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La Izquierda Diario
2 de mai de 2019 Twitter Faceboock

Fraction Trotskiste
Argentine. Le 17ème congrès du Parti des Travailleurs Socialistes
Julien Anchaing

Le Parti des Travailleurs Socialistes (PTS) est un acteur central de la gauche Argentine. Membre fondateur de la Fraction Trotskiste (FT) à laquelle appartiennent les militants de Révolution Permanente au sein du NPA, il a organisé le week-end dernier son 17ème congrès en présence de plus de 300 délégués venus de tout le pays. Alors que la crise économique qui se développe en Argentine promet une catastrophe d’envergure au milieu d’une année électorale centrale, les militants ont discuté caractérisation de la situation internationale, de la situation nationale ainsi que de l’orientation du Parti afin de donner une réponse à la crise aux travailleurs, aux femmes et à la jeunesse.

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Une première discussion : la caractérisation de la situation internationale ainsi que de l’avancée de la Fraction Trotskiste

En plus des 300 délégués venus de tout le pays pour discuter et décider des principales orientations du parti, des membres de différentes organisations membres de la Fraction Trotskiste étaient présents ; l’organisation existant actuellement en France, en Allemagne, aux États-Unis, dans l’État Espagnol, en Italie, au Brésil, au Chili au Mexique, au Venezuela, en Bolivie, en Uruguay et autres. Les groupes qui composent la FT, en plus de leur intervention politique active dans les différents phénomènes mentionnés plus haut, animent le Réseau La Izquierda Diario, publié dans plus de 11 pays sous 7 langues (Révolution Permanente en France). Avec des millions d’entrées chaque mois, il sert d’organisateur collectif et de média d’agitation politique et de propagande afin de faire avancer les idées révolutionnaires. Il permet également de débattre avec les différents courants qui traversent, par exemple, le marxisme.

La première journée a été avant tout animée par la discussion à propos de la nécessaire préparation des révolutionnaires pour les tâches de la période qui arrive, en abordant les éléments de lutte des classes (en France, en Algérie, au Soudan) tout comme des phénomènes politiques présents dans la jeunesse comme aux Etats-Unis ou à travers le mouvement des femmes.

La session a commencé par un rapport résumant les principaux axes de caractérisation de la situation internationale actuelle et du capitalisme, présenté par Claudia Cinatti, dirigeante de la FT et du PTS. Dans l’ensemble, les définitions de la crise internationale de 2008, qui a ouvert des tendances à la crise organique dans les pays centraux et périphériques importants, se sont avérées correctes. L’année dernière, la situation internationale a été traversée par une guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, qui, ajoutée aux autres grands axes qui dominent la discussion de la situation internationale, tels que la hausse des taux d’intérêts de la Banque Fédérale (FED) américaine et les évolutions du prix du baril, impacte l’économie globale dans son ensemble. Selon les études économiques internationales, y compris la version du FMI, la prochaine année promet au mieux une croissance économique médiocre, et, selon certains scénarios, une récession historique.

En Amérique Latine, où la FT et le PTS sont avant tout structurés, le tournant à droite du continent, visible à travers des gouvernements généralement faibles (comme le démontre les divisions internes importantes du gouvernement de Bolsonaro à seulement quelques mois de son arrivée au pouvoir, ou la crise de gouvernement actuelle que vit Mauricio Macri en Argentine), a eu pour expression maximale la tentative de coup d’État au Venezuela dirigée depuis Washington qui n’a pas pu se concrétiser. Cette discussion a poussé le PTS à repenser les défis de l’anti-impérialisme comme bataille de premier ordre pour un courant international. Cet objectif est dirigé avant tout contre toutes les tentatives d’ingérence ou de coup d’État organisés depuis les États-Unis, qui souhaitent réorienter leur tension vers le continent. De nombreuses discussions se sont développées notamment autour du nécessaire développement d’une jeunesse anti-impérialiste dans les États semi-coloniaux.

Lors de la dernière conférence de la FT, la caractérisation d’une crise des régimes politiques, expliquée par la faible récupération économique et par la tension croissance entre les États-Unis et la Chine avait été discutée. Son actualisation, et qui apporte des définitions à la situation actuelle, se situe principalement l’irruption de la lutte des classes comme contre tendance. Avec la rébellion des Gilets Jaunes comme expression maximale de la lutte des classes depuis le Printemps Arabe (malgré des tendances ponctuelles comme la lutte pour l’indépendance catalane), au sein même d’une des principales puissances impérialistes, le congrès a amplement discuté de la possibilité d’un tournant dans la situation internationale. Cette nouvelle définition pousse la Fraction Trotskiste à repenser son influence en France tout comme en Europe pour en faire l’un des centres de son attention.

