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La Izquierda Diario
18 de octobre de 2019 Twitter Faceboock

Un accord enfin trouvé ?
Le Brexit aura-t-il lieu ?
Claudia Cinatti

Le Royaume-Uni et l’Union européenne ont annoncé un accord prévoyant l’entrée en vigueur du Brexit le 31 octobre. SI nombreux sont ceux qui ont poussé un soupir de soulagement, il reste plusieurs éléments qui pourraient faire échouer l’accord.

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Crédits photo : EFE/ Olivier Hoslet

Traduction d’un article de La Izquierda Diario

Le Royaume-Uni et l’Union européenne ont enfin annoncé avoir trouvé un accord pour enfin rendre effective la séparation prévue le 31 octobre. Le Premier ministre Boris Johnson a célébré l’idée que les Britanniques vont désormais "reprendre le contrôle" et la souveraineté, promesse non tenue de la campagne du "Leave". Pour sa part, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a poussé un soupir de soulagement. Cet accord rend moins probable le scénario le plus inquiétant, celui du « hard Brexit » à un moment où la zone euro est déchirée entre les guerres commerciales de Trump et les perspectives d’une nouvelle récession.

Est-ce le dernier acte de cette tragicomédie qui dure déjà depuis trois ans ? Il est trop tôt pour l’affirmer. En fait, il peut échouer pour plusieurs raisons.

Avant d’entrer en vigueur, le pacte doit être approuvé par les instances de l’Union européenne. Jusqu’à présent, les dirigeants de l’UE ont apporté un soutien prudent, mais il ne serait pas surprenant qu’ils finissent par gâcher la fête en votant une nouvelle prolongation afin de clarifier les détails du divorce et des futures relations commerciales.

Toutefois, le principal obstacle reste la crise politique qui dévore le Royaume-Uni et le parti conservateur et ce depuis qu’une faible majorité a voté en faveur de la sortie de l’Union européenne au moment du référendum de 2016.

L’accord doit maintenant passer par le parlement britannique, qui se réunira ce samedi. Boris Johnson, qui n’a pas la majorité, n’aurait pas encore le nombre suffisant de voix pour qu’il soit approuvé. La politique britannique présentant des tendances à la polarisation, l’accord est trop conciliant pour se conformer à l’aile eurosceptique dure du parti conservateur et aux alliés de droite du Premier ministre, qui soutiennent le "hard Brexit". Cela ne suscite pas non plus le soutien de l’opposition. Le chef du parti travailliste Jeremy Corbyn a déjà fait savoir qu’il ne voterait pas en faveur de l’accord et continue de faire valoir la nécessité de soumettre tout compromis à un référendum.

Le point culminant des contradictions autour du Brexit reste la possibilité que l’accord qui a mis fin au conflit armé en Irlande soit réouvert.

Dans les négociations entre Londres et Dublin qui ont abouti à la conclusion de l’accord, les deux parties ont cédé. La République d’Irlande a démissionné de son prétendu "backstop", c’est-à-dire l’assurance que la frontière avec l’Ulster (province irlandaise à cheval sur l’État d’Irlande et l’Irlande du Nord) resterait ouverte indéfiniment. Dans le nouveau protocole, cette ouverture dure quatre ans et, après la transition post-Brexit, elle doit être validée de nouveau par une majorité des membres de l’Assemblée d’Irlande du Nord. Cette majorité doit comprendre au moins 40% d’unionistes (pro-britanniques) et de nationalistes.

Cependant, la concession coûte très cher à la Grande-Bretagne car légalement, le territoire d’Irlande du Nord appartiendra à l’espace commercial britannique, mais en pratique, il sera régi par les réglementations tarifaires et douanières de l’Union européenne. À cela s’ajoute le fait que des taxes telles que la TVA seront maintenues dans une zone grise.

D’une manière générale, le nouvel accord est assez similaire à celui négocié par May. Mais la différence - tout comme le diable - est dans les détails. Pour débloquer le Brexit, Johnson a accepté l’exigence qu’il n’y ait pas de contrôle douanier ni de frontière terrestre sur l’île d’Irlande, mais en revanche la frontière avec l’Union européenne serait rétablie de fait entre l’Irlande du Nord et la Grande-Bretagne.

Cette "solution irlandaise" vendue par Johnson comme une réalisation souveraine pourrait potentiellement changer les relations entre l’Irlande du Nord et la Grande-Bretagne. Ou du moins c’est ce que le Parti unioniste démocrate d’Irlande du Nord (DUP), un parti pro-britannique, estime quand il évoque le risque que le spectre de l’unification irlandaise refasse surface.

L’approbation de l’accord avec cette "garantie irlandaise" ne mettra pas fin à la crise organique qui menace la stabilité de l’État britannique. Depuis le Brexit, les tendances centrifuges n’ont pas cessé de croître. Les derniers sondages indiquent que 50% soutiennent l’indépendance de l’Ecosse. Même au pays de Galles, l’indépendance est de nouveau à l’ordre du jour politique.

Les futures relations commerciales et politiques du Royaume-Uni avec l’Union européenne restent encore à définir. Selon le Département pour la sortie de l’Union européenne (le ministère britannique chargé des négociations visant au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne), un accord de libre-échange avec l’UE coûterait au Royaume-Uni 6,7% de son PIB au cours des 15 prochaines années. La grande bourgeoisie, qui s’est opposée au Brexit, s’inquiète de la perte de marchés et d’avantages pour ses exportations, bien qu’elle considère que l’accord médiocre de Johnson est un moindre mal par rapport à ce que représenterait une sortie unilatérale de l’UE.

Les prochaines 48 heures seront faites de négociations frénétiques. Si Johnson est vaincu au Parlement, il est susceptible de convoquer des élections anticipées, dans lesquelles il pourrait gagner la confiance au vu de la crise du Parti travailliste et de la faiblesse relative de Corbyn. Il aura probablement recours à la rhétorique populiste consistant à diviser le champ politique entre le « peuple » et « l’élite » - bien qu’il appartienne à cette dernière.

Mais c’est une chose de gagner une élection en s’appuyant sur la polarisation actuelle ; c’en est une autre de gouverner avec une base sociale étroite et radicalisée, issue de cette polarisation. Entre Trump, le Brexit et Bolsonaro, les divisions au sein de la classe dirigeante et des appareils d’État - c’est-à-dire les tendances à la crise organique - donnent le ton ces dernières années. La nouveauté, c’est que les masses commencent à tirer parti de ces brèches pour faire entendre leurs revendications. Les Gilets jaunes en France ou la rébellion en Equateur contre le gouvernement de Lenín Moreno et le FMI ne sont que les premiers départs de feu.

 
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