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La Izquierda Diario
10 de mars de 2020 Twitter Faceboock

Féminisme bourgeois
Violences policières contre la marche féministe : Schiappa se dit choquée mais finit par justifier
Claude Manor

Au lendemain des violences policières du 7 mars au soir, la secrétaire d’Etat à l’égalité homme femme s’empresse d’endosser sa posture féministe et de soutenir le droit des femmes à manifester. Mais, à peine quelques heures plus tard, elle trouve dans le rapport de la préfecture de bonnes raisons pour justifier la répression et rendre responsables ces manifestantes qu’elle disait soutenir… Qu’en est-il réellement du féminisme de Marlène Schiappa ?

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Crédits photos (AFP)

Féminisme : un étendard qui sert opportunément de couverture

Marlène Schiappa a fait de la défense des droits des femmes sa marque de fabrique et l’enseigne de son secrétariat d’Etat auquel elle prétend donner une coloration « de gauche ». Mais elle ne peut évidemment échapper à la solidarité avec un gouvernement qui, sur ce terrain comme dans tous les autres, s’avère des plus « droitiers ».

Que le gouvernement soit amené à prendre de plein fouet une manifestation féministe qui, même si la date est rituelle, n’a rien de « plan-plan » et met en avant des dénonciations et des revendications d’une brûlante actualité politique et sociale, c’est évidemment une épreuve délicate pour la secrétaire d’Etat. Que vers 23 heures, place de la République à Paris, les choses tournent à la répression et que les violences policières donnent libre cours aux charges, bousculades, matraquages et gaz lacrymogènes, n’est évidemment pas fait pour lui faciliter la tâche.

D’où la réaction, mi- chèvre mi-chou, qu’elle n’a pu éviter d’exprimer, dès le lendemain matin sur son compte twitter. Contrainte par son aura « féministe » de mettre en avant la légitimité des femmes à manifester pour leur droits, elle a pris soin, simultanément, de s’en remettre à l’enquête diligentée par Castaner auprès de la préfecture et de préciser qu’il s’agissait de manifester « pacifiquement » : « Toutes les femmes doivent pouvoir manifester pacifiquement pour faire respecter leurs droits ».« Christophe Castaner a demandé un rapport à la préfecture de police sur ce qui s’est passé en marge de la #marcheféministe » a-t-elle écrit.

Ayant ainsi conforté son image « féministe » tout en veillant à déminer le terrain, elle a pu sans vaciller, lors d’une interview donnée le soir même sur BFMTV après la parution du rapport, désavouer les manifestantes en leur imputant la responsabilité des violences dont elles avaient été victimes. Les arguments avancés valaient d’ailleurs leur pesant de macronisme : le premier consistait à mettre en avant le fait que le trajet officiel de la manif n’avait pas été respecté, alors que c’est, depuis des mois, l’un des litiges qui opposent les manifestants à Castaner et sa police ; quant au second, encore plus politique, il consiste à agiter, sans le dire clairement, le traditionnel épouvantail des « casseurs » justifiant toutes les brutalités policières : le Huffington post relate son argumentation : « mais de quoi parle-t-on ? on parle d’une manifestation de nuit, organisée par des groupes antifascistes, anticapitalistes, féministes qui ont décidé de faire une manif de nuit ». Du pur Macron, Castaner, Lallement et consorts. Voilà les manifestantes de la marche féministe, si légitimes hier dans la défense de leurs droits, opportunément ramenées le lendemain au statut de fauteuses de trouble à l’ordre public. Plus féministe tu meurs !

Macronisme : le vrai fond de la politique Schiappa mis en difficulté

On ne peut s’empêcher de penser qu’en adoptant cette attitude pour se mettre à l’unisson avec Castaner, la secrétaire d’Etat s’est placée dans une mauvaise posture vis à vis d’une opinion publique peu encline actuellement à soutenir Macron et son bras armé. Sa réputation d’authentique féministe risque, cette fois-ci, d’en prendre un sérieux coup et avec elle, un pan entier de la stratégie de Macron.

Car les arguments qu’elle avance, largement éculés depuis près d’un an et demi que durent les mouvements sociaux, n’ont guère de poids face à l’indignation qu’ont suscitée les images de la répression, dans la quasi-totalité de la gauche et auprès de toutes les associations féministes. Anne Cécile Mailfert, présidente de la fondation des femmes ne s’est pas privée d’exprimer dans un tweet toute sa réprobation : « Je suis atterrée de voir que le ministère de l’intérieur a choisi de déployer des moyens pour réprimer les femmes plutôt que de renforcer les moyens de lutte contre les violences machistes ».

Une situation qui ne vient que renforcer le trouble déjà manifeste dans les rangs de LREM, notamment depuis l’utilisation du 49.3. Le député LREM, Aurélien Taché se démarque nettement en déclarant : « soutien aux manifestant.e.s de la marche féministe. Aux rapports devront cette fois suivre des décisions et des sanctions. ». De quoi aussi faire son miel pour une Anne Hidalgo candidate à sa réélection à Paris et plus largement affaiblir des candidatures LREM déjà chancelantes.

A plus long terme, c’est bien l’image féministe de la secrétaire d’Etat qui risque d’être ébranlée. Ses affirmations et ses actes souvent ambigüs, soufflant tour à tour le chaud et le froid risquent, sous ce nouvel éclairage, de laisser apparaître la réalité du « féminisme » selon une Schiappa avant tout fidèle aux choix politiques du macronisme. Qu’il s’agisse du soutien qu’elle a apporté au racisme d’Etat en proposant d’expulser les citoyens étrangers coupables de violences faites aux femmes et en déclarant : « J’insisterais plus particulièrement sur une mesure : nous allons désormais expulser les citoyens étrangers condamnés pour violences sexistes ou sexuelles. » Qu’il s’agisse tout récemment de sa position vis-à-vis de la réforme des retraites qu’elle a présentée comme un bienfait pour les femmes qui seraient rendues à l’égalité des droits grâce au « système universel », mensonge qu’elle a dû reconnaître et rattraper face au tollé des femmes, en se lançant dans une défense, certes fondée, mais largement opportuniste des « métiers féminins » à forte pénibilité. On pourrait allonger la liste…

Comment ne pas voir ses contradictions et ses revirements et s’interroger sur un féminisme à géométrie variable dont la boussole demeure le soutien au macronisme et le maintien de l’ordre établi. Une image qui risque d’être difficile à restaurer et une faille supplémentaire dans les rangs du gouvernement.

 
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