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La Izquierda Diario
6 de octobre de 2015 Twitter Faceboock

Autonomie financière des universités, jamais assez ?
Université : la Cour des Comptes annonce l’asphyxie des universités

Dom Thomas

Le 30 septembre dernier, la Cour des Comptes a rendu public son rapport sur la situation financière des universités. Destiné à la Commission des Finances du Sénat et intitulé « L’autonomie financière des universités : une réforme à poursuivre », ce rapport contient 13 recommandations visant à « améliorer » la situation et la gestion financière des universités. Il constitue surtout le prétexte parfait, pour le patronat comme pour le gouvernement, de réaffirmer sa volonté de casse du système universitaire public. Décryptage.

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L’augmentation des frais d’inscription : une dépense négligeable pour les étudiants-e-s ?

Si les auteurs du rapport pointent une situation financière globalement acceptable, ils insistent cependant sur les disparités importantes qui existent entre les établissements, et affirment que le financement des universités dépend « fortement » des subventions publiques. De là à dire que les universités sont trop dépendantes des financements publics, il n’y a qu’un pas, que franchit allègrement le sénateur Philippe Adnot. Chargé de formuler des préconisations à partir du rapport rendu par la Cour des Comptes, Adnot recommande, pour atténuer la dépendance des universités à l’égard des financements publics, d’augmenter les frais d’inscription en les portant au double, voire au triple de leur montant actuel. Le sénateur « non inscrit » ne manque pas l’occasion d’adresser un clin d’oeil appuyé à l’ensemble de la droite et de l’extrême-droite, en insistant sur la nécessité d’augmenter les frais tout particulièrement pour les étudiants étrangers non ressortissant de l’Union Européenne – à l’heure où il est au contraire urgentd’ouvrir nos universités aux étrangers de toutes origines

Dans Le Figaro, le sénateur clame ainsi que les frais d’inscriptionne représenteraient « rien » dans le budget d’un étudiant . Sacrée hypocrisie quand on sait que le budget moyen mensuel d’un étudiant avoisinait les 680 euros en 2013, alors que le sénateur, lui, touche a minima 11.400 euros par mois.

Selon l’Observatoire de la Vie Etudiante, 45% des étudiants étaient salariés en 2013. La part des revenus d’activité est en moyenne, dans le budget des étudiants, bien plus élevée que celles des aides publiques (bourses, APL) Par ailleurs, en 2013, 66% des étudiants boursiers et 50% des étudiants non boursiers ont eu le sentiment d’être confrontés à des difficultés financières, et ce davantage parmi les étudiants d’origine populaire. 31% d’entre eux ont eu un découvert à la banque, 24% ont dû avoir recours à leur famille pour une aide exceptionnelle, et 16% ont augmenté leurs heures de travail en cours d’année pour faire face à des difficultés financières. Le Secours Populaire révélait récemment que 22.000 étudiants avaient recours à ses dispositifs d’aide alimentaire, et un grand nombre d’étudiants renoncent à se soigner faute de moyens .

D’autant que pour calculer un tant soit peu sincèrement les frais réels d’une scolarisation dans l’enseignement supérieur, il faudrait ajouter le prix des loyers, des transports, et de l’équipement essentiel au suivi des études, qui inclut désormais presque obligatoirement un ordinateur et une connexion internet. On pourrait accumuler encore les statistiques accablantes ; il est en tout cas certain que le doublement, voire le triplement des frais d’inscription envisagé par Philippe Adnot est loin d’être une broutille dans les budgets déjà bien trop serrés des étudiants. Et que le véritable objectif poursuivi par les classes dominantes est de se servir de cette hausse pour accroître la sélection sociale, et diminuer ainsi les effectifs des étudiants.

Des « frais de personnel » qui plomberaient les budgets

Le rapport pointe d’autre part l’évolution de la masse salariale, qui représente actuellement 83% du budget des universités. Si ce dernier chiffre est avancé pour paraître excessif et laisser croire à des embauches et des rémunérations dithyrambiques, c’est grâce à un tour de passe-passe mathématique. En effet, les lois successives ont poussé les universités à réduire leurs dépenses, en leur allouant de moins en moins de budget. Ces restrictions budgétaires ont touché tous les postes où des réductions étaient possibles : rénovation des bâtiments existants, diminution des investissements matériels, réduction des financements des déplacements des enseignants-chercheurs etc. La masse salariale, elle, est plus difficilement compressible, et a même tendance à augmenter du fait de l’avancement et de l’ancienneté des personnels. Il est donc tout à fait logique que la part du budget des universités allouée à la masse salariale soit en augmentation relativement aux autres dépenses – qui, elles, ont été diminuées.

Par ailleurs, l’évolution de 5% des dépenses de personnel entre 2012 et 2014, mise en évidence par le rapport, masque le fait que ces dépenses ont été stabilisées entre 2013 et 2014. Le même document montre d’ailleurs que depuis 2009, le nombre d’enseignants a progressé proportionnellement moins vite que celui des étudiants ; les effectifs enseignants ont même décru entre les rentrées 2010 et 2012, alors que les effectifs étudiants sont en augmentation constante. Quiconque a mis les pieds à l’université ces dernières années sait bien que les salles et les amphis sont archi-pleins, et que les étudiants sont parfois plus de 50 en TD, ce qui empêche tout suivi individualisé – une cause là encore d’intensification de la sélection sociale.

