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La Izquierda Diario
3 de juin de 2020 Twitter Faceboock

Nous ne paierons pas leur crise
« Accord de Performance Collective » : un outil made in Macron pour faire payer la crise aux salariés
Violette Renée

Derrière la rhétorique des efforts partagés, le gouvernement peine à cacher que le patronat veut refaire ses marges et que cela implique de s’attaquer à la masse salariale : prolongation du temps travail, baisse des salaires, retour sur le 13ème mois, précarisation et licenciements.

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Crédits photo : Pascal Guyot / AFP

Depuis le 1er juin, les dispositions du chômage partiel ont évolué. L’État ne prend plus en charge l’intégralité du coût du chômage partiel : les entreprises paieront désormais 15% du coût pour leurs salariés concernés, contre 0% jusque-là. Dans ce contexte, certains employeurs n’hésitent pas à revenir sur les acquis sociaux comme la réduction des salaires, la hausse du temps de travail ou la fin du 13ème mois, d’autant que ceci est rendu possible grâce à un outil législatif mis en place par Macron en 2017 : les Accords de Performance Collective (APC).

Accords de Performance Collective : faire payer la crise aux travailleurs

Ces APC, qui font partie des ordonnances Travail Macron de 2017, permettent aux entreprises de flexibiliser pendant cinq années la rémunération, le lieu et le temps de travail des salariés avec le simple accord de l’organisation syndicale majoritaire de l’entreprise. Ceci est possible en cas de « difficultés économiques » et permet de « répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou en vue de préserver, ou de développer l’emploi ». Le salarié est contraint d’accepter la baisse de son salaire, la hausse de son temps de travail ou une mobilité, sous peine de licenciement, un véritable chantage à l’emploi. Et, le cadre légal d’application de ce dispositif laisse une grande liberté au patronat, comme le rappelle Ouest France : « Les motifs de recours sont larges et il n’est pas nécessaire de justifier de difficultés économiques. De même, rien ne dit explicitement que l’employeur est obligé de s’engager sur la préservation des emplois ou un retour à la normale une fois les difficultés passées ».

« Depuis 2017, 350 accords ont été passés, concernant à 67% le temps de travail. Mais leur nombre pourrait exploser dans le contexte actuel avec un accent mis cette fois-ci sur la rémunération  », comme le rapporte La Dépêche.

Les jeux sont lancés

Les exemples d’APC commencent à s’accumuler : Ryanair, Derichebourg, Daher ou encore Renault font leurs « propositions ».

Plus précisément, le 6 mai dernier, la direction de l’entreprise de sous-traitance aéronautique Derichebourg a proposé une perte définitive de l’ensemble des acquis sociaux (que le syndicat majoritaire FO a accepté), avant d’offrir un stratagème qui rende finalement cette option assez sympathique. Deux choix s’offrent désormais aux salariés : soit la perte de tous les acquis sociaux (13ème mois, primes de travail de nuit, baisse des salaires etc.), soit le licenciement direct d’environ 750 d’entre eux. C’est toute la subtilité des APC, qui permettent d’initier un semblant de négociation. Une stratégie de choix pour les patrons qui connaissent par avance la réponse des salariés qui savent que retrouver un emploi dans une période de dépression économique est mission impossible. Par contre l’entreprise, elle, a tout à y gagner : elle garde une grande partie des compétences de sa main d’œuvre tout en l’exploitant davantage. Un joli matelas de crise, sur le dos des salariés, qui permet au patronat de refaire ses marges. Comme le dit un salarié lors du rassemblement de contestation : « à aucun moment la direction n’a parlé d’efforts de la part de l’actionnaire qui a fait 22 millions d’euros de dividendes dans le dernier semestre ».

