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La Izquierda Diario
14 de juin de 2020 Twitter Faceboock

Sur fond de déconfinement accéléré
Travaille plus et respecte l’héritage colonial : Macron dessine son monde d’après le confinement
Paul Morao

Dans une allocution ce dimanche, Emmanuel Macron est revenu sur le déconfinement et a tenté de dessiner des perspectives pour l’avenir. Un discours marqué par un appel à travailler plus pour rembourser la dette engrangée dans la crise, mais aussi par une attaque en règle contre le mouvement anti-raciste à l’international et un soutien affiché aux forces de répression.

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Une allocution qui signe l’entrée dans la phase finale du déconfinement

« Nous allons retrouver pleinement la France », ce dimanche, comme à de multiples reprises depuis le début de l’épidémie, Macron dévoilait une nouvelle allocution visant à acter l’entrée de la France métropolitaine dans la phase finale du déconfinement.

Une phase marquée par différentes étapes que le Président de la République a commencé par énumérer : réouverture des cafés et restaurants, « reprise plus forte du travail », réouverture des crèches, écoles et collèges à partir du 22 juin permettant d’accueillir de façon « obligatoire » les élèves et étudiants, réouverture des frontières entre les pays européens… De quoi signer la fin d’une première phase de l’épidémie en France.

A cette occasion, Macron n’a pas hésité à tenter de valoriser son bilan, quitte à effacer pour l’occasion les très nombreux couacs qui ont émaillé la gestion de l’épidémie. « Nous n’avons pas à rougir de notre bilan » a ainsi affirmé le chef du gouvernement, s’adressant plutôt à lui-même dans un exercice d’auto-conviction, qu’aux Français qui ont fait face depuis des semaines à sa gestion : absence de tests massifs, de masques, manques d’équipements dans les hôpitaux, maintien du travail dans les productions non-essentielles, surmortalité dans les EHPADs… Une gestion qui est en partie responsable des près de 30 000 morts que comptabilise la France, classée au 5ème rang mondial, auxquels Macron a évidemment tenu à rendre hommage.

Comme à l’accoutumée lors de ses dernières allocutions, le Président a également rendu hommage aux travailleurs qui ont permis au pays de faire face à la crise, des soignants aux travailleurs de la deuxième ligne. Un hommage qui risque de sonner faux pour tous ceux qui se mobilisent ces dernières semaines pour arracher les primes ou les revalorisations salariales promises, qui tardent à arriver quand elles n’ont pas été tout bonnement liquidées.

Aux travailleurs de payer la crise !

Mais l’allocution d’Emmanuel Macron voulait également dessiner des perspectives pour le « jour d’après ». La sortie de l’épidémie, qui pourrait cependant frapper à nouveau, doit permettre d’« ouvrir une nouvelle étape de notre destin en France et en Europe ».

Pourtant, en guise de « cap de la décennie que nous avons devant nous », rien de bien neuf. Au premier rang de ses perspectives, le Président a mis en avant un discours à la tonalité souverainiste, dans un appel à construire une « économie forte, écologique, souveraine et solidaire » pour la France. En guise de bilan, Macron a ici évoqué les plans d’aides à l’économie, pour un total de « près de 500 milliards d’euros », qui vont surtout aller dans la poche des grandes entreprises et de leurs actionnaires sans même garantir l’emploi, à l’image de Renault qui supprimera 4600 emplois en France.

Sur ce plan, Macron aura eu ici l’honnêteté de ne pas dissimuler son objectif faire assumer la charge de la crise aux travailleurs. « Nous ne financerons pas ces dépenses en augmentant les impôts. (…) La seule réponse est de bâtir un modèle économique durable, plus fort, de travailler et de produire davantage pour ne pas dépendre des autres. Et cela, nous devons le faire alors même que notre pays va connaître des faillites et des plans sociaux multiples. » a ainsi expliqué le Président sans détour tout en annonçant quelques pistes floues pour créer des emplois dans le cadre d’un combat qui devra être mené dans l’union nationale, « avec toutes les forces de notre pays ». « Recherche », « consolidation des filières », « pacte productif », « relance sociale et solidaire » : les amateurs de langue de bois apprécieront.

