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La Izquierda Diario
17 de août de 2020 Twitter Faceboock

Aux capitalistes de payer la crise !
GFT : une nouvelle catastrophe industrielle à Blanquefort ?
Antoine Bordas
Petra Lou
Gilles, ouvrier de Getrag Ford Transmissions à Blanquefort

Les ouvriers de GFT alertent sur la situation de leur usine qui est sur la sellette, un droit d’alerte a été posé pour exiger des réponses, première étape d’un bras de fer qui va s’engager pour éviter un Ford bis. 

Link: https://www.revolutionpermanente.fr/GFT-une-nouvelle-catastrophe-industrielle-a-Blanquefort

Crédit photo : PHOTO ARCHIVES FABIEN COTTEREAU : « SUD OUEST »

Depuis plusieurs années, la CGT GFT, alerte sur la situation de leur usine située à Blanquefort ; en effet, la chaîne de production de boîte à vitesse risque de s’arrêter dans les années à venir. Aujourd’hui alors que les doutes se précisent, l’ensemble des syndicats semblent s’éveiller pour enfin essayer d’obtenir des éléments de réponses.
À la veille d’une possible nouvelle catastrophe industrielle dans le bassin industriel bordelais, quasiment un an après la fermeture de l’usine de Ford Blanquefort avec qui les liens étaient étroits, nous revenons sur la situation qui plonge des milliers de familles dans le doute sur leur avenir.

Dès le processus de fermeture de FAI (Ford Aquitaine Industrie), les inquiétudes étaient montées du côté de GFT (Getrag Ford Transmission) et pour cause, les deux usines voisines dépendent du même géant automobile : Ford Motor Company. Dans le cas de GFT, Ford possède la moitié de l’usine, partagée avec le groupe canadien Magna, et reste l’unique client pour les boîtes à vitesse manuelles produites.

Le désengagement et la catastrophe causés par Ford pour plus de 1000 ouvriers de FAI (Ford Aquitaine Industrie) restent dans la tête de toutes et tous. Aujourd’hui la question se pose sérieusement pour l’usine sœur qui emploie un peu plus de 800 ouvriers en CDI, allant jusqu’à 1000 avec les contrats précaires (intérimaires et CDD) et les apprentissages.

Concrètement, il n’y plus de perspective de production à moyen terme. Pour l’instant l’usine continue de sortir des boîtes à vitesse MX65 (utilisées pour le modèle Ford Fiesta, Focus, Puma). Mais les craintes résident dans le fait qu’aucun nouveau produit n’est en perspective pour assurer une continuité de production.

Plus globalement, de nombreux facteurs laissent présager le pire, l’attitude de Ford à l’encontre de l’usine FAI évidemment, une bataille que nous avons suivi avec Révolution Permanente. Ce qui va de pair avec les annonces toujours plus claires de Ford dans son processus de désengagement européen. À cela, s’ajoute évidemment la crise actuelle dans l’automobile et la métallurgie en général.
De plus, les travailleurs ont appris début août que deux lignes de production seront externalisées :

Alors que les congés annuels sont arrivés quand l’usine ferme pendant une partie de la période estivale, et que les réponses suite au droit d’alerte devraient arriver en septembre, cette annonce renforce nécessairement la défiance vis à vis des choix de la direction et de Ford.

À cause de la pression du patronat, les secteurs industriels qui n’ont pas été fermés pendant le confinement sont devenus de véritables clusters de contamination

La situation du Covid-19 en France pouvait être relativement anticipée notamment au vu d’une courbe très en avance dans les pays frontaliers, en particulier l’Italie et l’Etat espagnol. Dans ces deux états de l’Union européenne, où la propagation du virus a été très forte et avec une gestion catastrophique de la part des gouvernements respectifs, c’est notamment dans les secteurs industriels que se sont créés de véritables clusters. Pendant le confinement, nous menions à partir de Révolution Permanente une campagne pour la fermeture des secteurs non essentiels à la lutte contre le covid, dans un contexte où même les hospitaliers n’avaient pas suffisamment de matériel pour se protéger du virus, tous les secteurs inutiles à la lutte face au covid auraient dû fermer. En Italie, le gouvernement a finalement dû faire marche arrière, après un tragique bilan de morts concentrés dans ces zones industrielles, en imposant finalement la fermeture de ces secteurs industriels non essentiels pendant le confinement, notamment dans l’automobile, et ce grâce à la pression des travailleurs.

