http://www.revolutionpermanente.fr/ / Voir en ligne
La Izquierda Diario
25 de mars de 2020 Twitter Faceboock

Travailleurs de tous les pays...
Coronavirus : face à la crise et au repli national, l’urgence de l’internationalisme
Giacomo Turci
Josefina L. Martínez

La crise du coronavirus et la récession mondiale aggravent le nationalisme réactionnaire des États impérialistes. L’esprit d"America first" de Donald Trump semble s’être répandu comme un virus. Face à lui, la classe ouvrière mondiale est la seule force sociale qui peut fournir une issue progressiste à cette crise, en réorganisant la production sous le contrôle des travailleurs et derrière les couleurs de l’internationalisme.

Link: https://www.revolutionpermanente.fr/Coronavirus-face-a-la-crise-et-au-repli-national-l-urgence-de-l-internationalisme

Dans le cadre des mesures inédites prises par certains États impérialistes pour gérer la crise du coronavirus - quarantaines imposées à des millions de personnes et militarisation des villes - une autre annonce importante a été faite le 17 mars : l’UE a complètement fermé ses frontières pendant 30 jours. C’était une réaction à ce qui avait déjà commencé à se produire sans aucune coordination ; la fermeture des frontières avait déjà été annoncée unilatéralement par l’Espagne, le Portugal, l’Autriche, la République tchèque, le Danemark, l’Estonie, l’Allemagne, la Hongrie, la Lituanie, la Pologne, la Norvège et la Suisse.

L’espace Schengen de libre circulation entre les pays de l’UE, qui est entré en vigueur en 1995 et qui est resté jusqu’à présent actif en tant que l’un des piliers du projet européen, est désormais dans le coma. Evidemment, rappelons-le, celui-ci avait déjà connu un grave affaiblissement lors de la crise des réfugiés en 2015, lorsque des pays comme l’Autriche ou la Hongrie ont fermé leurs frontières, la xénophobie étant très présente dans la politique officielle d’État.

La crise du coronavirus a exacerbé les réactions nationalistes réactionnaires. Lorsque le virus a été identifié en janvier dans la région chinoise de Wuhan, certains articles de la presse occidentale l’ont stigmatisé comme un "virus chinois" et ont même spéculé sur la façon dont d’autres États pourraient utiliser la crise à leur avantage. "C’est l’effort le plus agressif de l’histoire moderne [des États-Unis] pour lutter contre un virus étranger", a déclaré Donald Trump dans l’un de ses premiers discours sur le Covid-19, reprenant la rhétorique des États-Unis "purs" menacés par l’invasion étrangère - chinoise, musulmane, mexicaine - contre laquelle de nouveaux murs doivent être érigés.

Lorsque la pandémie a éclaté en Italie, la première réaction de l’Allemagne et de la France a été d’interdire aux entreprises de ces mêmes pays d’exporter des fournitures médicales, en spéculant sur la constitution de réserves pour le moment où le virus arriverait. Au plus fort de la crise italienne, il n’y a eu aucun soutien, aucun sommet européen n’a été organisé pour déclarer l’urgence et envoyer massivement des fournitures médicales et du personnel médical. La réponse a été de renforcer les frontières et de garantir la production nationale pour les pays qui étaient presque exempts d’infection à l’époque. En d’autres termes, alors que les frontières restaient ouvertes pour la libre exportation de voitures allemandes et françaises, elles étaient fermées pour l’exportation de matériel médical. Pas même le gouvernement espagnol, aux mains de la coalition du PSOE et Podemos, n’a agi différemment. Pas besoin d’autres exemples pour montrer de nouveau le caractère profondément réactionnaire de l’Union Européenne et du système capitaliste dans son ensemble. Dans le même temps, le maintien par les États impérialistes du blocus de pays comme l’Iran, Cuba ou le Venezuela au milieu de cette catastrophe sociale condamne plus que jamais des peuples entiers à la mort.

