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La Izquierda Diario
21 de juin de 2020 Twitter Faceboock

L’aéronautique se prépare au combat
Derichebourg Aéro : quelques enseignements d’une bataille exemplaire
Gaëtan Gracia, CGT Ateliers de Haute-Garonne

Derichebourg Aero a été la scène de la première lutte dans l’aéronautique suite à la crise économique. Chantage aux licenciements, baisses de salaire avec un Accord de Performance Collective, nous dressons ici des éléments de bilan de cette bataille exemplaire et des perspectives pour les travailleurs de l’aéro, et au delà.

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1. Les travailleurs de l’aéro ne seront plus passifs

Dans le passé, l’aéronautique était un des secteurs les plus combatifs, comme on l’a vu dans les grandes luttes de 1936 et de 1968. C’est juste après Mai 68 que les grands capitalistes ont décidé de briser la combativité ouvrière dans ce secteur, de réprimer méthodiquement les militants, jusqu’à placer en 1969 Maurice Papon à la tête de Sud Aviation, l’ancêtre d’Airbus, pour casser les syndicats et les luttes.

Après la crise de 2008, on a vu des luttes dans l’industrie (contre les "accords de compétitivité" et les licenciements), mais très peu dans l’aéronautique, qui était resté relativement épargnée par la crise économique. Et pourtant, nous écrivions ce 28 mars 2020 que l’aéronautique pourrait passer du « laboratoire de la répression au réveil ouvrier ».

En effet, plusieurs usines s’étaient battues à la mi-mars pour faire fermer leurs activités "non-essentielles" au début du confinement, et de nombreux ouvriers, auparavant plus passifs, s’étaient révoltés. Beaucoup ont compris alors que leur direction placerait toujours en priorité ses profits avant même la santé des salariés et de leurs familles.

De la peur du virus, on est passé à la peur du licenciement. Quand il y a crise économique - et elle est profonde dans la filière aéro [1] - on sait que c’est à nous qu’on va demander des sacrifices. Et Derichebourg en est un des premiers exemples...

2. Derichebourg Aeronautics Services : un test pour les patrons du secteur

Avec le déconfinement, le gouvernement Macron craint des luttes sociales fortes. Il a peur d’une "Gilet-jaunisation XXL", comme nous le formulions dans notre journal. C’est la raison pour laquelle, notamment avec la mise en place massive du chômage partiel, celui-ci a tenté de retarder les explosions de colère.

Les patrons se sont en grande partie appuyés sur ce matelas temporaire pour ne pas annoncer des licenciements massifs très tôt. Mais la profondeur de la crise économique et la baisse progressive de certaines aides de l’Etat laissent présager des attaques profondes dans les mois à venir, plus encore que ce qu’on a vu dans l’après 2008.

Quelques aventuriers, comme les patrons de Daher ou de Derichebourg, ont décidé d’anticiper ces attaques, et de profiter du fait que beaucoup de salariés sont encore en chômage partiel, pour commencer à baisser les salaires et à licencier.

Le schéma est le même qu’après la crise de 2008  :

  •  On explique que l’entreprise est au bord de la faillite.
  •  On menace de nombreux licenciements, voire de fermeture
  •  On propose de diminuer les salaires et de rogner sur les acquis, en prétextant sauver les emplois.
  •  Un peu plus tard, on supprime quand même les emplois (avec la misère qui s’en suit, les divorces et même les suicides, dont parlent aujourd’hui les Continental, les Goodyear et tous ceux de cette "génération 2010" qui se sont battus alors).

    Pour les patrons de l’aéronautique, Derichebourg est donc un véritable test, qu’ils regardent avec attention. Mais en même temps, c’est aussi un test pour tous les travailleurs de la filière, qui vont devoir s’opposer aux mêmes attaques. C’est pour cela qu’il est central de se pencher en détail sur cette première lutte dans la sous-traitance aéro depuis le déconfinement, et d’en tirer quelques leçons pour la suite.

    3. La lutte des Derichebourg, un exemple à plusieurs égards

    Premièrement, il arrive très souvent que face aux attaques du patron, les ouvriers pensent qu’il est impossible de résister, et qu’on est obligé de choisir la « moins pire » des propositions des patrons. Et si en plus un syndicat de la boîte explique qu’il n’y a pas d’autre choix, c’est un obstacle de plus.