Dans la même veine, la compagnie aérienne Ryanair a elle proposé à son personnel de choisir entre une baisse de salaire pendant cinq ans (-20% pour les pilotes, -10% pour les hôtesses et stewards dès le 1er juillet) ou le licenciement d’un quart des salariés de l’entreprise. Pour faciliter la négociation, la direction a menacé de licencier immédiatement 27 personnes si le syndicat majoritaire de l’entreprise ne s’engageait pas rapidement à accepter des baisses de salaires…

Un gouvernement qui défend les intérêts du patronat

Dans une interview du Figaro datant d’avril dernier, le patron du MEDEF, Geoffroy Roux de Bézieux, avait jugé qu’ « il (faudrait) bien se poser tôt ou tard la question du temps de travail, des jours fériés et des congés payés pour accompagner la reprise économique et faciliter, en travaillant un peu plus, la création de croissance supplémentaire. […] Car l’important, c’est de remettre la machine économique en marche et de reproduire de la richesse en masse, pour tenter d’effacer, dès 2021, les pertes de croissance de 2020, évaluées à 8% du PIB français  ».

Un discours proche de celui du gouvernement aujourd’hui. Pourtant le chantage de Ryanair a été dénoncé par Muriel Pénicaud sur BFM Business : « Les accords de performance collective [ont été mis en place] dans un esprit qui n’est pas du tout celui qu’utilise Ryanair ». Mais, trois jours plus tard, cette dernière continue d’inciter les entreprises à pratiquer ce chantage légal : «  Moi j’ai un appel aux entreprises. On va être dans une situation difficile économiquement, donc il y a un risque sur l’emploi. Mais il y a des alternatives [aux plans de licenciements massifs]. J’appelle les entreprises en difficulté à négocier des Accords de performance collective ». De la même manière que Bruno le Maire n’approuve pas les pratiques de Ryanair tout en affirmant qu’il est « souhaitable qu’il y ait des accords d’entreprise de longue durée qui permettent de préserver l’emploi ». En somme, ces APC doivent faire fi d’une négociation et non d’un chantage… toute une gymnastique… linguistique.

C’est en fait la lutte des classes qui se joue sous nos yeux. Le travailleur est la variable d’ajustement pour les capitalistes qui ne doivent pas ressentir les turbulences de la crise économique sur leur portemonnaie pourtant bien rempli.

Les APC : reculer sur ses acquis aujourd’hui pour se faire licencier demain

La ministre du travail Muriel Pénicaud affirme que ces mesures de flexibilité que permettent les APC ne sont là que pour faire face à la menace de licenciements massifs. Pourtant dans un entretien pour Info Social elle dit ne pas pouvoir « affirmer qu’il n’y aurait pas de licenciements dans les entreprises en difficulté ».

Et elle a bien raison. L’exemple de la crise de 2008 est significatif. Ainsi, en 2007, les employés de l’entreprise Continental ont accepté par référendum de revenir au 40 heures semaine sans augmentation de salaire, dans la même logique que les APC. Ceci grâce à une négociation (ou « propagande » selon les termes des salariés) pour soutenir l’entreprise et ne pas perdre leur emploi. Pourtant, trois années plus tard, le site de Clairoix a fermé, laissant 775 salariés sans emploi et ce alors que les salariés ont finalement réussi à prouver aux Prud’hommes que la fermeture de l’usine avait eu lieu non pour motif économique mais selon une stratégie de « délocalisation vers les pays low-cost »...

Le mythe selon lequel : « si tout le monde fait des efforts, in fine, tout le monde sera récompensé » perd de sa superbe.

Interdiction des licenciements et partage du temps de travail

On voit ainsi avec la généralisation des APC comment le patronat, entreprise par entreprise, fait payer la crise aux travailleurs afin de conserver ses profits et les marges des actionnaires en temps de crise, sur le dos de nos acquis sociaux.

Nous ne pouvons avoir aucune confiance dans les entreprises pour garantir le bien être des travailleurs. Encore une fois, c’est la lutte des classes qui se joue sous nos yeux. Il s’agit pour nous de nous battre pour la conservation de nos acquis sociaux immédiats et d’instituer un rapport de force collectif pour l’interdiction des licenciements et le partage du temps de travail.

Dans la logique de la lutte instituée par les salariés de Derichebourg, nous ne devons accepter ni la peste ni le choléra. Comme l’exprimait un travailleur lors du rassemblement : « si on accepte l’APC et la destruction de nos acquis on ne pourra jamais s’opposer aux licenciements. Si l’APC est approuvé, le PSE va passer comme une lettre à la poste ».

 
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