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La Izquierda Diario
1er de juillet de 2020 Twitter Faceboock

#OccupyCityHall
A New-York, les manifestants mobilisés pour le définancement de la police violemment expulsés
Ariane Anemoyannis

L’occupation de l’esplanade de l’hôtel de ville de New York, qui exigeait depuis le 23 juin le définancement de la police, a été démantelée ce mardi. Le conseil municipal a voté dans la foulée un nouveau budget extravagant pour l’institution policière du département de New York. La démonstration qu’il s’agit pour les manifestants de lutter pour le définancement total de la police et son abolition. 

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Crédit Photo : Left Voice

Depuis le mardi 23 juin, des manifestants ont occupé l’esplanade devant l’hôtel de ville de New York, pour faire pression sur le vote du budget de la police par le conseil municipal de la ville, à majorité démocrate. Ce dernier a décidé de faire intervenir la police pour démanteler le camp, puis a voté un budget pour l’année 2021 quasi similaire à celui de cette année : près de 5 milliards de dollars. Autrement dit, la police du département de New York reste l’institution policière la plus financée du pays. 

Initialement, les manifestants avaient convergé devant l’hôtel de ville à l’initiative de l’association à but non lucratif VOCAL, qui exigeait une restriction de budget à hauteur d’un milliard de dollars. Ce qui peut paraitre énorme représente en réalité 17,8% du budget actuel du NYPD, qui dispose en cette année 2020 de 5,6 milliards de dollars. 

Des sommes astronomiques, que les manifestants et occupants du City Hall expliquaient vouloir réorienter vers les secteurs essentiels à la vie de la population : santé, éducation, etc. En effet, en plein pic épidémique que ne parvient pas à surmonter le gouvernement et alors que se poursuit la mobilisation contre le racisme et les violences policières, de telles dépenses pour une institution profondément remise en question dans son rôle coercitif semble extrêmement déplacées au regard des besoins de la population. 

Ce sont donc des centaines de manifestants qui se sont réunis pendant une semaine au cœur de New York pour discuter et s’organiser à propos de l’institution policière. Débats politiques toute la journée, entraides alimentaires en pleine explosion de la crise économique et du chômage de masse, activités artistiques : c’est un véritable lieu d’élaboration qui est né devant l’hôtel de ville. 

Et si l’association VOCAL à l’origine de cette occupation exigeait la baisse d’un milliard de dollars du budget du NYPD, les occupants ont au fur et à mesure des débats, décidé d’aller bien plus loin. Le définancement total de la police ("Defund to zero !"), voire son démantèlement effectif ont été abordés. Vivre dans un monde sans police a été évidemment le sujet central de discussion. De fait, la répression qui a frappé le plus grand mouvement de l’histoire des États-Unis, de l’intervention de la garde nationale à celle des polices locales en passant par la participation de groupes pro-Trump armés, a mis en lumière dans la continuité de son rôle de coercition des populations africaines américaines, son rôle coercitif vis à vis des mouvements sociaux. 

Désormais, la question de savoir à quoi sert cette institution est plus concrète que jamais. A New York même, ce sont deux voitures de la NYPD qui avaient foncé dans la foule il y a quelques semaines, générant l’indignation du mouvement. Cette même police qui avait tué Eric Garner en 2014, et qui ne fait face a aucun risque d’emprisonnement alors même que trois militants de la mobilisation encourent la prison à perpétuité. 

De fait, si les forces politiques traditionnelles avaient tenté de balayer le mouvement, soit en le canalisant comme les franges progressistes du Parti démocrate soit en l’anéantissant comme le Parti républicain, la question de la police est si fortement posée par les manifestants que ces mêmes forces politiques tentent de prendre part au débat. Ce sont donc des organisations comme DSA Emerge, Abolition Plaza, VOCAL NYC, ou encore People’s Assembly (...) qui interviennent dans les débats pour proposer leur projet de sortie de crise. 

Cependant, si les discussions étaient riches, elles n’aboutissaient en aucun cas à une évolution de la revendication initiale des 1 milliards de coupe budgétaire. Le définancement complet, l’abolition de la police, la sortie de l’institution répressive des syndicats de travailleurs, l’intervention du mouvement ouvrier au sein du camp City Hall sont autant de revendications proposées qui n’ont malgré leur succès jamais été soumises au vote. Une faiblesse démocratique importante alors même que l’occupation était le foyer de débats particulièrement progressistes. 

A terme, l’occupation risquait donc de devenir un simple vecteur de pression sur le conseil municipal se réunissant ce mardi. Or, comme l’a prouvé le vote du 30 juin qui n’a même pas adopté la revendication des 1 milliards de coupe, ces instances ne peuvent prendre en charge les revendications de la mobilisation en ce qu’elles sont les représentantes d’une société basée sur la coercition des classes populaires et des populations noires et racisées. A l’instar du conseil de Minneapolis, qui est allé jusqu’à acter du démantèlement de la police de la ville, toute décision prise par ce type d’instance, bien qu’elles puissent reconnaître la radicalité du mouvement, sont néanmoins des moyens de canaliser cette dernière en lui proposant un débouché institutionnel. 

Autant que la décision de Minneapolis s’est avérée être davantage un « coup de communication » plutôt qu’une décision effective, la pression que pourrait exercer l’occupation de l’esplanade sur les décisions du conseil municipal est insuffisante pour mener à bien les aspirations des foules. Et la répression féroce qui s’est abattue sur le camp le montre par un autre biais : cette occupation était suffisamment progressiste pour ne pas être tolérée par la police, mais elle n’avait pas suffisamment consolidé ses revendications et une stratégie pour les atteindre pour être en mesure de résister à l’attaque des forces de répression. 

L’expulsion des manifestants du City Hall de New York après leur décision de rester malgré le vote du conseil municipal est une énième tentative de démonstration de puissance de la part du gouvernement. En parallèle, la campagne de Trump pour mettre en prison à perpétuité trois manifestants démontre comment la Maison Blanche peine à trouver une sortie de crise par en haut à quelques mois des présidentielles, en allant vers la répression du mouvement. Mais du côté du Parti démocrate, c’est une politique de canalisation de la colère qui prédomine. Après les mandats d’Obama et les sorties racistes de Joe Biden mais encore la gestion du mouvement comme à New York, il s’agit pour les protagonistes et instigateurs d’une vague internationale contre le racisme et les violences policières de tirer les leçons du passé pour aller plus loin qu’un bulletin dans l’urne. Les initiatives comme celles de CHAZ ou du City Hall, en sont des exemples qu’il faut poursuivre et approfondir sans concession avec les institutions bourgeoisies et en développant les mécanismes démocratiques les plus poussés. 

 
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