    Pourtant, malgré l’énorme chantage à l’emploi du patron (plus de 700 licenciements ou l’APC - Accord de Performance Collective) et malgré le discours du délégué syndical FO (« si on signe pas, c’est le PSE ! »), Ils ont dit haut et fort :« Non à l’APC ». Ils ont dénoncé ces « licenciements déguisés ». Ils ont dit que ça n’était pas à eux de payer la crise, mais aux patrons et aux actionnaires. Ils ont découvert avec enthousiasme ce slogan de la lutte de classes : « On ne négocie pas le poids des chaînes ! ».

    Bref, cette première réponse ouvrière dans l’aéronautique post-confinement représente deux avancées : d’une part, elle rompt avec la passivité et le conservatisme qui prédominaient dans la filière, et d’autre part, elle pose les bases d’une réponse ouvrière à la crise, d’une réponse plus large, en toute indépendance et sans compromis avec le patronat ni acceptation des sacrifices.

    Deuxièmement, et c’est sûrement le plus grand acquis de cette lutte, les salariés ont commencé à s’auto-organiser, c’est-à-dire à organiser et décider eux-mêmes de leur lutte, pour commencer à rompre avec les rythmes et les cadres imposés par la direction. Et ce n’est pas rien !

    Dans la majorité des cas, ce sont les représentants syndicaux et/ou les élus au CSE qui dictent le rythme des mobilisations (souvent influencée par le rythme des réunions de négociations), décident des actions à mener ou non, etc. C’est d’autant plus flagrant dans les strates plus élevées des appareils syndicaux, qui imposent à des dizaines de milliers de travailleurs quand et comment lutter. De la stratégie des "journées d’actions isolées" de 2010 à 2016, à la "grève perlée" décidée par la direction de la CGT-Cheminots, cette mainmise sur nos luttes a été remise en cause par au moins deux processus récents.

    Le premier a été la révolte des Gilets Jaunes. Ces derniers ont rejeté les habitudes et les routines syndicales, les manif plan-plan et les concertations à huis clos. Le deuxième a été la grève de deux mois contre la réforme des retraites qu’ont mené les travailleurs des transports parisiens. Contre la mollesse des directions syndicales qui appelaient à la trêve à Noël, les salariés de la RATP et de la SNCF se sont organisés eux-même pour maintenir la grève, autour d’une Coordination RATP-SNCF regroupant des salariés syndiqués ou non, de plusieurs gares, dépôts de bus ou lignes de métro.

    Le problème de la bureaucratie syndicale, visible au plan national, se reflète aussi au niveau des entreprises (bien que par des mécanismes et à des échelles différentes, que nous ne développerons pas ici). Par le jeu du « dialogue social », par la multiplication des réunions avec la direction, voire par les quelques avantages qu’ils peuvent avoir, les syndicats sont poussés à être institutionnalisés, sont poussés à négocier le moindre mal, à chercher des solutions « avec le patron ». Bref, tout est fait pour les pousser loin de la lutte et du travail de terrain auprès des collègues.

    Dans le sous-traitant qu’est Derichebourg Aeronautics, malgré la forte présence syndicale, ce sont les salariés eux-mêmes qui ont dirigé leur propre lutte. La création d’un large collectif de salariés, regroupant autour d’un groupe facebook syndiqués (UNSA, CFE-CGC, et même quelques FO) et non-syndiqués, a été le point de départ de ce phénomène.

    Ce collectif a d’abord permis d’informer davantage de travailleurs sur l’APC et ses conséquences. Il a aussi permis une certaine libération de la parole sur ce que vivait chaque personne. Et très vite, il a impulsé un changement de la lutte elle-même. D’une mobilisation qui consistait essentiellement à l’appel, principalement par l’UNSA, à des rassemblements au moment des négociations (les 02, 04 et 09 juin), celle-ci s’est durcie, devenant une grève reconductible de 4 jours (du 09 au 12 juin) ponctuée de débuts d’assemblées générales des salariés pour décider des suites à donner. Dans ce processus, des salariés non-syndiqués ont joué un rôle central, côte-à-côte avec des syndicalistes.

