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La Izquierda Diario
16 de septembre de 2020 Twitter Faceboock

"La responsabilité de chacun"… ou du gouvernement ?
Contre une catastrophe programmée dans les universités : masques gratuits, tests et augmentation des budgets
Ariane Anemoyannis

La seconde vague de Covid-19 se confirme, et les universités pourraient bien être le lieu d’une catastrophe sanitaire et humaine sans précédent. Un scénario d’horreur qui prend ses racines dans la casse systématique de l’enseignement supérieur par les gouvernements successifs. A rebours de la politique inconséquente de Frédérique Vidal et des présidences d’université, il s’agit d’exiger une stratégie sanitaire à la hauteur pour éviter la généralisation des clusters.

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Pas encore la rentrée, mais déjà 10 clusters dans les universités

 

Hier, Frédérique Vidal ministre de l’Enseignement Supérieur a annoncé dans un communiqué que plus de dix clusters étaient à dénombrer dans les Universités. Une annonce qui coïncide avec les annonces de Jean Castex admettant une situation particulièrement inquiétante que le gouvernement avait jusqu’ici tenté de relativiser.

Déjà la semaine dernière, comme le relatait Les Echos, Sciences Po Reims a du "interdire l’accès à l’établissement pour ses 1.300 étudiants jusqu’au samedi 19 septembre, après que vingt-trois étudiants ont été positifs au coronavirus". Dans le même temps, l’école d’ingénieur ICAM à Toulouse a également dû fermer son campus après 19 cas sur 250 élèves, tandis que l’université d’Amiens a été contrainte de reconfiner dans la catastrophe 500 étudiants après que 13 d’entre eux aient été testés positifs dans le département de médecine. Encore à Rennes 1, ce sont 43 personnes malades qui se sont déclarées, faisant peser un risque de fermeture à l’université à trois jours de son ouverture.

Après seulement deux semaines de cours, et alors que les Universités les plus importantes n’ont pas encore ouvert leurs portes, la rentrée organisée montre ainsi ses premières failles. Une situation qui pèse sur l’ensemble des universités puisque beaucoup d’enseignants craignent que les campus ne parviennent à rester ouverts plus de quelques semaines, les renvoyant à la politique de « continuité pédagogique » à distance ayant poussé à bout nombre d’entre eux.

La pandémie, révélateur brutal de la casse de l’enseignement supérieur

Comme dans l’Education nationale, dans l’enseignement supérieur c’est le chaos et l’impréparation qui règnent. Si la préfecture a expliqué dans le cas de Science Po Reims que « des tests proposés aux autres étudiants permettront de mesurer l’ampleur de la contamination au sein de l’établissement », ces mesures de dépistage sont prises en catastrophe après que le virus se soit déjà largement déclaré dans les établissements. C’est le cas de l’université d’Amiens ou encore celle de Nancy qui ont organisé des campagnes de test dans l’urgence pour tenter d’éviter la fermeture.

Une situation que la conférence des présidents d’université avait prédit, expliquant fin août : "Ce dont on peut être sûrs, c’est que des clusters vont voir le jour. Ce serait se voiler la face que de dire le contraire." De fait, les jeunes représentent la tranche d’âge la plus contaminée au rebond de l’épidémie, avec un taux d’incidence de 209 cas pour 100 000 personnes soit déjà deux fois plus que la deuxième tranche d’âge la plus touchée (les 30 - 39 ans). Pourtant, le ralentissement du taux de dépistage de la population malgré la recrudescence du virus - on observe une stagnation du dépistage à 900 000 tests la semaine dernière pour un R0 de 1,2 - laisse craindre une perte de visibilité sur l’évolution de l’épidémie qui sera tout simplement criminelle dans les universités de plusieurs dizaines de milliers d’étudiants et personnels.

Et si la classe politique est prompt à remettre en cause les soirées étudiantes comme principale cause de contamination, c’est en réalité la gestion générale de la crise par le gouvernement qui est à la source de la situation sanitaire inquiétante. D’une part le gouvernement ne semble avoir rien appris de la première vague où prévalait déjà au début de la crise une forme de nonchalance sur la gravité du virus qu’il réitérait jusqu’à la semaine dernière en expliquant qu’il n’y avait pas de quoi s’affoler. D’autre part les soirées estudiantines, qui représentent souvent le seul moment de convivialité dans les filières à forte pression scolaire, sont loin d’être la principale cause de contamination au sein de la société. Les entreprises représentent ainsi 1/3 des clusters, ce qui laisse entrevoir la dangerosité des lieux clos que représentent les amphithéâtres et salles de TDs sachant qu’un étudiant sur deux travaille également en entreprise pour subvenir à ses besoins.

