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La Izquierda Diario
15 de avril de 2020 Twitter Faceboock

CHRONIQUE D’UNE SORTIE DE CONFINEMENT ANNONCEE
Déconfinement sans garantie sanitaire : Un objectif clair, la reprise de l’activité au profit des patrons
Claude Manor

Durant un discours de 25 minutes, Macron a noyé dans un mélange d’empathie et de reconnaissance affichée une information très limitée sur la stratégie de déconfinement de l’exécutif. Au total, pas de garanties sanitaires et sociales tangibles, mais des cadeaux de plus en plus gras aux patrons.

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Crédits : Ludovic Marin / AFP

Le 11 mai point de bascule ; jusque-là un confinement qui dure…

C’est annoncé, le 11 mai sera la date de basculement vers la porte de sortie du confinement. C’est à la fois très loin et très proche. Très loin pour une population qui n’en peut plus des dégâts psychologiques sociaux et financiers qui se font sentir un peu plus chaque jour, et très près si l’on considère, avec les experts scientifiques, que c’est un temps très compté pour pouvoir préparer une sortie dans de bonnes conditions sanitaires et sociales, compte tenu du retard accumulé.

Le hic, c’est que le discours de Macron, en dehors d’un effet d’annonce qui a pu produire un certain soulagement de la population et d’une flagornerie à l’égard des professionnels de première ligne qu’il n’avait pourtant pas hésité à réprimer quelques semaines auparavant, ne propose aucune perspective concrète pour apporter un soulagement immédiat et maîtriser l’avenir. Avant le 11 mai, ce sera comme maintenant et peut-être pire, le 11 mai, ce sera le point de bascule avec l’ouverture des écoles pour permettre le retour à l’activité « progressif ». En somme, « business as usual », dans une incertitude sanitaire et une improvisation qui laissent pantois.

Pour l’heure, c’est le confinement et les règles imposées à coup de décrets et d’ordonnances qui prévalent. Même s’il a fait mine d’empathie à l’égard de ceux qui souffrent, Macron a réalisé une impasse prudente sur, l’isolement des personnes âgées, la recrudescence des violences familiales, la précarité qui s’installe, les situations financières dramatiques dans lesquelles se trouvent les plus précaires acculés par les banques et commençant à ne plus manger à leur faim, les inégalités sociales qui explosent chez les jeunes élèves mais aussi chez les étudiants face aux études à distance, à l’exiguité des logements et à la disparition des ressources. Et que dire des migrants ou des sans logis…

Face à ces drames concrets, un silence assourdissant. Macron abandonne même l’empathie pour ressortir, de manière à peine dissimulée, sa tendance policière et bonapartiste à gérer la crise sanitaire comme le reste des crises sociales. S’il a remercié la « discipline » de ses concitoyens, c’est pour préciser que c’est « grâce à la vigilance de nos policiers et de nos gendarmes ». En d’autres termes, « j’ai bien raison de recourir à la coercition ». Il réaffirme d’ailleurs son intention en ces termes : « les règles ne devront être ni renforcées, ni allégées, mais appliquées ». Même s’il a la prudence de ne pas mettre en avant le « tracking » et la géolocalisation dont il confiera le soin à l’assemblée, il est clair que sa logique reste celle de l’autoritarisme et du flicage. Un choix politique aux antipodes de ce que suggèrent de nombreux spécialistes qui préconisent une réponse sanitaire capable de combattre l’épidémie : généraliser les tests, y compris chez les personnes asymptomatiques, pour isoler et traquer le virus et briser les chaînes de contamination. Ce à quoi, bien entendu, Macron ne veut pas s’engager préférant se limiter à envisager de tester ceux qui ont des symptômes et, pour le reste, s’en remettre à la coercition policière et aux sanctions.

La sortie de confinement, une réponse aux appels du pied du Medef

En fait, même s’il est très court et noyé au centre du discours, le message essentiel c’est celui que Macron adresse aux patrons, en réponse directe au message qui avait été lancé il y a quelques jours à peine, par le président du Medef, revendiquant la reprise immédiate des activités sous peine de catastrophe économique –entendez de perte préjudiciable de profits – et la nécessité d’un retour rapide au « business as usual ». Macron indique qu’il a reçu le signal 5/5, en affirmant que « les secteurs économiques doivent pouvoir produire ». Le 11 mai, c’est la date au plus tôt qu’il a pu trouver, sans soulever un tollé chez les soignants, face à un grand patronat qui piaffe d’impatience et qui a déjà imaginé comment récupérer la mise en déréglementant la durée du travail jusqu’à 60 heures par semaine et en prenant sur les congés payés… Une mesure sans limite de date qui n’est ni plus ni moins qu’une traite sur l’avenir. Pour couronner le tout, il a annoncé de nouveaux subsides de l’Etat pour permettre la relance de la machine.

Il est d’ailleurs intéressant de constater que la première démarche de sortie du confinement annoncée par Macron, dans la perspective de « progressivité » qu’il met en avant, c’est la réouverture des écoles, collèges et lycées, mais pas de l’université.. Comment ne pas voir dans cette priorité, qui aurait de toute évidence pu attendre le mois de septembre, un lien évident avec la remise au travail des parents « dans tous les secteurs économiques ». Quitte à en faire subir les conséquences aux enseignants, aux élèves et à leur environnement, en raison des interactions sociales que génère l’activité scolaire. Les enseignants et les parents d’élèves ne s’y sont d’ailleurs pas trompés et commencent déjà à réagir tandis que Blanquer a dû monter très vite au créneau pour nuancer et réajuster l’imprudente affirmation péremptoire du président.