La crise du coronavirus a montré que la volonté des capitalistes, main dans la main avec les gouvernements, est d’abord de sauvegarder leurs profits, avant les centaines de milliers de vies qui sont jouées face au risque de maintenir l’activité coûte que coûte : nous écrivions pendant le confinement #StopProductionNonEssentielle !

Chez Getrag Ford Transmissions, les ouvriers ont imposé le rapport de forces pour fermer l’usine face au risque de cluster

Au début des annonces de propagation du virus en France et dans le monde, c’est un véritable bras de fer entre la direction et les ouvriers de GFT qui commence. Nous écrivions à ce moment-là à partir d’un entretien avec plusieurs délégués CGT GFT. Après l’annonce du confinement, sous prétexte que Macron n’a pas empêché de travailler, la direction a communiqué que l’usine ne fermerait pas et continuerait de tourner. « Après les annonces sur le confinement, on voyait ce qu’il se passait en Italie, il y avait des cas suspects qui n’étaient pas déclarés, la cantine collective restait ouverte, tout ça faisait un climat bizarre dans l’usine. [...] Des gens parlaient d’eux-mêmes du droit de retrait. » nous racontait Thomas, délégué de la CGT.

Sur 200 personnes qui constituent l’équipe du matin, 180 ouvriers font valoir leur droit de retrait. Par la pression les ouvriers ont réussi à fermer l’usine, mais la direction n’avait pas dit son dernier mot. « Ils ont vu le nombre de gens, qui se sentaient vraiment pas en sécurité, on est tous sortis, ça leur a fait peur.  »

Comme en Italie, mais aussi en France dans des secteurs comme l’aéronautique, les ouvriers de GFT ont imposé la fermeture de l’usine pour leur propre sécurité face au virus. Un premier bras de fer gagné par les travailleurs qui ont imposé par le débrayage une première expérience de lutte pour imposer leurs propres conditions de travail, sur fond de pandémie dans le monde entier, où les gouvernements des différents pays ont démontré leur totale incapacité à anticiper et gérer la crise sanitaire, et où la seule volonté des capitalistes s’est matérialisée par le maintien coûte que coûte de l’activité industrielle, pour maintenir leurs profits, au détriment de milliers de vies.
Mais face à cette première bataille gagnée, la direction n’a pas dit son dernier mot. La crise sanitaire et la crise économique qu’elle a commencé à entraîner avec elle, est un bon prétexte pour accélérer les attaques contre les travailleurs et éviter de perdre ses profits. Mi-mai, 70 interims avaient été mis à la porte par la direction, aujourd’hui encore une centaine. Du côté des CDD, ils ne sont pas renouvelés, une cinquantaine quittera l’usine après les congés.

Sur fond de pandémie, une crise économique qui va frapper de plein fouet les travailleurs de l’automobile

Lors d’une réunion convoquée par la direction de GFT avec les organisations syndicales, les perspectives annoncées sont très préoccupantes pour l’usine. Ce qui est clairement annoncé, c’est que s’il n’y a pas de nouveaux marchés d’ici la fin du contrat en cours, c’est la fermeture de la boîte qui peut être envisagée à l’horizon 2023. En ce sens, les organisations syndicales de GFT ont déjà enclenché la première phase du Droit d’alerte.

Dans une situation où le géant constructeur automobile a déjà fait fermer l’ex Ford Blanquefort (l’usine voisine de GFT), qui comptait plus de 800 ouvriers et 3000 emplois induits, les perspectives restent très inquiétantes pour les travailleurs de Getrag.

La crise économique, qui couvait depuis plusieurs mois voire plusieurs années, est en train d’éclater. La crise sanitaire du Coronavirus aura ainsi été l’élément déclencheur, sans être la source même, d’un cataclysme économique d’une ampleur bien supérieure à 2008.

Avec cette nouvelle crise, le grand patronat se met en ordre de bataille pour faire payer la crise aux travailleurs, promettant un monde de misère par le biais d’un chômage de masse à une hauteur jamais atteinte dans l’histoire. D’après l’Organisation Internationale du Travail (OIT), plus de 300 millions d’emplois pourraient être supprimés dans le monde. Et le secteur de la métallurgie est particulièrement touché, dans l’aéronautique et l’automobile, comme le montre le cas de Renault, dévoilé mi-mai par le Canard Enchaîné, qui envisagerait dans un plan d’économie prévu depuis février, de fermer quatre de ses usines en France (Choisy-le-Roy, de Dieppe, des Fonderies de Bretagne et de Flins).