Une perspective souverainiste que Macron a cependant inscrite dans le cadre plus large de la souveraineté européenne. L’occasion pour le Président de revendiquer le plan européen de 750 milliards annoncé le 27 mai par Ursula Von Der Leyen et poussé par le couple Macron-Merkel. Un plan qui vise à sauver l’Union Européenne de l’éclatement, pour tenter de peser dans le jeu des puissances impérialistes comme l’a affirmé Macron évoquant la nécessité que l’Europe se donne « les moyens d’affirmer son identité, sa culture, sa singularité face à la Chine, aux Etats-Unis et dans le désordre mondial que nous connaissons. » mais qui devra passer entre les mains de la Commission Européenne pour espérer être adopté.

Une attaque en règle contre le mouvement international contre le racisme d’Etat et les violences policières

Evoquant la situation sociale dans un « deuxième axe », Macron a enchaîné en traitant des mobilisations en cours contre les violences policières et le racisme d’Etat. Une première prise de position reprenant les termes de l’extrême-droite et n’hésitant pas à se délimiter très nettement du mouvement. « Je nous vois nous diviser pour tout, nous unir autour du patriotisme républicain est une nécessité » a commencé par noter Macron avant de promettre de « nouvelles décisions fortes pour l’égalité des chances ».

« Ce combat noble est dévoyé lorsqu’il se transforme en communautarisme, en réécriture haineuse du passé. Ce combat est inacceptable quand il est récupéré par les séparatistes. La République n’effacera aucune trace ni aucun nom de son Histoire. Elle n’oubliera aucune de ses œuvres, ne déboulonnera pas de statue. Nous devons regarder ensemble toute notre histoire. » a ensuite enchaîné le Président. Une position tranchée qui reprend les termes mêmes des attaques les plus réactionnaires contre les mobilisations, et entend assumer l’héritage colonial de la France « passé » et présent : des relations néo-coloniales avec le pré-carré africain à l’éloge rempli de fierté des possessions coloniales actuelles de la France qui lui permettent de constituer la deuxième zone maritime mondiale.
Assumant jusqu’au bout sa position réactionnaire, Emmanuel Macron a ensuite rendu un hommage appuyé aux forces de répression, dont le racisme structurel s’étale ces dernières semaines dans la presse. « Sans ordre républicain, il n’y a ni sécurité ni liberté. Cet ordre ce sont les policiers et les gendarmes qui l’assurent. C’est pourquoi ils méritent le soutien de la puissance publique et la reconnaissance de la nation. »

Finalement, le Président a laissé entendre que de nouvelles mesures de décentralisation pourraient être prises. Des annonces floues en forme de concession aux pouvoirs locaux, qui ont fréquemment pointé les failles dans la gestion gouvernementale de l’épidémie notamment dans le cadre du déconfinement.

« Je m’adresserai à vous en juillet pour préciser ce nouveau chemin » a finalement conclu Emmanuel Macron, évoquant des consultations. Un nouveau chemin dont on comprend bien la couleur : une nouvelle tentative d’union nationale qui veut réduire au silence ceux qui dénoncent le racisme d’Etat et obliger les travailleurs à accepter de payer la crise, et qui balaye aussi vite qu’ils étaient arrivés les accents "sociaux" très creux des premières allocutions. Un projet qui a peu de chance de convaincre ceux qui, partout en France, se soulèvent ces dernières semaines, des grévistes de Derichebourg aux soignants en passant par les dizaines milliers de jeunes en lutte contre les violences policières et le racisme d’Etat. C’est cette unité-là, celle de ceux qui refusent de payer la crise et de maintenir un système qui exploite et opprime la majorité de la population, qu’il convient de construire. Par les attaques qu’il prépare, le gouvernement pourrait bien y contribuer.

 
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