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La Izquierda Diario
17 de février de 2020 Twitter Faceboock

17 février. Une "journée noire" en demi-teinte : construisons un vrai plan de bataille pour gagner
Damien Bernard

Il ne faut pas se mentir : ce 17 février n’a pas été une « journée morte ». Si les grands médias, toujours au chevet du gouvernement, cherchent à tirer les conclusions de l’essoufflement de la combativité à la RATP, cela ne correspond en rien à l’esprit qui règne chez les grévistes. Comment donc lire cette journée qui résonne en demi-teinte ? Pourquoi cette journée n’a-t-elle pas eu de caractère interprofessionnel ? Qui sont les responsables ?

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Pour marquer le coup, au moment où démarre la présentation du projet de réforme des retraites, la majorité des syndicats de la RATP a appelé à une grève de 24 heures, ce 17 février, annonçant un « lundi noir ».

Une journée qui se voulait à l’image de la grève ultra-massive du 13 septembre pour envoyer un signal fort au gouvernement qui cherche à faire passer sa réforme aux forceps, y compris au sein de l’Assemblée Nationale, bien que la majorité de la population y soit opposée.

Une journée de mobilisation qui se voulait marquer un temps fort, d’abord devant la maison de la RATP, puis par une manifestation à l’appel de la "Coordination nationale des AG interpro" en direction de l’Assemblée Nationale où siègent les députés qui examinent le projet de loi. En début de soirée, sur initiative de parlementaires de la France Insoumise, un rassemblement et une prise de parole se sont tenus avec un certains nombre de personnalités politiques et d’intellectuels, du monde de la culture, des grévistes, des gilets jaunes.

Le « lundi noir » n’aura pas eu lieu

Mais force est de constater qu’aussi bien la grève à la RATP que la manifestation contre la réforme des retraites n’ont pu avoir de rôle autre que symbolique ce 17 février. Ainsi, les perturbations du trafic n’ont été que relatives, et ce sur un peu moins de la moitié des lignes.

Dans le détail, 1 métro sur 2 sur la ligne 12, 2 trains sur 3 sur les lignes 2 et 4. Près de 1 train sur 4 le matin, 1 sur 3 l’après-midi sur la ligne 5, avec de fortes perturbations le soir, le dernier métro circulant à 21h. Environs 3 trains sur 4 ont circulé sur les lignes 7, 8 et 13 du métro. Des perturbations, certes, mais rien de comparable à chacune des 50 journées de grève reconductible qui ont ponctué les mois de décembre et janvier.

Comment donc expliquer cette journée « morte » en demi-teinte ? Tout d’abord il faut préciser que loin de la version médiatique, le taux de gréviste dans le métro n’a pas été non plus négligeable ce 17 février : il serait de 35% selon FO-RATP.

Une mobilisation cependant loin d’être comparable avec les taux de grève même les plus bas (60%) de la séquence de grève reconductible. Ensuite, il faut rappeler que, pour la première fois depuis le 5 décembre, l’unité syndicale imposée sous pression de la base a été brisée, sur fond de concurrence. Ainsi qu’en aurait-il été de ce 17 février si la CGT, 2ème syndicat à la RATP, avait appelé à faire grève massivement ? 

Qui sont les vrais responsables ?

S’il n’y a pas de réponse évidente, il n’est pas exclu que la journée du 17 février aurait pu prendre un autre contenu, un contenu qui plus est interprofessionnel, si l’intersyndicale avait appelé à une journée de grève nationale interprofessionnelle le 17 février, qui n’est autre que la première journée de présentation du projet de loi à l’Assemblée Nationale.

C’est tout le contraire qu’elle a fait, en appelant à une journée de grève nationale interprofessionnelle le 20 février, journée qui ne correspond à rien. Qui divise donc les dates ?

Pour certains militants de la CGT-RATP, la décision n’est pas forcément comprise. « C’est une connerie de ne pas appeler aujourd’hui, même s’il s’agissait d’un appel unilatéral, et corpo de l’UNSA, les autres syndicats auraient dû s’y joindre », exprime un militant de la CGT-RATP, présent lors de la manifestation en direction de l’Assemblée Nationale. Gaël Quirante, militant au NPA et à Sud Poste 92, explique être « très surpris que l’intersyndicale n’appelle pas à manifester ce lundi ».

L’échec de cette « journée morte » c’est donc avant tout le résultat des divisions opérées par l’intersyndicale et au premier titre par la direction de la CGT qui continue dans sa stratégie saute-mouton sans plus chercher à construire de nouveau la grève majoritaire reconductible, seule à même de faire reculer Macron. 

