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La Izquierda Diario
9 de novembre de 2015 Twitter Faceboock

Un enseignement supérieur… qui sert à la reproduction du système
La classe prépa ou le mérite républicain à la française

Les classes préparatoires furent à l’origine créées pour recruter sur concours dans l’armée française, là où des connaissances scientifiques étaient nécessaires, comme la Marine ou l’Artillerie. Peu à peu, elles ont remplacé le critère de la noblesse pour l’accès à l’armée par le seul mérite. Abrégées de nos jours en CPGE, les classes préparatoires aux grandes écoles sélectionnent les meilleurs élèves après le bac, dans le but de leur faire intégrer les grandes écoles d’enseignement, de recherche, de commerce ou d’ingénieurs. Deux années de travail très intensif, mais dans quel but ?

Candide Racine

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Etre le « meilleur »

Certains choisissent cette voie par indécision quant au choix de leurs études, dans le but de garder un enseignement général, et avec l’idée d’intégrer ensuite l’université. La prépa est en effet la seule filière en France qui permet de garder toutes les matières du lycée après le bac. Face à la forte charge de travail, un petit nombre peuvent s’y épanouir, par goût pour les études, grâce à leurs capacités, mais aussi aidés par leurs pré-requis culturels suivant le milieu dont ils viennent. On demande par exemple de lire en langue étrangère, domaine dans lequel ceux ayant beaucoup voyagé sont naturellement plus à l’aise. Mais à côté de ce choix apparent, c’est la course aux grandes écoles, et il est difficile de résister à la pression compétitive dans laquelle on baigne. Chaque établissement vante ses scores d’admis à l’ENS ou à Polytechnique, et tient systématiquement des discours élitistes à ses élèves, allant par exemple jusqu’à énumérer les carrières « brillantes » de ceux qui sont passés avant eux.

Dans les meilleurs établissements, les classes sont aussi hiérarchisées entre elles, avec un système d’étoiles en prépa scientifique. Par un rythme de travail très intensif, on prépare surtout les élèves à la soumission et au respect des codes et à pouvoir être versés, de façon polyvalente, dans tel ou tel corps ou tel ou tel métier, que ce soit dans le privé ou dans le public, de façon à assurer des fonctions de responsabilités dans la chaine de production et surtout de reproduction du capital. On teste leur résistance par des contrôles longs et fréquents, comme des devoirs de six heures le samedi matin, des notes basses et de grandes exigences.

Il faut avant toute chose être le « meilleur », savoir se surpasser. L’épanouissement personnel est mis de côté, c’est pourquoi la plupart renoncent à toute vie sociale et à tout loisir. Par sa compétitivité, parce qu’elle exacerbe le caractère individualiste de notre société, la prépa est souvent critiquée pour le mal-être qu’elle installe chez beaucoup d’élèves. En plus de les classer, on n’hésite pas à les casser, car la charge de travail peut devenir infinie. L’étudiant modèle doit passer tout son temps à travailler. Avant même la rentrée, on donne une liste de dizaines de livres à lire durant l’été, certains professeurs n’hésitent pas à donner des devoirs aux élèves en sachant qu’il est impossible pour eux de le faire, tant les semaines sont surchargées. On en vient à un véritable gavage de connaissances, où il s’agit d’apprendre le maximum de choses en un minimum de temps et peu de place est laissée à la réflexion.

Mener à bien des études en classes prépa est difficile également sur le plan physique. Les élèves dorment peu ; cas extrêmes, certains sont sous antidépresseurs. De là un nombre d’abandons important dès la première année, voire les premiers mois.

La reproduction d’une « élite »

La logique de la classe prépa est donc de tirer « la crème de la crème » parmi des élèves déjà sélectionnés sur dossier au cours de l’année de terminale. Or, cette sélection se fait déjà sur des bases sociales, puisque, réalité bien connue, le milieu influence les résultats scolaires. Seuls 6,3% d’enfants d’ouvriers sont admis en classe prépa, contre 50% de ceux qui ont des parents cadres ou ayant des professions intermédiaires. Par ailleurs, les futurs normaliens ont eux-mêmes des parents normaliens, et on trouve dans les meilleurs prépas les fils et fille de polytechniciens. A cela, il faut ajouter les nombreuses dépenses nécessaires, notamment en achats de livres… voire en vitamines et autres dopants. Mais aussi pour assurer les études, puisqu’il n’est pas possible de travailler tout en étant inscrit en prépa. Pour ceux qui tiennent les deux années et réussissent les concours, la prépa ouvre les portes des ministères, de l’armée et des grandes boites du privé. On peut d’ailleurs penser aux défilés du 14 juillet, avec les élèves des grandes écoles militaires, telles Polytechnique ou Saint-Cyr. Plus modestement, elle donne accès à l’enseignement, voie de sortie classique pour ceux qui ne savent pas quoi faire après un parcours exemplaire. « Après le prépa, on peut tout faire », « une fois à Normale Sup’, on est tranquille ». C’est ce que l’on répète le plus souvent, à une époque où l’avenir est incertain, où seuls les« meilleurs » réussissent.

Enfin, on présente souvent la classe prépa comme une « chance à saisir » pour avoir accès à de bonnes études, reproduisant l’idéal du mérite républicain dont le système éducatif français est si imprégné. Le bon élève doit faire une prépa. C’est la route logique à suivre, et pour beaucoup une façon d’échapper aux amphis surchargés, au manque de place dans les facs, en somme aux mauvaises conditions d’étude dues aux coupes budgétaires du gouvernement. Pourtant, par son atmosphère militaire, la prépa produit la future élite de la nation, à savoir de bons petits soldats de la société capitaliste. Elle garde le caractère méritocratique qui la caractérisait à ses débuts. En cela, même si la comparaison peut sembler surprenante tant il est fait l’éloge de l’exception française, on peut comparer le système français à celui des Etats-Unis, où il faut avoir des moyens financiers pour étudier. Le nombre d’élèves qui y ont donc accès est restreint, mais les études se déroulent dans de bonnes conditions, avec une grande exigence ! Dans un cas, faire de bonnes études se mérite, dans l’autre cela se paye au sens propre. Mais dans tous les cas, le système de l’élite cultivée qui dirige le pays et garde le contrôle politique et financier est reproduit.

 
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