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La Izquierda Diario
9 de avril de 2020 Twitter Faceboock

Exploitation dans les bagnes modernes
Coronavirus, les détenus payés 6 euros l’heure pour produire des masques
Antonio Davaï

Alors que la France comptabilise près de 11.000 décès des suites du coronavirus et de la gestion catastrophique de la crise sanitaire par le gouvernement Macron, Albin Heuman directeur de l’Agence du travail d’intérêt général et de l’insertion professionnelle des personnes placées sous les mains de la justice se targue de l’exploitation massive des détenus, mobilisés pour confectionner des masques, en étant payés 6 euros de l’heure. L’objectif d’Albin Heuman étant d’atteindre la production de 6.000 masques par jours.

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Crédits photo : AFP/Carlo Hermann

Vous n’êtes pas sans savoir que le ministre de la santé, Olivier Veran, a déclaré il y a quelques jours que le pic épidémique ne serait toujours pas atteint. Pourtant, et ce alors que le nombre de décès s’élève à plus de 11 000, aucune mesure sanitaire, massive et cohérente n’est mise en place. Parmi les plus exposés au virus : les salarié.e.s envoyé.e.s au charbon sans protection dans les secteurs en premières lignes mais également dans les secteurs non-essentiels de la production, ainsi que les personnes sans domicile fixe et les 70.000 détenus parqués dans les 187 établissements pénitentiaires répartis sur le territoire.

À l’intérieur des geôles de l’État Français ayant la triste attribution d’une surpopulation carcérale d’environs 120%, ce sont des femmes et des hommes qui sont exposé.e.s dangereusement et quotidiennement au Coronavirus. Les conditions de vies et sanitaires effroyables maintes fois pointées du doigt par les instances internationales sont en hausses à l’heure du confinement et cela aggrave la situation des détenues qui tentent de survivre chaque jours dans ces bagnes modernes.

Il est dès lors important de rappeler qu’en cette période de crise sanitaire, le nombre de prévenus incarcérés en attente de procès s’élève à 21.000 personnes, exposés dangereusement au Covid-19.

« Ils veulent contribuer à l’effort collectif » écrit Laure Debeaulieu dans son article sur Franceinfo, et fait le choix d’organiser celui-ci en un tryptique illustrant une capacité à nier la politique de mise en danger et d’exploitation des détenus avec une plume tout au mieux « maladroite » : « Une mesure exemplaire du système carcéral », suivi d’une touche de « plus de volontaire que de poste » et d’une conclusion effarante sur « le sens de la peine ». Quand bien même il serait inutile de le rappeler : nous ne rédigeons et nous ne nous situons pas du même côté de la barricade.

À ce jour, ce n’est pas moins de 140 prisons qui confectionnent des masques. Un engouement compréhensible quant à la rentabilité de la main d’œuvre que représente les personnes en détentions. L’Agence du travail d’intérêt général assure d’ailleurs les accords de partenariats avec les industriels et les établissements pénitenciers.

Pour produire ces masques, des ateliers flambants neufs sont construits dans certaines prisons, témoignant par là de l’intérêt économique qu’il y a derrière. A savoir une main d’œuvre moins chère. Durant le confinement, les visites aux parloirs, les activités professionnelles ainsi que les formations sont interdites. Produire des masques est donc la seule « activité professionnelle » autorisée.

Les détenus se retrouvent enfermés dans des cellules dépassant le nombre légal de deux personnes et cela sans protection alors que la frustration qu’engendre la rupture avec les liens familiaux ainsi que l’angoisse face à la maladie et à sa probable propagation à l’intérieur des prisons augmentent de jours en jours. De plus, les détenus n’ont aucun droit de regard sur les avancés de la propagation du virus dans leurs établissements bien souvent insalubres comme à Fresnes, la plus grande prison d’Europe, où les détenus expliquaient qu’en plus de "manger des coups" ils mangeaient parfois des rats. Ces établissements étant dès lors de potentiels foyer d’infections.

Le salaire est donc de six euros de l’heure pour les personnes incarcérées travaillant à la production de masques en tissus, et selon Albin Heuman le directeur de l’Agence du travail d’intérêt général il y aurait « plus de volontaires que de postes proposés » et de toute évidence cela s’encrerait dans "une participation du monde carcéral à la mobilisation nationale étant à la fois une mesure exemplaire et un geste souhaité à la fois par les encadrants mais aussi par les détenus". D’autant plus de mots qu’il n’en faut pour démontrer une méconnaissance de la réalité vécue par les detenus, et laissant croître un mensonge visant à nous laisser penser que les discours d’union sacrée proférés par Macron auraient eu un impact qui se serait propagés à l’intérieur des cages de l’État avec une efficacité fantasmée.

Des déclarations déconnectés du réel dans ces lieux de privations de liberté où ce sont les populations les plus vulnérables et les plus précarisés du système capitaliste qui y sont enfermées. Ce sont celles qui vivent de plein fouet la violence de classe et qui sont les premières à ressentir l’oppression bourgeoise dans leur chair, chaque jours, que ce soit dans la rue ou au travail, quand elles y ont accès. Ce sont dans ces lieux d’enfermements, avec en majorité des personnes précarisées, racisées, issues des quartiers populaires, qu’il y aurait soudainement la volonté commune d’apporter une noble contribution à l’unité nationale dans un élan de solidarité de devenir "bon citoyen" ?

La réalité est tout autre, loin des mensonges du scienpiste Heuman, elle est celle de la survie de ses personnes qui n’ont plus de revenus, qui n’ont aucun autres choix et qui peuvent, à travers ces quelques heures de travail sous-payés, respirer autre chose que l’odeur étouffante de la privation de liberté et de gagner un peu d’argent.

Pour conclure, il est juste de faire remarquer que la plupart des détenus n’ont rien à faire en prison. La majorité des personnes mises dans des cellules sont jugées pour avoir commis des infractions minimes et des vols, du fait bien souvent des conditions de précarité dans lesquelles ils vivent, sans circonstances aggravantes. Il est important de souligner l’oppression systémique qui structure la société et qui conduit à une reproduction exacerbée des violences envers les détenues quelles soient physiques ou psychologiques, allant du "passage à tabac" par les matons, un isolement complètement nu à un viol collectif sur un détenu.

 
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