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6 de mai de 2020 Twitter Faceboock

Nos vies, pas leurs profits
Augmentation du temps de travail : un think tank proche de Macron recommande de nouvelles attaques
Philomène Rozan

Une note de l’Institut Montaigne, think tank pro-patronal, propose d’augmenter le temps de travail, de verser le paiement des heures supplémentaires des années après leur exécution et s’en prend également au public avec promesse de précarisation et suppression de RTT. Un révélateur des projets du patronat français, de la part d’un organisme proche de Macron.

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Crédits : THOMAS SAMSON/AFP

Ce mercredi 6 mai, l’Institut Montaigne a publié une note intitulée « Rebondir face au Covid-19 : l’enjeu du temps de travail ». Celle-ci s’inscrit dans la droite lignée des demandes de Geoffroy de Roux de Bézieux, président du Medef, qui disait il y a moins d’un mois vouloir poser la question « du temps de travail, des jours fériés et des congés payés ». En ce sens, la note « plaide en faveur d’un soutien aux entreprises qui souhaitent accroître le temps de travail, sans sacrifier la question de sa rémunération ».

Rédigée par Bertrand Martinot, la note énumère neuf propositions. La première s’intitule « Assouplir quelques verrous juridiques ». Derrière cette formule légère se cachent des attaques importantes contre le droit du travail. L’auteur s’en prend au temps de travail et il s’y attaque par plusieurs biais. En proposant déjà de toucher aux temps et aux moments de repos : il voudrait ainsi « permettre de déroger au temps de repos minimum quotidien de 11 heures minimum par jour dans le cadre d’un accord sur le droit à la déconnexion ». Alors même que le droit à la déconnexion prend une importance capitale pour tous ceux qui se sont retrouvés en télétravail, du fait du confinement, dont les employeurs profitent pour augmenter la durée de travail journalière réelle.

L’auteur s’en prend également aux RTT (Réduction du Temps de Travail), et propose de rendre temporairement obligatoire le rachat de RTT sur demande de l’employeur, et ce sans aucune majoration. Une attaque qui fait écho et suite, aux mesures anti-sociales de l’état d’urgence sanitaire, qui a permis d’imposer des jours de RTT aux employés confinés, mesure qui a servi à de nombreuses entreprises. A la SNCF, par exemple l’entreprise en a profité pour imposer 5 jours de RTT à tous ses employés.

Des heures supplémentaires payées plusieurs années après ?

L’auteur propose également d’accroître le « temps de travail sans pour autant que la rémunération supplémentaire correspondante ne soit versée immédiatement par les entreprises ». Il propose ainsi de repousser le versement à l’année suivant ou même plusieurs années après « si l’entreprise ne renoue pas immédiatement avec les bénéfices ». Il suggère aussi qu’au lieu de payer immédiatement les heures supplémentaires des salariés, celles-ci pourraient leur permettre de prendre des congés longue durée ou de partir plus tôt à la retraite. En obligeant à travailler plus sans compensation immédiate, et en repoussant le paiement des heures supplémentaires à un futur hypothétique, il entend ainsi préserver les bénéfices des entreprises sur le dos des salariés.

Les fonctionnaires dans le viseur

Le service public est également concerné par la note. Pour accroître le temps de travail, l’auteur de la note propose notamment de supprimer un jour férié : le jeudi de l’ascension, en profitant pour faire sauter le « pont ». Il indique à ce titre : « Bien entendu, les écoles ouvriraient ce jour-là. ». Il propose également de supprimer une semaine de vacances à la Toussaint pour « rattraper » le temps « perdu » pendant le confinement.

L’idée de « supprimer une dizaine de jours de RTT pour les cadres de la fonction publique, sans compensation salariale obligatoire. » est également évoquée. Au nom d’une plus grande efficacité, Bertrand Martinot souhaite également augmenter la part de catégories éligibles au forfait jour dans la fonction publique. Une promesse de précarisation importante.

Derrière cette note : le patronat français proche d’Emmanuel Macron

Si cette note a un intérêt, et a été largement relayée, c’est que l’institut Montaigne n’est pas n’importe quel think tank. Son créateur n’est autre que Claude Bébéar, qui a été pendant plus d’une vingtaine d’années à la tête d’Axa. Et Bébéar n’est pas la seule figure du patronat français dans le comité directeur de l’institut : on y retrouve l’actuel PDG de La Poste, Philippe Whal, la directrice générale adjointe de Dassault Système, Florence Verzelan et le vice-président de l’Institut n’est autre que Jean-Dominique Senard, le Président de Renault. Mais la liste ne s’arrête pas là, d’autres patrons y côtoient une ancienne ministre de la culture, Fleur Pellerin, ou encore une directrice de BNP Paribas.

Derrière cette note et ces propositions d’attaques contre le code du travail, ce sont les aspirations de toute une frange du patronat que l’on retrouve. Et c’est un secteur proche de Macron qui se rejoint au sein de l’Institut, comme le note Libération qui affirmait en 2017 que le directeur de l’Institut Montaigne était pressenti pour devenir ministre de Macron ! : « Au jeu des pronostics politiques, Laurent Bigorgne [l’actuel directeur de l’Institut Montaigne] était bien coté pour devenir ministre. [...] Pendant la campagne, il a discrètement modelé une partie du programme de son « ami » Emmanuel Macron en jonglant pendant plusieurs mois entre un rôle de conseiller officieux et son poste à « Montaigne ».  ». L’association de LREM était même hébergée à son domicile comme l’a révélé Médiapart.

Si pour l’instant le gouvernement botte en touche, avec Muriel Pénicaud qui réagissait ce matin à la note en disant que la « priorité c’est l’emploi », ce texte, dans la continuité des demandes du Medef, rappelle que le plan du patronat est de faire payer la crise aux travailleurs, et qu’il réfléchit en ce moment à comment préserver les bénéfices et casser le code du travail en conséquence. Car si la note reconnaît le « cadre légal actuel qui permet déjà de nombreuses souplesses qui vont être très utiles en phase de redémarrage » l’auteur n’entend pas s’arrêter là et appelle à « tirer les enseignements des mesures mises en place au cours de la période de crise sanitaire et économique. ». Une volonté explicite de pérenniser les attaques contenues dans la loi d’urgence sanitaire et de les élargir.

A l’inverse de cette logique pro-patronale, les travailleurs doivent lutter pour l’abrogation des ordonnances qui prévoient la semaine travail de 60 h et la journée de 15 h, qui remettent en cause le repos dominical et les congés payés ! Contre la volonté de faire payer la crise aux travailleurs, et alors que le chômage est en pleine augmentation avec la crise économique, c’est la répartition et la réduction du temps de travail entre tous qu’il faut revendiquer, et le tout sans perte de salaire. Un projet antagonique à celui du patronat, qu’il faudra imposer par la lutte.

 
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