À diverses étapes, les chefs de gouvernement d’Italie, de France, d’Espagne, d’Allemagne, se sont exprimés ces derniers jours à travers les médias nationaux en utilisant la métaphore de la guerre contre un "ennemi invisible", la "ville fortifiée" pour prévenir la contagion. Chaque dirigeant a fait appel à l’ "unité nationale" et à l’ "effort de guerre", en essayant d’insuffler un sentiment national, comme si le fait de faire face à l’épidémie suspendait le conflit de classes.

La stratégie de confinement massif des populations sous contrôle policier, associée à la fermeture des frontières, vise à renforcer le sens commun du salut individuel ou le salut des nations les plus fortes contre les plus faibles.

Dans le même temps, les pays impérialistes ont profité de cette crise sanitaire pour protéger leurs frontières contre l’immigration. Ce que Donald Trump ou Salvini ont grotesquement remué et que les dirigeants de l’Union européenne ne pouvaient pas dire à haute voix jusqu’à présent (même si la réalité nous apprend que des milliers de migrants sont entassés dans des camps d’internement aux frontières extérieures, dans des pays comme la Turquie, la Libye ou le Maroc, expulsés expressément et que les lois sur l’immigration sont renforcées), ce discours trouve maintenant une justification solide dans la pandémie.

En fin de compte, la métaphore de la ville fortifiée contre la peste présente le virus comme un ennemi étranger venant nous "envahir". La logique de la peste nous conduit à nous méfier de notre voisin (et à encourager la dénonciation de ceux qui ne "remplissent" pas leur responsabilité sociale), à nous méfier également de l’autre qui vit dans nos maisons et qui peut être le porteur de cet ennemi "extérieur" et invisible qui entre dans notre corps.

Les États-nations et les grandes entreprises : un obstacle insurmontable pour une réponse mondiale à la pandémie et à la crise capitaliste

L’épidémiologiste Peter Piot, l’un des premiers à avoir enquêté sur le virus Ebola, a souligné il y a quelques jours que la pandémie de Covid-19 était combattue à l’aide de méthodes qu’il qualifie de moyen-âgeuses : confinement, isolement et séparation sociale (il a omis de rajouter la militarisation de l’espace public). Une méthode élémentaire pour répondre aux grands fléaux des siècles passés, lorsque le manque d’antibiotiques, de technologie et de recherche scientifique ne laissait pas d’autre choix. Nous pourrions ajouter que cette crise commence également à être combattue avec les méthodes "classiques" du capitalisme du XXe siècle : à côté des mesures qui font payer la crise à la classe ouvrière, telles que les licenciements et les suspensions (congés forcés pendant le confinement, etc.) à grande échelle, il y a une plus grande tension entre les États, le renforcement des frontières, l’intensification du nationalisme impérialiste, les guerres commerciales, et, en perspective, nous ne devons pas exclure d’éventuelles nouvelles guerres.

Dans un article publié il y a quelques jours, Zizek [1] déclare que "l’épidémie de Covid-19 démontre non seulement les limites de la mondialisation des marchés, mais aussi les limites encore plus meurtrières du populisme nationaliste qui insiste sur la pleine souveraineté de l’État". Si la pandémie s’avère être un phénomène mondial, les solutions nationalistes "chacun pour soi" ont pour seul effet de refuser de prendre part à l’endiguement de la contagion au niveau international.

Comment est-il possible qu’au XXIe siècle, des pays comme la France, l’Italie ou l’Espagne manquent de produits de base tels que les masques, les gels hydro-alcooliques ou les respirateurs artificiels, alors qu’il existe des entreprises dans le monde entier qui pourraient produire des millions de ces produits à l’heure actuelle et qu’il existe des réseaux logistiques développés au niveau international qui pourraient approvisionner des nations entières en quelques jours ? La réponse est que la propriété privée et la concurrence entre grandes entreprises, d’une part, et la concurrence entre États, d’autre part, deviennent des obstacles absolus à la résolution de ces questions élémentaires.

"Une des causes fondamentales de la crise de la société bourgeoise est que les forces productives qu’elle a créées ne peuvent plus être conciliées avec les limites de l’Etat-nation", assure Leon Trotsky dans son ouvrage Révolution Permanente.

