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La Izquierda Diario
22 de février de 2020 Twitter Faceboock

Témoignage
Chronique d’une expérience militante : à propos de la lutte pour l’émancipation et les piquets de grève
Izar Beluna

Nous relayons le témoignage d’une étudiante qui a suivi la grève depuis le 5 décembre, sur les piquets et dans les manifestations, aux cotés des grévistes et des militantes de Du Pain et Des Roses.

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J’ai 21 ans, je suis étudiante étrangère en sciences sociales à Paris et je viens de Villanueva de Gállego, un village de la province de Saragosse. Je suis arrivée à Paris il y a deux ans comme fille Au Pair. Mon village m’était trop petit et j’avais besoin de m’ouvrir de nouveaux horizons. Au départ, j’étais venue avec l’idée d’apprendre des nouvelles langues, mais aujourd’hui je me rends compte que je suis allée bien au-delà.

Je considère que j’ai eu beaucoup de chance avec ma famille Au Pair, que je suis un cas exceptionnel. Mon expérience est très différente à celle de la majorité. Le travail des jeunes Au Pair est un type d’exploitation moderne que les agences essayent de masquer derrière l’idée d’un “échange culturel”. C’est grâce à nous -les jeunes qui faisons le travail reproductif, comme par exemple s’occuper des enfants, nettoyer ou cuisiner- que les familles riches peuvent se permettre de vivre leurs vies sans trop de soucis.

J’ai commencé à me politiser à Saragosse avec la lutte féministe et LGTBI+. Grâce à mon expérience dans la grève à Paris, j’ai vu de nombreuses portes s’ouvrir devant moi. Je me suis rendue compte qu’il était possible de renverser le système. Que moi-même je pouvais faire de la politique, que je pouvais m’organiser pour changer le monde, avec d’autres femmes, aux côtés de la classe ouvrière. Avant je pensais que la politique était uniquement affaire des députés de l’Assemblée, aujourd’hui je vois que moi aussi je peux faire de la politique.

J’ai toujours considéré que j’avais une conscience écologiste. J’ai commencé à avoir conscience que la production d’aliments dérivés des animaux avait peu à voir avec la satisfaction des besoins alimentaires. Aujourd’hui, on maltraite des animaux pour produire industriellement et on pollue l’atmosphère et les océans, uniquement pour remplir les poches des grands patrons. Le même système capitaliste qui exploite à la majorité de la population et qui promet à la jeunesse un avenir de chômage, incertitude et précarité, c’est le système qui aujourd’hui brûle les forêts, comme celles de l’Amazonie ou de l’Australie.

Une jeune militante féministe mobilisée contre la réforme des retraites

Alors que Paris se trouvait paralysée et vu qu’aucun moyen de transport ne circulait, j’ai déménagé temporairement chez une camarade qui habitait près du piquet dans lequel on intervenait. Pendant des semaines, on allait au centre de bus de Flandre, dans la ville de Pantin en banlieue parisienne. Dès cinq heures du matin on allait soutenir les travailleurs et travailleuses en grève contre la réforme des retraites. Avec d’autres étudiants et professeurs, on bloquait la sortie des bus sous la pluie et le froid parisien, on aidait l’alimentation des caisses de grève et on donnait un coup de main dans l’organisation de fêtes de soutien ou d’actions pour fortifier et étendre la grève. Au bout de quelques jours on était déjà devenus une grande famille de camarades, unis par la lutte.

C’est aussi dans cette mobilisation que j’ai vécu pour la première fois la répression policière, dans les piquets et les manifestations. Les gaz lacrymogènes envahissaient les trajets des manifestations. Chaque matin, plusieurs rangées de fourgons de CRS nous attendaient à l’entrée du centre bus. C’est cette même police qui nous a gazé aux portes de notre fac quand on voulait faire entrer des camarades grévistes dans notre Assemblée Générale ; la même que la secrétaire d’État Marlène Schiappa veut former pour faire face aux cas de violences faites aux femmes ; la même qui en fin de comptes ferme les yeux face aux féminicides et les agressions sexuelles.

Ils ont accusé les grévistes d’homophobes pour essayer de discréditer leur bataille. Suite à cela, différents militants LGTBI+ sont venus au piquet de Flandre, pour démontrer que les grévistes, loin d’être nos ennemis “homophobes", sont en réalité nos camarades de lutte. Personnellement, je trouve difficile, voire impossible, de vivre en totale liberté mon identité sexuelle dans le cadre imposé par le système capitaliste et patriarcal. C’est pour cela que ma lutte pour les droits des personnes LGTBI+ est aussi une lutte anticapitaliste.

Travailleur.euse.s et grévistes, protagonistes de ce 8 mars

Lors de la manifestation à Paris du jeudi 6 février, en tête du cortège jeune, on a tenu une grande banderole qui portait le slogan : “violences sexistes et sociales, même combat contre le capital”. En tant qu’étudiante, je fais partie de cette génération à qui on n’offre qu’un avenir de chômage et de précarité. La lutte contre toutes les attaques sociales imposées par le néolibéralisme, et qui touchent de manière particulièrement violente ma génération et les femmes, fait partie de la lutte féministe. C’est le même capitalisme patriarcal qui me condamne au chômage et à l’exploitation, celui qui m’interdit de vivre librement ma sexualité, ou qui est complice des féminicides continuels, des morts quotidiennes provoquées par les avortements clandestins. Avec les camarades Du Pain et Des Roses on est intervenues dans les piquets, puisqu’on pense que la lutte pour la pleine et totale émancipation des femmes se mène aux côtés de la classe ouvrière, avec ces guerrières et guerriers qui ont sacrifié 2 mois de salaire afin de lutter pour une retraite digne pour toutes et tous, et par conséquent, pour un avenir meilleur pour les jeunes générations.

Ce 8 mars, je sortirai dans la rue avec ces guerrières et guerriers pour exiger le retrait total de la réforme des retraites, mais aussi pour continuer à lutter afin d’arracher tous nos droits et finir avec le gouvernement Macron et le monde qu’il nous impose. Je vais sortir dans la rue pour que la lutte des femmes qui a fait trembler le monde ces dernières années -particulièrement en Amérique Latine et dans l’État Espagnol- s’unisse et se soude à la lutte des travailleurs français qui a fait trembler le gouvernement de Macron. La force des femmes en lutte est indestructible, notre génération a la tâche de tout renverser, et c’est pour ça que je vais lutter.

Crédits photo : Teresa Suarez

 
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