La crise sanitaire, mais aussi les restructurations que prévoient les constructeurs automobiles avec l’argument de la transition énergétique vers des voitures électriques et hybrides, vont faire de gros dégâts dans l’emploi industriel, dans les effectifs des donneurs d’ordre mais aussi des équipementiers et sous-traitants du secteur. Valeo a récemment annoncé avoir supprimé 12 000 emplois sur le premier semestre 2020, dont 2000 en France. En Allemagne IG Metall annonce une possible perte jusqu’à 300 000 emplois dans la métallurgie. À Barcelone, Nissan a décidé de fermer les portes de son usine. À GFT, ce sont plus de 1000 emplois qui sont en jeu selon les effectifs de 2019.

Un droit d’alerte pour préparer un plan de bataille d’ensemble

Le droit d’alerte a été une première étape importante pour lancer la bataille qui va s’ouvrir. Exiger des réponses à travers l’outil du droit d’alerte pourra donner des éléments afin de mieux comprendre la stratégie de la direction de l’usine et en dernière instance de Ford. Mais c’est un plan de guerre qu’il va falloir établir pour remettre en cause les projets de ces patrons et la dynamique générale actuelle. Pour l’instant, c’est seulement la date du 21 septembre que l’on retient pour penser un plan de bataille, date à laquelle est convoqué un CSE extraordinaire pour répondre aux questions des travailleurs sur l’avenir de l’usine. 

« Un droit d’alerte, ça permet d’avoir accès en quelque sorte aux livres de compte, bien qu’on ait eu l’expérience de la fermeture de l’usine voisine de l’ex-Ford qui n’a pas donné l’accès à tous les documents. Il faut le prendre comme un point d’appui pour la mobilisation, même s’il n’est pas suffisant à lui tout seul, ce sont des informations non contestables qui nous permettent de préparer le terrain » nous dit Gilles, délégué CGT GFT au bout du fil pour décrire la situation.

Une lettre ouverte des élus locaux : une visibilisation tout au plus

Fin juillet, des élus de la métropole bordelaise ont envoyé une lettre ouverte à Bruno Le Maire, ministre de l’économie, pour alerter sur la situation de l’usine. Cet appel a été lancé à Bercy par différentes personnalités politiques locales dont Pierre Hurmic (nouveau maire de Bordeaux), Véronique Ferreira (maire de Blanquefort), Alain Rousset (président de la région Nouvelle-Aquitaine) et Alain Anziani (président de la métropole de Bordeaux). Un coup médiatique remarqué, qui a le mérite d’avoir mis la lumière sur la situation de l’usine. Sur le ton donné et les commentaires à la presse, bien que la plupart des observateurs semblent voir la problématique d’une fermeture à venir, on parle de “vigilance” ou encore “responsabilité des autorités publiques”, peu de perspectives pour les milliers d’emplois en jeu. Si Véronique Ferreira parle de faire front commun, c’est bien qu’elle ne souhaite pas être l’élue qui endosse (en partie) la responsabilité de deux fermetures successives.

Si la médiatisation de la situation est une étape, on reste au stade de l’interpellation. Une interpellation à des politiques qui n’ont jamais rien fait pour sauver les milliers d’emplois que représentent ces usines. On ne peut se fier à ces paroles, souvent en l’air.

De plus, on ne peut que s’attrister du discours tenu par Olivier Escots, adjoint au nouveau maire et président du “groupe communiste” (PCF), qui lors du Conseil métropolitain du vendredi 24 Juillet, a rappelé son inquiétude, sa solidarité, son engagement, … pour les travailleurs de GFT. Un beau discours certes, mais que l’on ne peut pas détacher d’un récent vote du même élu à l’encontre de Philippe Poutou, ex-ouvrier de Ford Blanquefort, lors d’un conseil municipal. En effet, quelques jours plus tôt lors d’élections internes au conseil municipal pour différents organismes de la métropole, alors qu’un choix s’imposait entre Philippe Poutou et des élus de droite, la quasi-totalité des conseillers municipaux de la nouvelle majorité, comprenant les 3 membres du PCF (dont M.Escots) ont voté pour la droite, faisant barrage à Philippe Poutou, porte parole du NPA. On ne peut donc que considérer comme veine les quelques paroles de soutien de ces élus quand une semaine plus tôt ils ont fait barrage à un ancien ouvrier de l’usine de Ford.