    Cette forme d’organisation, à notre avis, pourrait ne pas être une exception mais plutôt l’annonce d’un changement des formes de luttes auxquelles on doit s’attendre à l’avenir et que l’on doit chercher à renforcer. D’abord, elle est un résultat indirect de la mobilisation des Gilets jaunes. La preuve la plus flagrante est le rôle central joué par des ouvriers non-syndiqués dont certains ont été impliqués ou marqués par la lutte des GJ.

    Ensuite, elle est aussi la conséquence de l’ampleur de la crise économique et des attaques qui en découlent. Quand on menace de supprimer la moitié du personnel ou de supprimer 20% du salaire, comme l’a fait la direction, difficile d’en rester aux pures négociations et aux mobilisations habituelles.

    C’est ce qui fait que, malgré une section syndicale comme l’UNSA, qui est dans cette boite une section combative, démocratique et faisant un vrai travail de terrain (voir cette interview en 2019 par exemple), la lutte a dépassé la forme purement "syndicale" et s’est étendue au-delà des syndicats.

    Il faut noter que la section de l’UNSA n’a jamais cherché à bloquer cette dynamique, mais au contraire l’a favorisé et y a participé activement, bien que le collectif ne soit pas à son initiative. Ce positionnement de l’UNSA, qui a mis son appareil au service de la lutte de l’ensemble des salariés au-delà des étiquettes, constitue aussi un exemple pour les luttes à venir.

    Troisièmement, cette lutte a mis en lumière non seulement les limites des cadres de négociation, les règles de la représentativité syndicale, mais surtout le rôle des syndicats pro-patronaux, et plus précisément le rôle de FO-Métaux dans l’aéronautique.

    Dans l’aéronautique, Force Ouvrière joue le rôle de « syndicat-maison », multipliant les adhésions, surtout centré sur les « oeuvres sociales » du CE, en échange de la « paix sociale » avec le patron. Plutôt que de mobiliser les salariés face aux patrons, ceux-ci jouent le rôle inverse : essayer de convaincre les salariés du discours du patron, expliquer aux collègues qu’on est obligé de choisir « le moins pire » (comme l’a fait le Délégué Syndical FO Derichebourg, trahissant ses propres interventions quelques jours avant disant qu’il n’accepterait pas de baisse de salaire). C’est particulièrement visible à Airbus, mais cela se reproduit chez de nombreux sous-traitants.

    C’est un obstacle important pour les luttes à venir dans le secteur. C’est pourquoi la lutte des Derichebourg, qui fragilise le discours de FO-Métaux, et qui dessine une voie d’action indépendante des « syndicats maison » est un acquis central pour la suite.

    4. Malgré tout, quelques limites à cette bataille

    Mais si la lutte était si avancée, pourquoi n’a-t-elle pas débouché sur une victoire ? Pourquoi l’APC a-t-il été signé ? Précisons ici que le but de cet article ne vise pas à donner des leçons « de l’extérieur », mais de partager les bilans que nous avons commencé à tirer avec les collègues de Derichebourg sur cette lutte, d’en tirer les leçons et d’en comprendre les potentielles limites pour renforcer les batailles à venir, qu’elles soient à Derichebourg ou ailleurs.

    Pour résumer, on peut dire que les expériences que nous avons décrites plus haut, essentiellement la grève et les assemblées générales, n’ont pas pu être développées dans toute leur potentialité. Pourquoi ? Surtout pour une question de timing.

    En effet, la construction de la grève et des assemblées a commencé très tardivement, seulement 4 jours avant la signature de l’APC qui a eu lieu le 12 juin. Pourtant, dans de telles batailles, et dans la lutte de classes en général, le facteur temps a une importance décisive. Les patrons le savent, et cherchent à gagner du temps en épuisant les syndicalistes dans des négociations sans fin et dans des débats purement techniques.