Mais le rapport de la Cour des Comptes ne s’arrête pas là : il dénonce des « dérives » concernant l’attribution des primes et indemnités, ainsi que le décompte des obligations de service et en particulier, des heures complémentaires. Dans des propos particulièrement scandaleux par leur hypocrisie, Jean-Loup Salzmann, président de la Conférence des Présidents d’Université, raille l’existence d’une « prime de dactylo-codeur », et regrette de ne pas pouvoir sanctionner plus facilement les BIATSS (personnels non enseignants). Celui qui a très récemment fait l’objet d’un rapport dénonçant le détournement de dizaines de milliers d’euros et les pratiques clientélistes noie le poisson en évoquant des éléments anecdotiques pour masquer les véritables origines des déficits, et s’attaque aux personnels les plus précaires en leur faisant porter la responsabilité des difficultés budgétaires des universités. Si les scandales similaires à celui touchant Jean-Loup Salzmann doivent être dénoncés à tout prix, il est hors de question de s’en prendre à des personnels qui sont déjà tout en bas de l’échelle, peinent à boucler les fins de mois, et dont les revendications sont régulièrement traitées par le mépris, comme l’a montré la « grève des bas salaires » à Paris 8 entre février et avril dernier.

Aider les universités en les rendant propriétaires de leurs patrimoine immobilier ?

Pour avancer vers une autonomie complète des universités, l’Etat devrait, selon le rapport de la Cour des Comptes, envisager le transfert progressif de l’ensemble du parc immobilier des universités. A terme, il s’agit de rendre les universités propriétaires de leurs terrains et de leurs locaux. L’argument consiste à dire que les universités, n’étant pas propriétaires, sont de mauvaises gestionnaires immobilières : elles négligent d’entretenir leurs locaux, qui se dégradent (voir le tumblr « université en ruines ») et dont la remise en état coûte plus cher que leur entretien.

Outre le mépris affiché vis-à-vis des présidents d’université, jugés globalement responsables de l’état de délabrement des bâtiments alors qu’ils sont sommés de restreindre les dépenses, cette proposition est un piège. L’idée des auteurs du rapport consiste à « accompagner financièrement » ce transfert de patrimoine ; mais pendant combien de temps ? Il sera facile, quand quelques années auront passé, de diminuer progressivement la dotation accordée, jusqu’à la supprimer totalement – et reprocher alors aux universités de ne pas avoir su dégager des financements pour l’entretien de leurs locaux.

Enfin, les auteurs du rapport expliquent que ce transfert de patrimoine permettrait aux universités de faire entrer de l’argent dans leurs caisses en cédant leurs locaux « peu utilisés ». A l’heure où les salles de cours et les amphis débordent ( voir le tumblr « ma salle va craquer »), la Cour des Comptes incite les universités à vendre leurs locaux plutôt que d’en construire de nouveaux !

Etudiants, profs et personnels : imposer nos réponses à la crise structurelle des universités

L’arrivée de ce rapport en début d’année universitaire, au moment où plusieurs milliers d’étudiant-e-s font les frais de la sélection illégale en licence et en master, n’est pas un hasard. Face à l’explosion des effectifs étudiants depuis 2008 (au moins 295.000 étudiants supplémentaires en 8 ans), le pare-feu gouvernemental et patronal à cette nouvelle crise de massification de l’enseignement supérieur consiste à faire croire que le problème vient de la mauvaise gestion de l’université et de l’incurie de ses personnels.

Le choc démographique était pourtant prévisible, et aurait pu être anticipé. Mais la persistance d’un discours volontairement dévalorisant sur les formations universitaires permet au contraire de faire croire que les vocations universitaires sont en crise, et que le nombre d’étudiants aurait dû inéluctablement baisser.

Les « solutions » proposées constituent, on l’a vu, des attaques en règle contre l’ensemble du système universitaire : non seulement les conditions de vie et d’études des étudiant-e-s, mais aussi les conditions de vie et de travail des personnel-le-s. L’ensemble de la communauté universitaire, étudiants et personnels toutes catégories confondues, devrait donc être uni pour réaffirmer les conquêtes des décennies précédentes, et imposer leur concrétisation dans les faits. L’arrivée de 65.000 étudiant-e-s supplémentaires en cette rentrée ne doit pas se solder par l’accroissement de la sélection ou l’augmentation des frais d’inscription, mais par l’ouverture effective de 65.000 places supplémentaires à l’université, et la construction de milliers de nouvelles salles et structures pour les accueillir et décongestionner les locaux existants, sans surcharge de travail pour les personnel-le-s déjà pressurisés !

A Nanterre, à Toulouse, à Paris 8, à Montpellier 3, les étudiant.e.s ont commencé à se mobiliser contre cette situation inacceptable. L’Assemblée Générale qui s’est tenue hier à Paris 8 a rassemblé 150 personnes, rien que pour le département de sciences politiques ! A l’université Paul Valéry Montpellier 3, c’est aujourd’hui, mercredi 7 octobre à 12h30, que se tiendra une Assemblée Générale pour la création d’un collectif des sans facs.
Le 16 octobre, l’intersyndicale de l’enseignement supérieur et de la recherche et Sciences en marche, ainsi que Solidaires Etudiant-e-s sur ses propres bases, appellent à une manifestation à Paris. Mobilisons-nous pour imposer une autre réponse à la crise structurelle qui touche les universités, en garantissant l’accès universel aux études supérieures pour toutes celles et tous ceux qui le souhaitent, dans de bonnes conditions.

 
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