Au delà de ces discours, on pourra espérer que les différentes instances locales apportent à minima un soutien matériel, comme les prêts de salles municipales qui avaient été fait pour les concerts de soutiens à FAI. Même si comme le proposait notamment le programme de Bordeaux en Luttes, un véritable panel de mesures est possible même localement : cela passe par la suppression des aides publiques aux multinationales, mais aussi l’expropriation sans indemnisation des entreprises qui licencient, dans l’objectif de mettre l’outil de travail sous contrôle démocratique des salariés, qui sont autant de mesures qui visent à empêcher les entreprises de faire payer aux travailleurs les frais de leur système capitaliste, basé intrinsèquement sur le profit. La mairie pourrait également s’engager à subventionner les travailleurs ayant repris leur outil de travail. 

Tisser des liens et relever la tête vers des perspectives de combat

Si les dernières mobilisations comme le mouvement contre la réforme des retraites a montré la nécessité d’unir les forces par la coordination des secteurs pour frapper plus fort, alors que l’usine de GFT est relativement isolée, plusieurs travailleurs de GFT notamment de la CGT sont systématiquement présents dans les rassemblements de la région. 

Que ce soient dans les mobilisations des hospitaliers post déconfinement, mais aussi contre le licenciement injuste de Céline à la Monnaie de Pessac, ou encore dans la première mobilisation de l’aéro à Bordeaux qui prépare la rentrée où les licenciements vont être très importants. 

Une attitude exemplaire à répéter pour les prochaines mobilisations : dès septembre, où la crise économique va être plus dure et frapper de plein fouet les ouvriers du secteur de la métallurgie notamment comme c’est annoncé, c’est par la coordination à la base, et la convergence, que l’on pourra construire un véritable mouvement d’ensemble qui puisse construire un rapport de forces contre le chômage et l’austérité pour faire plier le gouvernement et les directions des constructeurs de multinationales qui cherchent à faire payer le prix de la crise aux travailleurs.

Alors que le CSE extraordinaire convoqué par la direction de GFT sera le 21 septembre ; aujourd’hui, la seule perspective de mobilisation nationale en vue est le 17 septembre appelé par la CGT et Sud : une mobilisation tardive, alors que les fermetures de boîtes et suppressions de postes se font déjà par vagues depuis plusieurs mois. Si le 17 a une réalité, la date doit se donner l’objectif de construire un grand mouvement d’ensemble contre les licenciements. A Bordeaux, cette mobilisation doit servir de point d’appui pour les travailleurs de GFT et leurs soutiens afin de préparer la bataille contre la fermeture.
Celles-ci, qui ont été totalement muettes pendant le confinement et le cœur de la crise sanitaire, alors que des milliers de travailleurs précaires se faisaient licencier du jour au lendemain, tandis que d’autres étaient contraints de continuer à travailler sans mesures de protection, ont démontré ces derniers mois un rôle totalement léthargique, alors même que plusieurs initiatives à des niveaux locaux de travailleurs ont réussi à imposer un rapport de forces pour imposer des mesures sanitaires ou même la fermeture. Si le 17 septembre est une date déjà bien tardive, il faut que le mouvement ouvrier prépare la contre-offensive par une vaste riposte sur le terrain de la lutte des classes, et un plan de bataille unitaire contre les licenciements qui sont déjà annoncés dans certains secteurs.

Un impératif pour que la crise ne soit pas payée par les travailleurs, qui doit s’articuler à une série de revendications telles que la fin des contrats précaires, la nationalisation sous contrôle ouvrier de l’ensemble des entreprises qui menacent de fermer leurs portes, l’augmentation sans délai des salaires à hauteur de 1800€ net et l’interdiction pure et simple des licenciements.
Autour de GFT, il faudra lever un grand plan de soutien massif, du mouvement ouvrier mais aussi de la jeunesse, des organisations politiques, pour que le rapport de forces puisse être favorable aux ouvriers, contre les licenciements et la fermeture. Et ce dans l’objectif d’imposer des perspectives qui ne soient pas celles de payer les frais de la crise et de la soi-disante transition énergétique.
C’est seulement par l’obtention de ces revendications qu’il sera possible d’éviter que les travailleurs ne paient la crise, et même d’ouvrir la voie à une réelle alternative de société, pour que le monde de demain ne soit pas plus terrible encore que le monde d’hier.

 
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