Une double exposition qui aggrave les conditions sanitaires dans les universités où le manque de moyens criant se révèle au grand jour. En effet, au même titre que les soignants ont tenté de prévenir la catastrophe sanitaire en luttant pendant des années contre les coupes budgétaires à l’hôpital, les enseignants et personnels se sont mobilisés à plusieurs reprises  pour tenter de parer aux réformes qui pleuvent dans l’enseignement supérieur public. Si la sélection à l’entrée de l’université a incarné en 2018 cette dynamique du point de vue du nombre de jeunes ayant le droit d’étudier, la Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR) en est le pendant sur le terrain de moyens alloués à la recherche et l’enseignement. Une véritable réforme de casse du service public de l’enseignement, qui a largement mobilisé dans les universités. Contre les classes surchargées, la baisse des effectifs d’enseignants et leur précarisation, des dizaines de milliers d’enseignants avaient défilé le 5 mars dans toute la France et s’étaient organisés dans des cadres d’auto-organisation comme celui de Facs et Labos en Lutte. Des alertes massives contre les coupes budgétaires incessantes qui sont restées sans appel de la part du gouvernement, assurant que ce dernier faisait un maximum d’effort pour l’enseignement public en allouant à ce secteur 10 millions d’euros en mars dernier. Une attitude scandaleuse lorsque le plan de relance annoncé par l’exécutif vise à débloquer 100 milliards d’euros qui bénéficieront principalement au patronat.

C’est ce qu’explique une enseignante dans les colonnes de Université Ouverte à propos du manque de moyens criants dans les universités cette année : "Pour accueillir tous [les] étudiant·es, il manque au minimum 60 000 postes d’enseignant·es-chercheur·es et probablement autant pour les personnels administratifs et techniques. Ces personnes sont à nos portes, en attente d’être recruté·es pour assurer ces 35 heures supplémentaires faites en une semaine. Ils et elles sont déjà à la fac, font quelques heures payées au lance-pierre, survivent avec un peu de chômage ou le RSA. Mais Macron nous l’a dit : recruter des enseignant·es “c’est le genre de créations d’emplois qui vont aggraver le déficit et qui ne servent pas à redresser le pays”. Voici donc 100 milliards d’euros pour les grandes entreprises et même pas quelques miettes pour le service public de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui forme la jeunesse et produit des savoirs essentiels à notre avenir et à notre vie démocratique".

Un manque de moyens alarmant qui vient s’aggraver à l’aune d’une seconde vague épidémique. De fait, si les amphis bondés et le manque de personnels étaient une problématique central ces dernières années, le spectre d’une contamination massive dans les universités vient souligner la brutalité d’une telle gestion de l’enseignement supérieur. Par le hashtag #BalanceTaFac, les étudiants ont dévoilé sur Twitter l’absurdité d’une rentrée sous Covid : couloirs saturés, élèves dans les escaliers d’amphis, ascenseurs bondés, salles de Tds sans fenêtres, ont fait l’objet de nombreux tweets scandalisés.

De quoi anéantir l’argumentaire déresponsabilisant du gouvernement, qui en appelle à "la responsabilité de chacun". Mais comme le rappelle Léo, étudiant à l’Université Paris 8 et militant NPA-Révolution Permanente dans une vidéo coup de gueule : "C’est elle qui a dilapidé le service de l’Enseignement supérieur comme les gouvernements libéraux qui l’ont précédée, et oblige les Universités à gérer cette crise avec des moyens minimaux".

On veut des tests, des masques, la transparence et des moyens pour la fac !

Pas étonnant donc, que les universités deviennent des clusters géants si c’est Frédérique Vidal qui dirige la rentrée des classes. Et à chaque établissement le soin "de rechercher et respecter systématiquement la distance physique d’au moins un mètre, sauf organisations, caractéristiques ou contraintes particulières." selon le rapport d’aout 2020 du gouvernement. Mais à budget constant, il est impossible de financer une rentrée sanitaire décente alors même que les 25,49 milliards d’euros alloués à l’enseignement supérieur étaient déjà en deçà des besoins accrus par la hausse du nombre d’étudiants. Ainsi, bien qu’en principe les protocoles sanitaires - imposés par les administrations en dehors de tout cadre démocratique réunissant personnels et étudiants - impliquent le respect de gestes barrières et de la distanciation sociale, ils réglementent en réalité le nombre de masques alloués aux élèves et le sens de circulation hypothétique dans des établissements surchargés. Cela équivaut, comme l’explique le communiqué du NPA Jeunes de septembre, à choisir entre une méthode dangereuse sans distanciation sociale et une méthode du "tout distanciel" qui vide les campus pour éviter les contaminations mais creuse les inégalités sociales entre étudiants.

