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10 de juin de 2020 Twitter Faceboock

Black lives matter
Royaume Uni. Déboulonner les statues coloniales pour dénoncer les racines esclavagistes du pouvoir
Claire Méry

Avec la multiplication des manifestations antiracistes depuis la mort de George Floyd aux États-Unis, la question des monuments et figures colonialistes dans les villes revient sur le devant de la scène au Royaume-Uni.

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Crédits photo : AFP/JONAS ROOSENS

Lundi 8 Juin à Bristol, lors d’une manifestation contre le racisme, la foule déboulonne spontanément une statue de Edward Colston, député et marchand d’esclaves du XVIIe siècle, avant de la jeter dans la rivière. Mardi, devant Oriel Collage à Oxford, nouvelle manifestation pour déboulonner une statue de Cecil Rhodes, colonialiste et suprématiste blanc du XIXe siècle, fondateur de la Rhodésie.

Un mouvement grandissant d’appels au démantèlement de statues, mémoriaux et autres symboles racistes et esclavagistes semble se dessiner dans tout le pays. Les appels de militants à renverser les monuments à la gloire de figures racistes érigés dans les rues, devant les universités, les hôpitaux et les bibliothèques dans tout le pays se multiplient. Une carte interactive intitulée « Topple the racists » (« Renverser les Racistes ») identifie les statues et monuments ciblés.

Le Royaume-Uni semble ainsi être le théâtre d’une vague importante de mobilisations contre les symboles du passé colonialiste. Un phénomène en lien direct avec les mobilisations aux Etats-Unis contre le racisme d’Etat et les violences policières qui peut s’expliquer par plusieurs facteurs.

D’abord, du fait des liens culturels et politiques, ainsi que par la connexion anglophone qui lie le Royaume-Uni aux États-Unis, les événements politiques de l’autre côté de l’Atlantique ont généralement d’importantes répercussions au Royaume-Uni.

L’écho important des manifestations contre le racisme au Royaume-Uni peuvent s’expliquer par un héritage colonial très présent dans la mentalité des Britanniques. En témoigne ce sondage réalisé par l’entreprise YouGov en Juin 2019, qui révèle que 30% des Britanniques regrettent l’empire et pensent que les habitants des anciennes colonies vivaient mieux sous l’Empire.

Un tel déni envers l’héritage réel de l’Empire britannique pour les anciennes colonies n’est pas une simple coïncidence, mais une conséquence directe des racines coloniales de la richesse et du pouvoir des classes dominantes. Avec les Pays-Bas, le Royaume-Uni représente l’ancienne puissance coloniale qui s’est le plus enrichie du trafic transatlantique d’esclaves. Le commerce d’esclaves est donc à l’origine d’une part importante du capital de l’actuelle élite politique et économique au Royaume-Uni. La majorité des vendeurs d’esclaves investirent le profit tiré de leur commerce en achetant des terres, leur permettant d’acquérir des titres de noblesse. Ainsi, patrimoine et titres de noblesse des anciens marchands d’esclaves se sont transmis de génération à génération.

Or l’aristocratie jouit d’une influence particulière dans la société Britannique. En témoigne la permanence de la monarchie, une des premières fortunes du pays, ainsi que l’existence de la House of Lords, chambre du Parlement composée en partie de lords héréditaires. Un exemple frappant : la Compagnie Royale d’Afrique, responsable de la traite du plus grand nombre d’esclaves de toute l’histoire du commerce transatlantique, est fondée en 1672 par le Duc d’York. Prince Andrews, le deuxième fils de l’actuelle Reine Elizabeth II, porte aujourd’hui ce titre.

La noblesse héritière de marchands d’esclaves continue alors de bénéficier de privilèges dans la société britannique actuelle. Jusqu’en 2015, les contribuables britanniques payaient par leurs impôts la dette contractée par le gouvernement britannique en 1835 lors de l’abolition de l’esclavage pour compenser les marchands d’esclaves pour la perte de leur « propriété ». Ainsi, plusieurs générations de descendants de propriétaires d’esclaves sont nées en héritant des biens et compensations payées à leurs ancêtres.

Fouiller l’histoire et contester les symboles coloniaux revient donc à questionner le pouvoir des classes dominantes et les fondements mêmes du pouvoir politique actuel. Ainsi, une certaine gêne a été ressentie lorsqu’en 2016 l’administration de Oriel College à l’université d’Oxford s’est vue refuser le déboulonnage de la statue de Cecil Rhodes pour une raison précise : la permanence de cette statue – ainsi que l’inscription « bienfaiteur magnifique » qui l’accompagne -, est la condition même de la perpétuation des dons financiers des héritiers de Cecil Rhodes à l’institution. Ainsi, les racines de la richesse de cette université d’élite sont aussi plongées dans le passé colonial du pays.

La présence même de statues de figures colonialistes dans nos rues ne sont pas le simple symbole d’un temps révolu, aussi désuet que leurs perruques poudrées. Elles sont révélatrices d’un système actuel structurellement raciste qui continue de conditionner nos vies, entretenant et favorisant un pouvoir politique construit par le colonialisme. Les cris d’orfraie des classes dominantes face aux mobilisations contre le racisme apparaissent alors comme un symptôme évident de cette odieuse vérité.

 
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