Parmi les 20 plus grandes multinationales du monde figurent des sociétés pharmaceutiques telles que Johnson & Johnson, Pzifer, Procter & Gamble, Roche et des géants de la logistique comme Amazon, Alibaba et Walmart, qui disposent d’une structure logistique internationale sans précédent pouvant fournir immédiatement des produits dans le monde entier. Amazon a même développé des systèmes de distribution de drones dans des zones difficiles d’accès, mais cette capacité n’est pas mise à disposition pour les besoins sociaux.

Si vous faites l’exercice de comparer le chiffre d’affaires des grandes entreprises et les budgets des États, vous pouvez constater que 69 des 100 entités économiques les plus importantes de la planète sont des entreprises, et que les 25 entreprises ayant le chiffre d’affaires le plus élevé dépassent le PIB de plusieurs pays. En ce moment, certaines de ces entreprises sont en concurrence pour la découverte d’un vaccin contre le Covid-19, ce qui peut être une source de grosses affaires au milieu de cette crise, mais entrave le partage des découvertes et de la recherche qui, si elles étaient publiques et collaboratives, progresseraient beaucoup plus vite.

Un programme pour la classe ouvrière afin de trouver une issue à la crise

La crise sanitaire et ses effets économiques immédiats, avec ses vagues de licenciements, l’effondrement de systèmes de santé entiers, des milliers et des milliers de morts, est une nouvelle confirmation concrète du caractère frauduleux et idéologique des discours de tous les intellectuels néolibéraux, qui parlent du capitalisme comme du meilleur système économique possible, et des démocraties libérales, totalement soumises à la volonté des banquiers et des industriels, comme du plus haut degré de démocratie possible.

La réalité est que les capitalistes et leurs gouvernements dans tous les pays sont incapables de faire face à cette pandémie et à la crise économique mondiale sur le terrain où elle devrait être traitée, c’est-à-dire à l’échelle mondiale. Les impulsions nationalistes et concurrentielles entre les États et les entreprises sont à l’opposé du seul critère qui peut permettre la coopération et l’utilisation efficace des moyens et de l’énergie : la planification sociale des ressources, sous le contrôle démocratique de la classe ouvrière et des secteurs populaires.

Certaines mesures déjà adoptées par les gouvernements, en allant à contre-courant et de manière très partielle, doivent donner quelque chose à ce critère, comme par exemple l’annonce de la centralisation du système de santé publique espagnol entre les mains de l’État, la médicalisation des hôtels et des établissements d’hébergement ou la demande que les entreprises automobiles commencent à produire des respirateurs dans d’autres pays. Ces mesures sont, en un sens, un hommage que la bourgeoisie rend, en temps de crise, à la nécessité d’une planification économique socialiste.

Cependant, il est clair que leur engagement en faveur de la grande propriété et des profits de la petite minorité de personnes ultra-riches empêche la caste politique au pouvoir de suivre cette voie de manière cohérente, comme il serait nécessaire. Ceux qui gouvernent les États aujourd’hui gèrent les intérêts matériels et économiques des capitalistes, ce qui signifie qu’il est impossible de faire face à la crise et d’arrêter le virus rapidement, afin d’éviter que le plus grand nombre de décès possible et des millions de personnes ne tombent dans la misère dans les mois à venir.

Il s’agit plutôt de priorités pour la classe ouvrière, qui continue presque partout à aller travailler, tout en montrant l’importance des positions stratégiques qu’elle occupe dans la société. Non seulement les travailleurs de la santé, mais aussi les dockers, le personnel des compagnies pharmaceutiques, les chauffeurs de camion, les travailleurs des entrepôts logistiques, les caissières des supermarchés, les nettoyeurs, les cueilleurs de fruits et légumes dans les champs et, en général, les bataillons de travailleurs dans tout le secteur agro-industriel, y compris les grandes usines alimentaires, les employés de banque, ceux des compagnies de téléphone et des fournisseurs d’Internet, ainsi que les travailleurs industriels qui pourraient être mis au service de la production de tous les équipements médicaux nécessaires, sont tous des secteurs fondamentaux pour le fonctionnement de l’économie capitaliste, même en période de "quarantaine" généralisée imposée par les États.