A Paris 1, c’est donc un seul masque réutilisable 60 fois qui sera fourni aux étudiants tandis qu’à l’université de Chambéry, les masques ne sont pas financés par l’administration. A Paris 8 ou à Nanterre, la majorité des cours étant dématérialisée les étudiants sont de nouveau confrontés à la fracture numérique. A l’université de Paris (fusion de P7 et P5), des mails ont été envoyés aux étudiants pour leur conseiller de prendre des blocs notes sachant qu’il n’y aurait sans doute pas suffisamment de places assises dans les salles de classe pour asseoir tout le monde.

Des illustrations inquiétantes des conditions d’étude en temps de pandémie, aggravées par l’absence de masques gratuits pour les étudiants et personnels alors que le budget moyen par mois équivaut à 62 euros par mois (pour un seul masque chirurgical par jour), soit 10% du budget moyen d’un étudiant ->https://www.ipsos.com/fr-fr/590-eu-le-budget-mensuel-dun-etudiant-en-france]. A l’aune d’une récession pouvant aller jusqu’à 21% de points de PIB, la gratuité des masques est donc de plus en plus centrale, notamment dans les universités. C’est la seule condition pour que les plus précaires ne doivent pas recycler des masques périmés faute de pouvoir en acheter suffisamment.

En parallèle, la question des dépistages se pose de manière urgente au sein de chaque établissement. Les cas de fermeture précipitée de Science Po Reims ou l’ICAM Toulouse témoignent de la fatalité d’un lock down généralisé si des mesures de dépistage systématiques ne sont pas mises en place dans les universités. En effet, alors que le confinement des personnes malades a été réduit à sept jours, le délai du même temps pour obtenir ses résultats de test dans les centres de dépistage classique implique une perte de visibilité alarmante alors que nous entrons dans la deuxième phase de l’épidémie. Avec plusieurs dizaines de milliers d’étudiants dans chaque université française pour un total de 300 000 élèves sur tout le territoire, la fin des soirées estudiantines comme le préconise le gouvernement est une mesure qui tend à se cacher derrière son petit doigt. Des centres de dépistage dans chaque université est la seule mesure capable de prévenir et tracer de manière cohérente l’évolution du virus dans les établissements.

Mais la première des conditions pour pouvoir accueillir tout le monde à l’université, c’est que des moyens exceptionnels  soient débloqués pour l’enseignement supérieur. Le dégel des postes, la titularisation des personnels précaires, l’embauche d’enseignants et Biatss à salaire décent, la fourniture de matériel conséquent de protection et de désinfection pour les personnels du nettoyage sont la colonne vertébrale d’une stratégie conséquente de lutte contre la crise sanitaire, mais aussi contre la guerre économique qui se mène de longue date et que le Covid est venu révéler.

C’est avec ce programme qu’interviennent les militants du NPA Jeunes dans les universités où ils sont présents, s’appuyant sur les positions qu’ils ont dans les conseils centraux pour visibiliser ces enjeux et obtenir l’adoption d’une stratégie sanitaire et économique à la hauteur.

Ce programme peut se résumer en quatre mots d’ordres, qui sont d’une urgence vitale au sens propre du terme :

  • Nous voulons des moyens en allant chercher l’argent là où il est, chez les capitalistes.
  • Nous voulons des masques distribués gratuitement pour que personne n’ait à en utiliser des périmés ou des inefficaces.
  • Nous voulons la transparence totale sur les cas et les mesures prises, et que soient définitivement arrêtées les pratiques d’omerta de la part des directions d’universités.
  • Nous voulons des centres de dépistages sur les campus, c’est la seule condition pour que tout le monde puisse se faire dépister, d’autant plus alors qu’une grande partie des laboratoire existants sont saturés.

Le NPA Jeunes est déterminé à faire appliquer ce programme, qui est l’unique voie pour éviter la catastrophe. Mais au-delà de nous, ce sont l’ensemble des étudiants, des personnels et de leurs organisations qui doivent s’en emparer, pour le porter dans les conseils d’université mais surtout pour imposer un rapport de force politique et matériel, à l’échelle locale et nationale. Les conseils d’universités ne sont que des chambres d’enregistrement des politiques ministérielles, les marges de manœuvres y sont limitées. L’unité d’action ne doit donc pas se limiter dans les motion que nous y ferons voter. Puisque nous ne pouvons aucunement faire confiance en le gouvernement pour nous éviter la catastrophe, nous devons prendre nos affaires en mains, imposer des mesures et contrôler leur application par l’organisation collective des travailleurs et des étudiants des facs.

 
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