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La Izquierda Diario
30 de septembre de 2020 Twitter Faceboock

Droit à l’avortement
IVG en période de crise sanitaire et économique, quelle réalité pour les femmes à travers le monde ?
Agathe H.
Laura H.

Ce 28 septembre avait lieu la 30ème journée internationale de lutte pour le droit à l’avortement. L’occasion de revenir sur ce droit fondamental, qui reste encore illégal dans plus de deux tiers du monde, situation aggravée par la crise sanitaire et économique.

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Ce lundi 28 septembre 2020, les militantes féministes et des milliers de femmes ont remplis les rues pour défendre et exiger l’accès à un avortement légal, sécurisé et gratuit pour toutes les femmes. Les militantes de Du Pain et des Roses étaient présentes en France, à Paris, Toulouse, Montpellier et Bordeaux mais aussi à l’international, et notamment en Argentine et au Mexique où nos camarades de Pan y Rosas ont pris part à la « Marée Verte » qui se poursuit pour exiger « l’accès à l’éducation sexuelle pour pouvoir choisir, la contraception gratuite pour ne pas avoir à avorter et l’avortement pour ne pas mourir. »

Pour les femmes précaires en temps de crise : Covid, précarité et grossesses non désirées

Cette année, dans un contexte de crise sanitaire mondiale la lutte pour l’accès à l’avortement prend un écho tout particulier. La crise du Covid n’a fait qu’exacerber les violences de genre dont les grossesses non désirées et les difficultés à recourir à l’avortement. En effet, le confinement généralisé et répressif instauré par une majorité des gouvernements à l’international, n’a fait que compliquer le parcours du combattant que représente déjà l’accès à une interruption volontaire de grossesse en temps normal, en particulier pour les femmes les plus précaires et isolées.

Les limitations de déplacement, conséquence directe du confinement, ont laissé sur la touche les femmes vivant dans des déserts médicaux et ne pouvant pas avoir accès à des hôpitaux ou à des personnels qualifiés pour pratiquer l’avortement dans un périmètre proche de chez elle, sans prendre le risque d’avoir affaire à l’arsenal répressif mis en place par les gouvernements. Et cela d’autant plus, dans un contexte où en France, 130 centres d’IVG ont fermé en 15 ans et où la crise sanitaire a montré à quel point le système de santé public souffre d’un manque de moyens criant. Manque de moyens qui s’illustre par le fait que, pendant le confinement, de nombreux centres de planification et d’établissements hospitaliers ont dû suspendre les interventions d’interruption de grossesse, surchargés par le nombre de patients gravement atteints du Covid. Rajouter à cela, le refus du gouvernement d’allonger le délai légal de recours à l’avortement à 14 semaines, au lieu de 12 et laissant pour seul recours aux femmes ayant dépassé ce délai de se rendre à l’étranger pour avorter légalement. Mais comment se rendre à l’étranger quand les déplacements sont limités à 100km et que les frontières sont fermées, d’autant plus pour les femmes pauvres, celles qui ont été en première ligne chaque jour pendant la crise ou celles sans papiers ?

Dans ce contexte, ce sont des centaines de femmes qui se sont retrouvées seules, subissant de plein fouet les conséquences psychologiques d’un confinement strict, pour trouver une solution afin de mettre fin à leurs grossesses non désirées avec comme seul aide des « numéros verts », sur lesquels sont portés des discours anti-ivg et une invitation à réaliser des IVG médicamenteuses chez elles. Cette situation condamnant des femmes à accoucher contre leur volonté jusqu’à avorter dans la clandestinité, en utilisant des méthodes moyenâgeuses, au péril de leur vie.

Aujourd’hui, alors qu’une seconde vague de la crise sanitaire se profile et que les hôpitaux souffrent toujours autant du manque de moyens ce sont déjà plus de 25% des opérations non vitales qui sont déprogrammées pour désengorger les services de soins. Et ce, même après un Ségur présenté comme une réponse historique du gouvernement face aux manques de moyens dans les services publics de la santé. Une déprogrammation qui vient une nouvelle fois remettre en cause nos droits reproductifs dans un pays où l’avortement est légal depuis plus de 45 ans mais où il s’apparente encore aujourd’hui à un privilège de classe.

Les attaques incessantes des gouvernements néo-libéraux, depuis des décennies, à l’encontre des services publics se combinent aujourd’hui à une crise économique d’ampleur historique. Les femmes, après avoir constitué les rangs des premi-res lignes pendant le confinement, sont aujourd’hui les premières victimes de la crise économique. Alors qu’elles constituent déjà les 73% des 1,300 millions de pauvres dans le monde, la période à venir ne va faire que renforcer ce phénomène. D’après l’Organisation Internationale du Travail, depuis juin 2020, 72% des personnes travaillant dans le secteur des services domestiques ont perdu leur emploi : un secteur où 80% des travailleurs sont des travailleuses. Les licenciements, le chômage et les pertes de salaires ne vont faire qu’augmenter la masse des femmes travailleuses précaires. Et comment ces femmes-là, de plus en plus nombreuses, vont-elles faire pour faire avoir recours à un IVG, alors que les hôpitaux sont contraints de les suspendre parce qu’ils sont surchargés et qu’elles n’ont pas les moyens de se rendre à l’étranger ? Face à la montée de la précarité, on peut donc présager une augmentation du recours aux avortements clandestins même dans les pays où cette intervention est légale. Les femmes les plus précaires devront donc avoir recours à des interventions dangereuses, pouvant provoquer infections, hémorragies utérines, septicémie voire la mort quand d’autres pourront se payer un billet d’avion pour se rendre aux Pays-Bas pour interrompre leur grossesse dans des cliniques privées.