    A Derichebourg, les premières annonces ont été faites lors du CSE du 06 mai, et précisées lors d’un CSE le 11 mai. Déjà se dessinait le chantage à l’emploi qui a eu cours pendant un mois ensuite. Accepter un APC baissant les salaires, ou une suppression d’emplois massives et immédiates. La section de l’UNSA a réagi en informant tout de suite les salariés (avec un tract le 08 mai par exemple) et lançant une pétition interne (suite au refus du référendum par la direction), une pétition externe, et en médiatisant l’attaque (ce à quoi nous avons aidé autant que possible). L’UNSA a ensuite appelé à se rassembler devant le siège lors des négociations des 02, 04 et 09 juin, pour refuser ce chantage à l’emploi.

    Mais la question de la grève n’est arrivée que très tard. Même le 04 juin, alors qu’on se rapprochait de la date de signature de l’accord et que 200 salariés étaient rassemblés dans un esprit combatif, ni l’UNSA ni le collectif n’appelaient encore à construire la grève. Un élu UNSA expliquait qu’ils allaient « essayer d’éviter les grèves et débrayages », mais qu’ils s’y résoudraient si la direction ne laissait pas le choix. De même, le collectif fraîchement créé appelait au rassemblement suivant, le 09 juin à 13h30, en expliquant avoir choisi cette horaire « car il n’impacte pas la productivité ».

    Ce n’est que le 09 juin, devant la combativité et la colère des 300 salariés, qu’a été proposée (et votée à main levée, quasi-unanimement) la grève reconductible jusqu’au 12 juin. Malgré tout, dans cette dernière ligne droite de 4 jours, beaucoup de choses ont été faites. Pour la plupart des grévistes, c’était la première expérience d’une telle grève reconductible, avec assemblées, actions, médiatisation du conflit, etc... C’est ce manque d’expérience et le manque de temps qui en a découlé qui expliquent en grande partie les limites de ce conflit.

    Après l’appel à reconduire la grève le 9 juin, le noyau dur (d’une bonne soixantaine de grévistes) s’est vu surpris de voir moins de grévistes les 10 et 11. Entre temps, la direction avait, elle, mobilisé toutes ses forces contre l’extension de la grève, en mobilisant la hiérarchie pour qu’ils mettent la pression à ceux qui voudraient faire grève. Risque d’être sanctionné, risque de se voir retirer les prestations par Airbus, voire mensonge sur le fait qu’ils ne pouvaient pas faire grève, de nombreux chefs ont joué le rôle que voulait la direction.

    En face, avec plus de préparation, il aurait été possible de monter une équipe pour aller chercher les collègues non-grévistes, les convaincre, leur donner confiance, comme l’ont d’ailleurs fait quelques-uns ensuite pour appeler à manifester le 16 juin aux côtés des soignants. De la même manière, les premières tentatives d’assemblées ont été, comme c’est souvent le cas, davantage un question-réponse avec les syndicalistes et/ou avec les principales figures du collectif.

    Ceci a limité l’utilité décisive pour la lutte de ce type de cadre d’organisation, qui permet de multiplier les forces des salariés. D’abord en garantissant l’unité de tous les travailleurs contre les tentatives de division et répression du patronat ; ensuite en posant les bases pour une action indépendante des rythmes imposés par la direction ; et finalement en permettant que chaque salarié soit acteur de la lutte en décidant des suites par la discussion collective et le vote à main levée.

    La première véritable assemblée, où les salariés ont discuté tous ensemble des perspectives, a été celle du jeudi 11, dans laquelle s’est décidée l’organisation du lendemain, les actions de blocage et de médiatisation du conflit. Tout cela a permis que la mobilisation du vendredi 12 juin soit réussie, et dans une grande unité des salariés. Plus de 300 personnes ont alors participé : actions de blocages, grosse présence de soutiens extérieurs, grève davantage suivie, et une explosion de colère suite au vote en CSE et aux dernières manœuvres du délégué syndical de FO. Mais c’était aussi le dernier jour avant la signature de l’APC, qui a été signé le soir même.

    5. Quelques perspectives

    D’un point de vue purement revendicatif, la première bataille est perdue, puisque l’APC a été signé. Pourtant, l’état d’esprit n’est pas à la totale démoralisation, même si les conséquences de cet accord sont graves, et que beaucoup disent préférer partir de la boîte.

