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La Izquierda Diario
2 de juillet de 2019 Twitter Faceboock

Témoignage
Humiliée pour un foulard jugé « folklorique » et « débraillé » par ses employeurs

Sur Facebook, Mona raconte les pressions que lui ont fait subir ses supérieurs, à cause d’une tenue – en particulier un foulard – jugée sale et débraillée. Nous relayons ce témoignage.

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Témoignage publié par Mona, sur Facebook.
Photo : Mona, dans la tenue « incriminée »

Ceci n’est pas une « tenue du jour » façon Instagram. Ceci est la tenue que j’ai décidé de porter ce matin pour aller travailler. Tenue qualifiée par mes employeurs de « folklorique », « débraillée », « pas présentable », « pas propre » et j’en passe…

Pour donner le contexte : ce matin, il était prévu de réaliser une visio avec un client pour qui je devais effectuer une mission de type commercial. Le N+1, qui pilote la mission sur Paris, m’appelle une première fois afin de réaliser un test. Pas de problème. On échange 2, 3 cordialités. On ne se connaît pas. Seulement eu en entretien téléphonique une fois et en entretien visio une seconde fois très succinctement.

Or, lorsque le rendez-vous client démarre je m’aperçois que finalement, ce sera de l’audio et non de la visio. Ça me questionne, mais l’échange se déroule sans difficultés.

Après le déjeuner, la manager de Nantes demande à me parler. On s’isole et je la vois très mal à l’aise. Elle commence en me disant : « Vraiment, je ne sais pas comment te dire ça. C’est hyper délicat. » Un peu surprise je lui réponds qu’avec des mots ce serait un bon début. Elle enchaîne, rougissant, qu’elle vient de s’entretenir avec le manager de Paris et qu’il a été très surpris de me voir en vidéo. Qu’il ne s’attendait pas à voir un « turban », et qu’elle avait essayé de lui faire entendre qu’il s’agissait de « coquetterie » mais sans résultat.

Devant mon air stupéfait, elle poursuit un peu plus embarrassée, me demandant si je peux ne plus venir travailler avec le foulard. Devant mon refus catégorique, elle appel C. (le manager parisien, pour ne pas citer le nom). Et c’est là que les choses sérieuses commencent…

Vous êtes prêts ?? (Parce que honnêtement moi je ne l’étais pas… mais alors pas du tout.)
« Re-bonjour Mona. C’est C. », suivi de quelques banalités… « En fait je souhaitais m’entretenir avec toi à propos de ce matin. À l’origine c’était prévu que l’on fasse une visio mais j’ai préféré que le client ne voit pas ton… (hésitation) …ton… parceque je le connais un peu maintenant et je sais qu’il n’approuverait pas. C’est un homme très… strict… enfin pas strict mais rigoureux… »

Je n’entends pas la fin de la phrase. Mon esprit est resté bloqué sur « mais j’ai préféré que le client ne te voit pas ». En l’espace de quelques secondes ma personne, mon intégrité, a été réduite en quelque chose devant être caché, quelque chose se devant d’être invisible. Le choc est hyper violent !!!

Comme K. (la manager de Nantes) il me demande de l’enlever. Une fois encore je refuse.

Il reprend : « Tu sais moi ça ne me pose pas de problème, mais je comprends que le client puisse trouver ça “folklorique” et impose une tenue plus… convenable… En exemple, il y a 15 jours, un collègue est venu en bermuda. Bah, on lui a dit que ce n’était pas une tenue appropriée pour le travail. Quand on est commercial terrain on doit être propre sur nous, être moins… euh… original… et plus… adapté au travail. Tu comprends ce que je veux te dire ?? C’est pas moi hein… Mais tu sais des fois avec certains clients c’est comme ça. Tu comprends ? En plus tu aurais dû être transparente avec nous. Sur ton CV tu n’as pas le foulard, quand on s’est vu rapidement en visio t’avais des tresses il me semble, et t’avais pas le foulard non plus lorsque tu as rencontré K.
Alors pourquoi tu ne le portais pas à ces moments-là ? »

Je l’arrête. Mes jambes commencent à trembler et je sens que je vais devoir faire un gros travail pour garder mon sang froid.

« Non, je ne comprends pas en quoi mes choix vestimentaires devraient être un sujet de discussion. Si le client ne veut pas travailler avec moi parce que je suis trop…“originale”, à sa guise. Je ne veux pas travailler avec lui non plus. Mes choix capillaires ne tiennent qu’à moi et il est hors de question de laisser quiconque interférer la dedans. Qu’il attende des résultats, c’est normal, je suis payée pour ça. Après, que je choisisse la chemise rose ou la bleue le matin, ça n’engage que moi et rassure-toi : une chemise propre. Que tu m’interpelles sur mes compétences je l’entends, mais là on est dans un contexte de discrimination est c’est puni par loi. »

Je ne sais pas combien de temps a duré l’échange. Peut-être 5 minutes, mais ça m’a paru hypeeeeer long. Partagée entre l’envie de pleurer et de l’insulter. Envie de crier que c’est injuste. Que nous sommes en 2019 et que ce genre de conversation ne devrait plus avoir lieu. Ne devrait jamais avoir existé. Envie de pleurer parce que l’on a voulu m’ôter mon humanité afin de me reléguer au rang de curiosité à ne surtout pas montrer.

J’ai été humiliée et rabaissée car considérée comme « ne rentrant pas dans la norme » avec mon style trop « africanisé » considéré comme « sale », et « débraillé ».

Je n’ai pas pour habitude d’étaler ma vie perso sur les réseaux, mais j’avais besoin de partager ce long (très long) texte avec qui voudra le lire.

Aujourd’hui j’ai davantage compris la nécessité de sortir du silence et d’avoir le courage de dire « y’en a marre », « ça suffit ».

Bon, moralité : j’ai plus ce job… mais je garde ma dignité.

 
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