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La Izquierda Diario
8 de octobre de 2015 Twitter Faceboock

Le couronnement de plus d’un mois de solidarité étudiante
130 personnes à Tolbiac pour le meeting de solidarité avec les migrants. Ouvrons nos universités !

Correspondants

Ce jeudi soir était un peu inhabituel sur le site Pierre Mendès France de l’Université Paris 1, alias Tolbiac. A partir de 18h30 et jusque 21h, l’amphi L s’est rempli d’une grosse centaine d’étudiantes et étudiants, et de plusieurs militants de la cause des migrants sur Paris, en plus de personnes migrantes et sans-papiers venues livrer leur témoignage. Le meeting s’y tenait à l’appel de Solidaires Etudiant-e-s et de l’Unef, du SNASUB-FSU et de Sud éducation, ainsi que du RUSF, du NPA, du Parti de Gauche et de Ensemble. C’était le couronnement d’une campagne commencée depuis plusieurs semaines, et qui avait déjà permis l’organisation d’un cortège dynamique d’une soixantaine d’étudiants lors de la manifestation dimanche dernier.

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« Salle par salle, amphi par amphi, nous ou-vri-rons nos universités ! »

Le meeting a été inauguré par Sarah de Solidaires Etudiant-e-s Paris 1. Le contexte était posé d’emblée, par le rappel des plus de 3000 morts en Méditerranée depuis janvier, de la militarisation des frontières de l’Europe et du harcèlement policier pour celles et ceux qui ont pu arriver jusqu’ici. La crise migratoire qui est en cours, structurelle, n’a reçu des gouvernements des pays européens que des réponses hypocrites, mesquines, des réponses essentiellement répressives et qui visent à cacher la responsabilité des impérialismes, de leurs guerres et de leurs pillages, dans l’exode des populations. Dans toute l’Europe, ils s’exercent au tri des êtres humains, entre bons et mauvais migrants. C’est cela qui pave la voie aux discours racistes, xénophobes, au Front national et à ses considérations intéressées sur les « SDF français » qui en temps normal n’attirent jamais son attention.

Mais, insistait la camarade, les derniers mois et semaines ont aussi vu émerger une autre expérience, celle de la solidarité. Celle des habitants des quartiers où se réfugient les migrants, qui apportent spontanément de l’eau, de la nourriture et du matériel, fondent des collectifs de soutien. Ou encore celle qui s’est développée à Paris 1, et qui a, de fil en aiguille, permis de se lancer dans l’organisation de ce meeting. Sarah a expliqué comment, progressivement, près d’une trentaine d’étudiants ont pris en charge activement les collectes organisées tous les jours par son syndicat, des collectes qui ont déjà donné lieu à deux livraisons au lycée Jean Quarré. Cela alors que la présidence de Paris 1 annonçait de son côté, en toute hypocrisie, l’accueil de cent migrants sur financement qatari, pour « former les cadres » nécessaires pour relayer la politique étrangère de la France au Moyen Orient. C’est face à ce genre de récupération qu’il est nécessaire, selon l’intervenante, de se souvenir des moments où le mouvement étudiant a su entrer en dissidence contre les politiques impérialistes. Contre la guerre faite au peuple algérien en lutte pour son indépendance, contre l’agression de près de vingt années contre le peuple vietnamien, ou plus récemment contre la guerre en Irak, la jeunesse avait joué un rôle central. Et, disait elle, c’est ce flambeau que nous devons reprendre aujourd’hui en commençant par ouvrir grand les portes de nos universités aux migrants, n’en déplaisent à ceux qui les dirigent.