Mais si l’initiative de cet appel au 17 février avait un sens progressiste, il faut aussi remarquer que la majorité des syndicats RATP qui ont appelé à la grève le 17 février, au premier titre l’UNSA, n’ont pas non plus fait une très grande démonstration sur ce qui relevait de leur responsabilité ce 17 février. Ainsi, le rassemblement à portée soi-disant nationale à la maison de la RATP a non seulement rassemblé peu de grévistes mais n’a pas plus réussi à entraîner les autres.

De même, un certain nombre de sections UNSA, notamment les commerciaux, ont appelé au 17 février moyennant des revendications corporatistes loin de tout ce qui a été exprimé pendant plus de 50 jours de grève par les Assemblées générales de la base des grévistes.

Non, les grévistes n’ont pas baissé les bras : ils sont en recherche de stratégie

Si dans un premier temps, les grands médias ont réagi avec inquiétude à l’annonce de la « journée noire », c’est qu’ils ont bien conscience que les grévistes de la RATP ne sont pas n’importe quel secteur mais bien celui qui a été le principal moteur de ce mouvement historique contre la réforme des retraites.

Et ils ont bien raison. Les grévistes RATP sont loin d’avoir baissé les bras. Toujours déterminés, ils sont à la recherche d’une stratégie ayant conscience que celle des "journées saute-mouton" ne permettra pas d’élever le rapport de force pour vaincre.

C’est ce que pointe notamment un militant CGT-RATP que nous avons interviewé : « la grève perlée ça ne plaît à personne, cette dispersion des dates a fait que la journée d’aujourd’hui, n’était pas très réussie ». Et pourtant, malgré cette division, c’est bien la combativité qui l’a emporté lors de la manifestation parisienne qui a réuni plusieurs milliers de personnes, des Gilets jaunes en tête de cortège, en direction de l’Assemblée Nationale.

Pour une rencontre nationale pour la grève générale

S’il est indispensable de rythmer la mobilisation contre la réforme des retraites, il est cependant clair pour la majorité des grévistes qu’en l’absence de plan de bataille autre que les journées de « grève saute-mouton » proposées par l’intersyndicale, c’est la défaite assurée.

C’est en ce sens que chercher une stratégie qui puisse élaborer ensemble un plan de bataille, construire un « tous ensemble » par la grève majoritaire reconductible et déboucher sur une véritable grève générale est indispensable.

Pour cela, il est nécessaire d’avoir une politique pro-active qui cherche à tisser les liens entre les différents secteurs notamment ceux dont le poids est stratégique pour commencer à élaborer ce plan de bataille, et se poser plusieurs questions : quand est-ce qu’on y va tous ensemble, en grève majoritaire et reconductible ? Quels sont les quelques mots d’ordre qui pourraient nous permettre d’agréger un maximum de secteurs, notamment du privé ? Quel programme pour agréger ces secteurs qui aujourd’hui ne se sont pas encore mobilisés alors qu’en 2016 contre la loi El Khomri, ils étaient à l’avant-garde ?

C’est en ce sens qu’un « appel à une rencontre nationale pour la grève générale » a été lancé par plusieurs secteurs qui jouent ou ont joué un rôle important pendant la première phase du mouvement contre la réforme des retraites à commencer par la Coordination RATP-SNCF, la CGT Raffinerie Grandpuits et la CGT Energie Paris. Un appel qui s’adresse « à tous les secteurs qui sont ou ont été en grève et mobilisés contre cette réforme et l’ensemble de la politique du gouvernement » et qui propose début mars, « une rencontre nationale interprofessionnelle, regroupant des travailleurs de tous les syndicats et non-syndiqués, pour élaborer ensemble un plan de bataille débouchant sur une véritable grève générale. »

Le communiqué continue : « Cette rencontre devrait à notre sens discuter de quand est-ce qu’on y va tous ensemble, en grève majoritaire et reconductible, et quelles sont les quelques mots d’ordre qui pourraient nous permettre d’agréger un maximum de secteurs, notamment du privé, autour de la question de la précarité, du chantage à l’emploi et des licenciements, ainsi que la défense d’une retraite nivelée par le haut pour tous et toutes.

Il est pour nous indispensable d’élaborer ce plan de bataille de manière coordonnée et à la base, si l’on veut éviter de se faire balader de journée d’action en journée d’action ou de voir nos mouvements sectoriels rester isolés. On peut encore gagner, à condition de prendre nos affaires en main et de rendre concrète la perspective d’un tous ensemble contre Macron et sa réforme. »

 
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