C’est pourquoi la seule issue progressive à la crise du coronavirus peut venir de l’action de la classe ouvrière, non seulement à l’échelle nationale, mais aussi à l’échelle internationale. Et pour y parvenir, il faut désormais relancer un programme d’urgence qui permette aux exploités et aux opprimés de ne pas sortir vaincus, dispersés et appauvris de cette crise, mais comme une force active, plus organisée et consciente de sa propre force. En même temps, c’est la classe ouvrière qui est beaucoup plus exposée à la contagion, dans des conditions de travail précaires, avec des systèmes de transport terribles, sans conditions de sécurité et d’hygiène dans les entreprises qui tournent encore.

Face à la catastrophe à laquelle les capitalistes nous ont conduits, il faut montrer que ce sont les travailleurs eux-mêmes qui peuvent prendre toutes les mesures nécessaires : non seulement du point de vue de la garantie du travail, contre les licenciements massifs et pour le maintien des salaires, mais aussi pour fournir des ressources alimentaires et médicales à l’ensemble de la population pauvre - et pas seulement à une minorité riche. Cela ne sera possible que si un contrôle démocratique ascendant des travailleurs peut être imposé sur le lieu de travail afin de sécuriser et de redéployer la production pour répondre aux priorités sociales.

Cette alternative au programme de "business as usual" des capitalistes passe par la nationalisation de secteurs économiques stratégiques dans la production de biens de première nécessité, ainsi que par la nationalisation des banques ou le contrôle du commerce extérieur, afin d’éviter la spéculation avec le commerce de respirateurs ou de remèdes, comme c’est déjà le cas. Mais ces ressources en mains publiques ne peuvent pas rester sous la gestion des mêmes gouvernements et parlements qui ont permis à ce virus de se transformer en une catastrophe mondiale : pour imposer des critères sociaux, de sécurité et de planification générale favorables aux travailleurs, la seule possibilité est de faire contrôler toutes ces ressources par la classe ouvrière et des comités d’usagers.

En particulier, le contrôle des travailleurs de l’industrie pharmaceutique est le seul moyen dont nous disposons pour freiner le désir de ces multinationales et de ces puissances rivales, à commencer par la Chine, les États-Unis et l’Allemagne, de profiter du futur vaccin, ou de maintenir le privilège d’un accès au vaccin limité à leur propre pays avant tout le monde.

Ce processus, contrairement à la façon dont les gouvernements et les capitalistes mettent en œuvre leurs politiques, nécessitera un degré de coopération internationale qui pourra bénéficier du développement international des forces productives et de la capacité à déplacer les biens et les personnes qui s’est développé au cours des dernières décennies avec l’émergence du marché mondial le plus connecté de l’histoire. La réponse de la classe ouvrière à la crise, qui peut être discutée et mise en œuvre d’abord au niveau d’un hôpital, d’une usine ou d’une entreprise, devra s’étendre à l’arène nationale, et finalement à l’arène internationale, pour laquelle il sera nécessaire de se battre pour des gouvernements des travailleurs.

L’internationalisme dont nous avons besoin et qui peut sauver l’humanité n’est pas l’internationalisme des multinationales, qui pousse également à plus de profits, mais aussi le retour du nationalisme réactionnaire des États impérialistes, qui a conduit à deux guerres mondiales au XXe siècle, n’est pas non plus une solution. L’exemple que nous avons à l’esprit, en ces temps de crise, est celui de la fraternité et de la coopération des travailleurs dans tous les pays, de la contagion des processus révolutionnaires et de la construction d’une organisation internationale, la classe ouvrière, un parti mondial pour la révolution socialiste.

Article déjà publié en espagnol dans le magazine en ligne Contrapunto et dans le journal en ligne La Voce delle Lotte

Notes

1. Slavoj Žižek, Global communism or the jungle law, coronavirus forces us to decide, publié sur RT.com.

 
Revolution Permanente
Suivez nous sur les réseaux
/ Révolution Permanente
@RevPermanente
[email protected]
www.revolutionpermanente.com