Paroles de migrant-e-s, paroles de sans-papier

Le cœur du meeting a ensuite été constitué par les témoignages de trois personnes parmi les premières concernées par le thème de la soirée. A commencer par celui de Baby, originaire d’Ethiopie, et qui vit à Calais, dans cet espace que l’on a localement pris l’habitude d’appeler « la jungle », parce qu’on y dort à ciel ouvert, dans des conditions indignes. Baby est réfugiée, mais c’est aussi une militante, qui cherche au quotidien à organiser les femmes migrantes dont la vie est particulièrement difficile à cause de la précarité, du harcèlement et des agressions. Elle raconte comment la manifestation qu’elle a voulu organiser pour appeler à l’aide a été immédiatement réprimée par la police, qui leur a arraché leur mégaphone, et a empêché les journalistes de les filmer. « A Calais et ailleurs, les frontières tuent les réfugiés. Puisque l’on ne veut pas de nous ici, nous voulons au moins pouvoir partir, nous voulons pouvoir circuler », a-t-elle expliqué au sujet des milliers de personnes qui se trouvent ainsi bloquées sur la route pour l’Angleterre. « l’UE dit qu’elle va nous déporter, mais j’appelle ça nous tuer. Dans nos pays nous mourrons, ou nous sommes mis en prison. Pourquoi nous faire ça ? ». Baby, « identifiée comme quelqu’un qui ne renonce pas », subit en conséquences les pressions policières, les gazages qui brûlent la poitrine. Son intervention est poignante et agit comme un choc sur la salle, qui prend conscience de ce qui se passe à quelques centaines de kilomètres, dans une ville que la camarade nous invite à venir visiter, pour voir « la jungle » de nos propres yeux et pour nous battre ensemble pour que les personnes qui y survivent aient enfin le droit de se déplacer librement, de partir. C’est le minimum et il leur est refusé.

Suit alors le témoignage de Adam, qui est originaire du Soudan et fait partie des habitants du lycée Quarré. Après avoir salué les étudiants de Paris 1 pour leur accueil et leur soutien, il relate son expérience depuis plus de trois mois, du campement de la Chapelle à la mairie du 18e, choisie par les migrants expulsés afin de visibiliser leur lutte. « On pensait trouver la paix et la sécurité après le calvaire de la traversée, mais on n’a rien eu de tout ça ». Au contraire, il raconte l’encerclement policier devant la mairie, les forces de répression refusant même dans un premier temps de laisser passer l’eau et la nourriture apportée par les riverains. Les dispersions à répétition, la mairie (de Paris cette fois) les dispatchant en petits groupes envoyés dans des centres d’hébergement éloignés les uns des autres. Et surtout cette expérience à Nanterre, dans un centre complètement insalubre, cet été. Devant des locaux si délabrés, les migrants avaient refusé de descendre du car avec lequel ils avaient été amenés, et mandaté trois des leurs pour inspecter l’endroit. Voyant que ceux-ci n’acceptaient pas des conditions si invivables, l’administration avait réagi en faisant intervenir 40 policiers, qui ont placé les trois délégués en garde à vue, en les accusant d’être des passeurs ! Au lycée, où s’entassent désormais 700 personnes, les conditions sont elles-mêmes très mauvaises. « On croyait que dans les pays européens les droits étaient respectés. C’est une humiliation, une violence ». Adam aussi a fini en invitant toute la salle à venir au lycée pour constater tout cela directement, et en disant que la solidarité qui s’exprimait envers les migrants était la seule chose qui alimentait encore son espoir.

C’est ensuite Ousmane, porte-parole des sans papiers en lutte dans les Yvelines, qui a pris la parole, cette fois directement en français. Il a rappelé comment les liens concrets qui unissent son pays d’origine, le Sénégal, et la France, viennent de la colonisation puis des diverses vagues migratoires qui, à partir des années 1960, ont vu des dizaines et des dizaines de milliers de travailleurs venir se faire exploiter en France. Eux sont actuellement plusieurs centaines de salariés de l’interim, qui travaillent chez Adecco, Manpower ou encore Randstat, certains depuis quatre ou cinq ans. Un système qui ne peut pas échapper à l’Etat et à son administration, qui sait pertinemment que les patrons du bâtiment ou de la restauration font travailler deux personnes sous un même nom. Ousmane raconte comment ils ont occupé pendant plus d’un mois les sièges des trois plus grandes boîtes d’intérim de son département, pour exiger la régularisation de tous par la préfecture. 430 dossiers sont ainsi en train d’être finalisés et vont être déposés. « On ne quitte pas son pays par plaisir », rappelle lui aussi Ousmane, qui revient sur la françafrique, et les souffrances vécues par la jeunesse de son continent, pour interpeller l’auditoire. Comme pour les deux interventions précédentes, la salle répond à son intervention en criant « So-so-solidarité avec les réfugiés ! So-so-solidarité, avec les travailleurs, sans papiers ».

