales, l’Ordre des avocats, syndicat des journalistes etc.

Un bras de fer entre syndicats policiers et opposant.es à la loi

Organisations créées à la faveur d’une libération de la parole et de l’affaiblissement momentané de l’Institution sécuritaire en 2011, les syndicats de policiers sont devenus de puissants groupes d’intérêts capables de mobiliser des ressources matérielles et humaines pour faire peser leurs intérêts. Afin de défendre leurs collègues, ils usent de la démonstration de force et de l’intimidation. En février 2018 par exemple, ils manifestent devant un tribunal de la banlieue sud de Tunis, armes en main, en soutien à cinq de leurs collègues accusés de torture sur un détenu. Vendredi dernier, même modus operandi alors qu’une avocate agressée (vidéo à l’appui) par des agents d’un commissariat a porté plainte.

Les représentants syndicaux policiers semblent se comporter comme si cette loi était déjà en vigueur, comme si la critique des agents de police était déjà délictueuse. Campagnes de harcèlement contre les manifestant.es sur les réseaux sociaux, agressions sexuelles lors des manifestations, menaces, surveillance… Ils rivalisent d’ingéniosité afin de réprimer le mouvement, dans l’illégalité la plus totale. A Sfax, la section locale d’un syndicat policier a porté plainte contre une militante pour insulte à autrui sur les réseaux sociaux. Cette dernière attend son procès prévu pour décembre prochain. Le syndicat des agents de la sécurité publique a annoncé qu’il poursuivrait en justice les manifestant.es pour insultes aux forces de l’ordre.

Crédits photo : Arroi Baraket

Vers une mobilisation d’ensemble contre les violences policières ?

Les mobilisations ont été investies par une nouvelle génération de jeunes militant.es, rassemblés sous le collectif Hasebhom (de l’arabe : « poursuivez-les en justice »). Une convergence des luttes entre associations féministes, divers mouvements et partis de gauche, ultras, syndicats étudiants, associations de défense des droits LGBTQI s’est opérée, en particulier lors de la manifestation de jeudi dernier, où des centaines de manifestant.es se sont retrouvé.es devant le Parlement avant de rejoindre l’artère principale du centre-ville de Tunis, l’avenue Bourguiba.
L’importante mobilisation des activistes de la cause LGBTQI++, groupes sociaux parmi les premières victimes de l’arbitraire policier, est à noter. Leur engagement fût aussi l’occasion d’un déferlement d’agressions homophobes et transphobes de la part des forces de l’ordre.

Certains voient déjà plus loin que le retrait de la loi, et demandent la fin des syndicats de policiers. Dans un contexte global où des régimes politiques de plus en plus contestés se dérobent derrière des appareils sécuritaires toujours plus protégés, les collectifs comme Hasebhom nous rappellent l’urgence de construire une organisation révolutionnaire qui réponde aux intérêts des travailleurs et des classes populaires, et de se doter d’un plan de bataille liant lutte sociale et défense des droits démocratiques contre le régime et l’impérialisme.

 
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