    Le lundi qui a suivi la signature, un groupe de salarié a diffusé un tract du collectif appelant à rejoindre les soignants à la manifestation du lendemain. Cette action avait d’ailleurs été discutée le vendredi soir, alors que l’APC était signé.

    De plus, plusieurs membres du collectif restent très actifs, en lien avec les syndicalistes, principalement UNSA, pour à la fois répondre au mieux aux conséquences de cet APC, aider les salariés, mais aussi tirer les bilans de ce conflit et tout faire pour éviter la division et la démoralisation des collègues, qui probablement auront à se défendre contre d’autres attaques (rien ne garantit par exemple qu’il n’y ait pas un PSE annoncé à un moment ou à un autre).

    Ces membres du collectif se battent en même temps pour faire connaître cette attaque et leur lutte au-delà de leur propre entreprise : « pour que ça serve à tous les salariés de l’aéronautique, et que personne ne subisse la même chose que nous », nous expliquait Seif, mécanicien et membre du collectif. « S’il faut soutenir d’autres boîtes, on sera là ! » nous assuraient de nombreux grévistes. Une solidarité qui s’est traduite pendant leur conflit par différents messages de soutien, qui a renforcé le moral des grévistes dans les moments les plus durs. Cette aspiration à coordonner tous les travailleurs, de l’aéronautique et au-delà, plutôt que de lutter usine par usine, sera d’ailleurs capitale face aux attaques qui se préparent.

    Parce que cette lutte est une des premières luttes importantes au sein du secteur à la suite du confinement, et parce que les attaques du patronat vont se succéder dans les mois à venir tel que l’a rappelé récemment La Tribune, l’une des tâches essentielles de ces prochains mois devrait consister à aller chercher tous les collègues de la boite et du secteur pour les convaincre de consolider le collectif et se préparer aux prochaines attaques patronales. Si le chantage à l’emploi et l’APC imposé par la direction de Derichebourg servent comme une sonnette d’alarme pour le secteur, les enseignements de la lutte de ces salariés posent les bases sur lesquelles peuvent s’organiser les travailleurs pour mettre un coup d’arrêt aux plans du patronat

    Grève reconductible, assemblées générales, solidarité de classe, refus de « négocier le poids des chaînes », les salariés de Derichebourg Aeronautics nous ont montré la voie avec cette première lutte courageuse. A nous maintenant, tous ensemble, de la suivre et de l’approfondir, pour que ce soient les patrons et pas les salariés qui paient la crise.

    Notes

    [1] : Sur l’ampleur de la crise dans ce secteur, un débat est ouvert dans le milieu militant toulousain, auquel nous n’avons pas eu encore le temps de répondre. Des arguments très intéressants sont mobilisés entre ceux qui voient une crise plus structurelle, ou ceux qui font l’hypothèse d’une crise conjoncturelle. L’état d’esprit général chez les collègues de l’aéronautique correspond plutôt à cette seconde hypothèse : « A un moment, ça va repartir ». De notre point de vue, nous pensons au contraire que la crise de la demande d’avions (c’est-à-dire en dernière instance la baisse du transport aérien mondial) est beaucoup plus profonde et durable. Cette baisse s’appuie, en plus des éléments mobilisés par les premiers débatteurs (qui insistent sur les changements de mentalités et de pratique des voyageurs), sur des éléments économiques profonds. L’industrie aéronautique est entièrement basée sur un spéculation : le trafic aérien mondial doublerait tous les 15 ans. Les marchés pas encore arrivés à « maturité », principalement l’Asie, en serait la lame de fond. Oui mais voilà : avec la crise, dont la profondeur est davantage comparable à 1929 qu’à 2008, les conséquences en terme de chômage et de baisse de salaire, en tout cas les attaques en ce sens, ne vont pas dans le sens de faire émerger une « nouvelle classe moyenne asiatique », ou plus en général une armée de nouveaux voyageurs. Au contraire, tout porte à croire à une certaine rétractation. C’est ce qui nous fait analyser cette crise comme une crise de surproduction profonde, que les capitalistes cherchent en général à résoudre par la voie la plus courte : baisse de salaires, licenciements et fermetures d’usine. C’est ce contre quoi nous nous préparons.

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