Le combat de la solidarité

Dans une troisième temps du meeting, la parole a été donné à Julien Salingue. Le politologue et spécialiste de la Palestine a pu rappeler qu’il y avait aujourd’hui 74 millions de réfugiés dans le monde, un chiffre déjà supérieur de 10 millions à celui d’il y a trois ans. J. Salingue a souligné le fait que notre solidarité ne peut être que politique, puisque les causes des maux qui engendrent la crise migratoire le sont. Une solidarité indispensable, pour que les personnes migrantes ne se retrouvent pas seules à porter leurs revendications, seules devant la répression et le renvoi aux frontières. Aujourd’hui même, Bernard Cazeneuve a annoncé la création d’une unité de gardes-frontières européens, dans le cadre d’un système à travers lequel les Etats d’Europe de l’Ouest délèguent à ceux de la frontière Sud et Est la réalisation de la plus sale besogne. Pourtant, « les murs n’arrêtent pas les gens qui fuient, ils ne font que rendre le voyage plus difficile, plus meurtrier ». Et Julien Salingue de montrer la mesquinerie du gouvernement, qui explique ne pas pouvoir accueillir plus de 24 00 migrants sur deux ans, alors même qu’il promeut en ce moment la candidature de Paris pour les JO, un événement qui nécessitera l’accueil de dizaines de milliers de personnes. « En cinq ans, le monde a connu 14 conflits armés, et la France est mouillée de prêt ou de loin dans chacun d’entre eux. Daesh, par ailleurs, s’est construit sur les cendres de l’Etat irakien et du ressentiment provoqué par l’intervention militaire ». Un rappel salutaire alors que Hollande a décidé d’envoyer une fois de plus ses rafales bombarder les populations, cette fois en Syrie.

C’est à Sélim, un militant engagé dans la solidarité avec les migrants sur Paris, qu’il est revenu de clore le meeting. Il s’agissait pour lui de revenir sur un cas de répression qui serait loufoque s’il ne s’apprêtait pas à déboucher, ce vendredi, sur un procès au pénal (un rassemblement aura lieu à 9h place du Chatelet). Sélim a commencé par expliquer ce que sont véritablement les centres d’hébergements proposés aux migrants, à savoir des lieux privés, gérés par de grandes « associations » comme Adoma ou Emmaüs, qui cherchent à augmenter leurs marges sur le dos des hébergés en tirant sur le savon ou le dentifrice. A la fin du mois de juillet, les migrants d’un centre Emmaüs ont décidé de se mettre en grève de la faim pour protester contre l’insalubrité des locaux. Ils ont reçu le soutien des quatre militants incriminés, notamment lors d’un sitting organisé sur le centre. Cette action, qui s’est réalisée tranquillement...était transformée le lendemain par la direction d’Emmaüs en « séquestration » de ses agents, et en plainte au commissariat suivie de 48 heures de garde à vue !

La soirée s’est terminée par quelques intervention de la salle. Un militant du NPA a proposé de poursuivre la dynamique impulsée en participant à la marche pour la dignité et contre le racisme prévue pour le 31 octobre. Des étudiants en cinéma ont expliqué leur projet de film, qui consiste à rendre compte de la lutte pour l’accueil des migrants sur l’université. Un autre camarade a raconté comment il avait participé du lancement de la page facebook « réfugiés de la chapelle en lutte », qui agit aujourd’hui comme un organisateur collectif pour la solidarité. Parmi d’autres interventions encore, un militant de Solidaires Etudiant-e-s paris 1 a appelé à étendre les collectes organisées par son syndicat sur tous les sites, et avec toutes les organisations, et à préparer une forte participation à la manifestation pour l’enseignement supérieur et la recherche jeudi 16 octobre prochain, car les étudiants d’ici et d’ailleurs ont le même intérêt : pouvoir étudier sans restrictions d’accès et dans de bonnes conditions. Ouvrir les frontières, ouvrir les universités, devenait un seul et même combat.

 
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