Encore aujourd’hui, plus de la moitié de la population mondiale n’a pas accès aux services de santé essentiels à cause du manque de médecins ou de médicaments mais aussi à cause des mauvaises conditions de vie et de travail qui viennent aggraver cette situation, en particulier pour les femmes. Ce manque d’accès à la santé et la détérioration du système de santé à l’international, combinés à l’illégalité de l’avortement dans de nombreux pays, causent ainsi la mort quotidienne de 500 femmes à la suite d’avortements clandestins, notamment en Amérique Latine.

La nécessité d’un féminisme internationaliste face aux attaques faites à l’encontre de nos droits sexuels et reproductifs

En Argentine, la lutte pour le droit à l’avortement qui a commencé à se faire sentir lors des Rencontres nationales des femmes, qui ont ensuite abouti en 2005 au lancement de la Campagne pour l’avortement légal, sans risque et gratuit, s’est transformé en une véritable « Marée Verte » 10ans plus tard, grâce a laquelle le projet de loi a été accepté par le Parlement argentin avant d’être rapidement refusé par le Sénat, traversé par de larges franges catholiques réactionnaires. Cette année, malgré un contexte de crise sanitaire, des milliers de femmes sont sorties dans les rues, foulard vert au poignet, pour continuer d’exiger l’éducation sexuelle intégrale et laïque, la contraception gratuite et le droit à l’avortement pour toutes dans un pays où chaque heure 10 adolescentes n’ont d’autres choix que d’accoucher, faute d’accès à l’IVG.

A l’heure où le nouvel homme à la tête de l’Argentine, Alberto Fernández, a promis de présenter un projet de loi alternatif pour légaliser l’avortement, le projet de loi présenté par la Campagne attend dans un tiroir du Congrès. Avec des déclarations telles que "la légalisation de l’avortement ’stresse’ le système de santé", l’actuel président devient le principal responsable de la non-approbation du projet de loi, qui représente une lutte qui, en Argentine, dure depuis des décennies et 15 ans de présentations successives d’un projet de loi qui, sous le kirchnerisme, n’a jamais été adopté.

Ce ne sont pas les promesses qui sauvent des vies. Ce n’est pas grâce aux hommes et femmes qui siègent dans les parlements que nous obtiendrons des droits pour ne plus mourir mais bien par la rue.

Les discours réactionnaires incarnés par l’extrême droite et les représentants de l’Eglise jouent aussi un rôle central dans les attaques faites à l’encontre des droits des femmes et des minorités de genre. L’avortement vient défier la représentation de la « femme-mère » véhiculée par l’Eglise, qui la relègue à son simple rôle de procréatrice. La possibilité pour les femmes d’exercer un contrôle sur leur corps et leur maternité vient donc mettre à mal un des piliers du système patriarcal. Les femmes d’Argentine, bien conscientes du rôle prégnant que l’Église joue contre la conquête de leurs droits continuent aujourd’hui de revendiquer la séparation pleine et entière de l‘Eglise et de l’Etat. Une revendication bien actuelle, même au sein de la principale puissance impérialiste après la nomination récente d’Amy Coney Barrett, catholique traditionnaliste et fervente opposante à l’avortement, à la tête du sommet du pouvoir judiciaire que constitue la Cour Suprême.

Dans ce contexte de crise globale qui s’accompagne d’une montée en croissance des discours réactionnaires, une chose est claire, nous devons nous organiser face à l’ensemble de ses attaques à l’encontre de nos droits démocratiques, sexuels et reproductifs. Pour le droit à l’avortement légal, sécurisé, gratuit et sans conditions pour les deux tiers du monde où celui-ci est encore considéré comme un crime, accompagné de l’accès à l’éducation sexuelle et à la contraception gratuite pour tous et toutes.

En France, nous devons continuer d’exiger la suppression de double clause de conscience, l’allongement du délai légal de recours à l’avortement et partout dans le monde un financement massif dans le système de santé public pour qu’au-delà de la question de l’avortement, tout le monde puisse avoir accès à des soins gratuits et de qualités. Au-delà de ces revendications immédiates, nous devons avoir conscience qu’au sein des démocraties capitalistes, nos droits ne seront jamais pleinement acquis et que c’est contre l’ensemble d’un système qui opprime et exploite nos corps pour en tirer profit que nous devons nous battre.

 
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