Déconfinement sans mesures d’accompagnement, c’est pain béni pour le coronavirus

Une stratégie de déconfinement progressive, c’est effectivement ce que préconise l’équipe de Vittoria Colizza (Institut Pierre Louis d’épidémiologie et de santé publique, Inserm et Médecine Sorbonne Université) qui a rendu dimanche dernier une étude approfondie réalisée sur l’Ile de France. Sauf que la progressivité telle qu’elle la préconise n’est pas du tout celle que nous annonce Macron.
Cette étude démontre notamment que le taux d’immunité de groupe qui, pour laisser envisager une décrue naturelle de l’épidémie, devrait atteindre au minimum 60 % de la population, n’est actuellement que de l’ordre de 3 %. Même s’il progresse, Il ne sera évidemment pas suffisant à la date du 11 mai. Dès lors, sortir du confinement sans une progressivité maîtrisée et des mesures d’accompagnement intensives serait courir le risque quasi certain d’un nouveau pic dramatique de l’épidémie. A titre indicatif, il est précisé que le besoin de lits de réanimation serait alors de l’ordre de 40 fois supérieur à l’existant, en Ile de France.

La principale hypothèse, en quelque sorte médiane en termes de progressivité, présentée par l’étude serait la suivante : maintien du télétravail à 50 %, stop à 50 % des productions non essentielles, maintien de la fermeture des écoles et du confinement des personnes âgées. Sur un mois cela permettrait une diminution de 80% du risque de propagation. On imagine ce que ce pourrait être si on stoppait à 100% les productions non essentielles, comme le préconise notre campagne.
Mais ce n’est évidemment pas ce que nous propose le scénario présenté par Macron qui rouvre en priorité les écoles et autorise le libre retour à toutes les activités industrielles - pour celles qui sont effectivement aujourd’hui à l’arrêt, ce qui est loin d’être le cas dans des secteurs à concentration ouvrière importante, comme par exemple l’aéronautique - ainsi que les activités commerciales, à l’exception des restaurants et lieux de loisirs, faisant passer de toute évidence les intérêts capitalistes avant la santé publique.

Quant aux moyens qui accompagneraient cette démarche, aucune garantie sérieuse n’est donnée. L’étude citée insiste pourtant sur la nécessité d’accompagner le déconfinement progressif, par des tests à grande échelle pour isoler les personnes contaminées en réquisitionnant notamment les hôtels. Comme le relaie France Inter, sur la base de l’étude de l’Inserm « seule une recherche intensive des porteurs du virus, la mise en place de tests et le placement en isolement des personnes contaminées permettront de relâcher un peu les mesures de confinement. » Une idée que l’actuel directeur général de la Santé, Jérôme Salomon, a battue en brèche en affirmant, en écho au discours de Macron, que ce n’est « pas un besoin particulier. » Autre nécessité absolue, la mise à disposition des hôpitaux et de la population de tous les stocks nécessaires en termes de masques, blouses gels, matériel respiratoire etc…. Là-dessus des promesses et des conseils de bidouille avec des annonces de chiffres dérisoires.

Sortie de déconfinement oui, mais à quelles conditions

Macron n’a apporté aucune réponse sérieuse sur les questions que la population se pose pour l’avenir. Certes, il n’est pas devin et ne peut prévoir les rythmes de la pandémie mais il est comptable de ce qu’il met en œuvre pour son éradication. Or, là-dessus il promet simplement des points réguliers et se contente d’assurer que tout sera fait et qu’on finira par gagner.

Sur les vaccins et traitements, on parle de plusieurs mois avant des solutions efficaces, mais il se contente de dire que tout est à l’étude et qu’on s’y emploie. Quelles mesures compte-t-il prendre pour mettre l’ensemble de l’activité de recherche, et l’appareil productif au service de la résolution de la crise sanitaire ? Qu’attend-il pour accélérer les processus de production et réquisitionner, contrôler, forcer les labos privés à la coopération, interdire la surenchère mercantile ?
Sur la production de masques de qualité, dont les besoins sont incalculablement plus élevés que ce qu’il annonce, a-t-il autre chose à nous proposer que la bidouille du « do it yourself » et du recours aux bonnes volontés, au lieu de réquisitionner et contraindre à la reconversion toutes les usines qui seraient capables d’en produire ? Il en va de même pour les blouses, les gels, le matériel médical etc….

Ce dont nous avons besoin c’est d’une économie entièrement orientée vers la sauvegarde sociale et sanitaire de la population. Le mot d’ordre de « Stop aux productions non essentielles » sera plus que jamais fondamental au moment de la sortie de confinement.

Le retour au travail ne devrait se faire que pour des productions essentielles, et sous contrôle des travailleurs. Des comités d’hygiène et de sécurité devront être en place, composés de délégués élus et dotés des pleins pouvoirs pour mettre en place les conditions de protection des travailleurs et stopper si nécessaire l’activité, en cas de reconstitution d’un foyer épidémique. Loin de produire à marche forcée pour reconstituer les réserves et les dividendes des patrons, ils veilleront au contraire à diminuer et réorganiser les horaires, à faire appel aux chômeurs.

Quant à celles et ceux qui devront rester confinés, car il en demeurera pendant un moment, quelles propositions d’hébergement décent, quelles allocations de subsistance propose-t-il ? Rien… Il faudra pourtant y pourvoir.

La sortie de confinement dont nous avons besoin est aux antipodes de ce que Macron annonce et surtout de ce qu’il tait. En fidèle soutien du Medef, il nous livrera, le 11 mai comme depuis le début, à l’improvisation et à un risque sanitaire qui pourrait s’aggraver au lieu de disparaître.

 
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