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La Izquierda Diario
5 de juin de 2019 Twitter Faceboock

Réforme Blanquer, réforme réactionnaire
Le Sénat adopte l’amendement sur l’interdiction des sorties scolaires pour les mamans voilées
Elise Duvel

Examinée par le Sénat depuis quelques semaines, les mesures proposées et adoptées ciblent les écoles des quartiers populaires et renforcent le caractère réactionnaire de la loi Blanquer. Parmi elles, l’interdiction du port du voile pour les mamans accompagnatrices de sorties scolaires est adoptée à 186 voix contre 100.

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Depuis le début de l’examen de la loi dite « de la confiance » par le Sénat, la ligne droite est tracée. Outre l’adoption de toutes les mesures ratifiant et renforçant la casse de l’école publique, le Sénat renforce le volet réactionnaire et raciste : chasse aux « prosélytes » autour des écoles, rejet de toutes les mesures rendant obligatoire la scolarisation des enfants étrangers, mais aussi interdiction du port du voile pour les mamans accompagnatrices de sorties scolaires.

La sénatrice LR du Val d’Oise Jacqueline Eustache-Brinio est à l’origine de l’amendement 100 qui interdit le port de signes religieux lors des sorties scolaires aux accompagnatrices des sorties. Le rapporteur, Max Brisson (LR), voit dans l’amendement la clarification d’un flou juridique et s’y déclare favorable. En réalité, il n’y a aucun vide juridique. Jusqu’à l’adoption de cet amendement par 186 contre 100, en vertu du principe de laïcité, seules les personnes qui exercent une mission de service public sont tenues au devoir de neutralité, qui leur impose notamment de ne porter aucun signe religieux, à n’exprimer aucune croyance, ni appartenance politique ou syndicale. Mais cette obligation ne concerne pas les parents d’élèves accompagnateurs.

De nombreux sénateurs de droite se sont exprimés en faveur de l’amendement. Parmi le florilèges de déclarations nauséabondes, la sénatrice du groupe Union centriste, Sylvie Goy-Chavent, a aussi défendu le principe de l’interdiction. « Pourquoi porter un signe religieux ostentatoire pose problème ? Car cela rompt avec l’harmonie entre les Français, quelle que soit leur origine, parce que ça choque en réalité. Notre rôle n’est pas d’autoriser par la loi ce qui alimente cette rupture d’harmonie et alimente les haines ».

Un laïcité à géométrie variable et des femmes priées de rester invisibles

Les sénateurs qui ont adopté cet amendement sont fiers de réaffirmer ce « grand principe » de la laïcité cher à « notre République », imposant leur morale réactionnaire. Mais de quelle laïcité s’agit-il ? Il s’agit d’une instrumentalisation de la laïcité au service d’une politique de stigmatisation d’une partie de la population. En effet, même si l’amendement ne cite pas explicitement le voile, il est curieux que le communiqué de presse officiel se félicitant de l’adoption de cet amendement, cite expressément le port du « voile ». Or juridiquement, la laïcité placardée dans tous les établissements scolaires ne peut pas être invoquée pour cibler une conviction ou une pratique religieuse en particulier. Au contraire, la laïcité serait la garantie d’un Etat neutre et impartial, et un cadre commun à tous.

De fait, pour les promoteurs de cette laïcité à double vitesse, l’objet serait de préserver l’école de tentatives d’immixtion religieuse mais pas de n’importe quelle religion. Dans le collimateur des défenseurs de la laïcité la religion musulmane, accusée de vouloir subvertir la société par des prétentions et des pratiques incompatibles avec les traditions républicaines.

Ces mêmes sénateurs distinguent voile et soutane qui, elle, ne choque pas. Alors qu’il semble problématique qu’une mère voilée accompagne son enfant lors d’une sortie scolaire, ils ne s’offusquent pas du curé portant la soutane qui traverse les cours d’écoles en Alsace-Moselle encore soumises au régime du concordat (le retour de ces régions dans le territoire français en 1918 ne s’est jamais accompagné d’une remise à niveau laïque). Ainsi, les curés sont gracieusement payés par l’Etat et les parents athées ou d’autres confessions doivent demander un exonération des cours de religion obligatoires.

Par ailleurs, le projet de rendre obligatoire l’instruction à partir de 3 ans a été adopté par le Sénat. Alors que 97% des élèves sont déjà scolarisés, rendre obligatoire l’instruction à 3 ans n’est rien d’autre qu’un cadeau au privé puisque les communes doivent financer des établissements privés à 90% catholiques, qui plus est sans aucun moyen supplémentaire. C’est 100 millions d’euros de moins pour les maternelles publiques selon les estimations gouvernementales. Le sénat a proposé un amendement pour qu’il y ait une compensation pour les communes mais le problème resterait le même : l’argent public financera le privé augmentant les inégalités.

Enfin, toutes ces élites politiques qui s’indignent devant un foulard mais tolèrent que les catholiques, dans sa version intégriste, la plus intolérante, rêvant d’un retour à la religion d’Etat, cèdent voire appuient les pressions exercées pour imposer ses mœurs ou ses pratiques à l’ensemble de la société : manifs pour tous, contre le droit à l’avortement, ABCD de l’égalité luttant contre le sexisme à l’école...

En France, depuis les premières "affaires" autour du voile à la fin des années 1990, les débats autour de l’interdiction du voile « au nom de la liberté » des femmes s’inscrivent avant tout dans la persécution quotidienne, islamophobe et raciste, subie par les populations musulmanes.
Une telle mesure vise directement les quartiers populaires et relègue une fois de plus les femmes dans la sphère privée, dans l’invisibilité. Pourquoi ne pourraient-elles plus s’impliquer dans l’éducation au niveau scolaire de leur enfant ? L’Etat français prétend (ou du moins c’est l’un de ses arguments) lorsqu’il interdit le voile à l’école, libérer les femmes, leur permettre d’être libérées du joug des normes patriarcales de la religion. Or, focaliser le débat sur un accessoire vestimentaire en particulier revient à nier le droit des femmes à décider elle-même comment se vêtir et comment mener le combat contre l’oppression patriarcale.

Dans quelques villes déjà, les mamans ont fait des rassemblements contre cet amendement parce qu’elle savent bien que ce n’est pas à l’Etat beau parleur avec son féminisme à la Schiappa dont nous avons besoin mais c’est aux femmes elles-mêmes de s’organiser pour décider de leur vie, de leurs croyances (ou non), de leurs pratiques, à rebours des politiques de ces dernières années qui ne font qu’augmenter la précarité des conditions de travail et de vie, opérer les reculs sur les droits des femmes. « Ne nous libérez pas, on s’en charge » disait un slogan féministe des années 70.

 
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