De leur côté, les États-Unis, avec la présidence de Donald Trump, voient naître de nombreux phénomènes de polarisation politique dans le pays, notamment autour de la renaissance du “Socialisme”. Visible à travers des phénomènes juvéniles, ceux-ci s’expriment par la croissance de courants tels que celui de Bernie Sanders ou du DSA (Democratic Socialists of America). Le rôle de l’organisation nord-américaine de la FT, Left Voice, a ainsi été pensé de nouveau comme le principal vecteur des idées de la FT en langue anglaise, avec une nécessité de se renforcer en terme militant. Ce contexte de crise des partis politiques de gauche, combiné avec la tendance à la polarisation internationale et nationale et au retour de la lutte des classes dans un des principaux pays impérialistes (l’adaptation croissante à la social-démocratie ou la difficulté à détacher une stratégie claire face aux événements politiques en est un exemple), a poussé le congrès du PTS à réaffirmer l’importance de renforcer une pratique internationaliste. Dans la pratique, cela se traduit dans l’incarnation de Left Voice comme portail des principales batailles politiques et idéologiques de la FT, comme celles de l’indépendance de classe, de la revendication d’une stratégie révolutionnaire et d’un programme de rupture avec le capitalisme.

Des éléments de caractérisation nationale et de préparation du parti face à la crise économique et l’année électorale.

La seconde journée s’est quant à elle focalisée autour du débat sur la caractérisation de la situation nationale ainsi que le programme du parti. Dans le contexte actuel d’une crise profonde qui traverse l’Argentine sur les plans économiques, sociaux et politiques, un parti révolutionnaire se doit avant tout d’analyser profondément la caractérisation de celle-ci afin d’en détacher une orientation. L’accord signé par le gouvernement de Mauricio Macri avec le FMI a placé le pays sous sa tutelle. Cette ingérence du FMI est permise par l’ensemble de l’opposition patronale et syndicale, organisée par le péronisme avec la complicité du kirchnerisme.

En ce sens, le congrès a voté comme principale campagne d’agitation : « Faisons plier le FMI, Macri, les gouverneurs [majoritairement péronistes]. Le kirchnerisme, allié à la bureaucratie syndicale, l’Église et les gouverneurs du Parti Justicialiste ne peuvent être une alternative. Que la crise soit payée par les grands entrepreneurs, les banquiers et les propriétaires terriens. Construisons une grande force politique qui impulse la mobilisation indépendante des travailleurs, des femmes et de la jeunesse. Pour un gouvernement des travailleurs. »

Nicolas del Caño, candidat du PTS, a été proposé comme pré-candidat à la présidentielle au sein du Front de Gauche, alliance politique et électorale avec d’autres partis trotskistes argentins comme le Partido Obrero (PO) et Izquierda Socialista (IS).

Afin de réussir un saut de construction important et de jouer le rôle d’acteur essentiel de la situation politique nationale, le congrès a notamment voté la priorisation de l’agitation politique, articulée à la propagande et l’organisation. Effectivement, il s’agit de montrer que chaque demande des exploités et opprimés ne peut être résolue qu’en affrontant le FMI, avec un programme de transition qui propose une perspective révolutionnaire contre les grands capitalistes et leur État. Le PTS se pose comme défi, à travers cette décision, de mettre en avant la construction d’un véritable parti révolutionnaire, à influence de masses, et ce à travers ses figures nationales, ses autres candidats et son journal La Izquierda Diario (journal de gauche le plus lu du pays). Mais aussi, et surtout, à travers l’action constante de ces militants, appelant à organiser tous les sympathisants autour de cette perspective.

Toute cette activité est liée à la volonté de construire un grand parti des travailleurs révolutionnaire et internationaliste, dont ont besoin les travailleurs et les secteurs opprimés pour vaincre. Un parti qui sache s’armer de la lutte contre les bureaucraties syndicales et politiques, mais aussi des mouvements sociaux. En ce sens, le congrès a ratifié la poursuite de la campagne appelant à la constitution d’un grand parti unifié des révolutionnaires en Argentine, prônant le développement d’activités sociales et politiques depuis les bastions ouvriers conquis historiquement par le parti, mais également en dehors des lieux de travail, dans le contexte d’attaques patronales et de surveillance de la bureaucratie. L’exemple repris pour illustrer cette volonté a été celui de la profonde lutte pour l’hégémonie ouvrière, qui s’est organisée autour de la fabrique Coca Cola dans le Sud de la capitale mais aussi autour de tous les secteurs voisins, et notamment les habitants du quartier. Le développement de commissions de femmes dans tout les lieux où cela sera possible devient donc une priorité.

À partir de cette discussion longue de plus de 3 jours, le congrès du PTS a finalement décidé, afin d’appliquer l’orientation votée, de se doter d’une direction en capacité de penser les défis du parti nationalement et de la FT à échelle internationale en discussion avec ces différents courants-frères.

L’existence du PTS tout comme du Front de Gauche (FIT), acteurs politiques à l’échelle nationale, obtient une valeur très particulière au sein de la gauche du pays, du fait de l’obstacle historique que représente le péronisme en tant que parti de conciliation des classes à l’émergence de courants socialistes et d’organisations révolutionnaires. Cela démontre que l’abandon du programme et la renonciation à la construction d’un parti de combat n’est en aucun cas nécessaire ni souhaitable pour peser sur la scène nationale. Des différents échecs des partis néo-réformistes en Europe, qui finissent par n’être que des suivistes de la social-démocratie classique, à l’impasse des partis larges (bien qu’elles soient des expériences très différentes), tous pourraient s’inspirer d’organisations révolutionnaires comme celle-ci, et non pas des populismes latino-américains du début des années 2000 qui ont tous terminés par une débâcle.

Le défi du PTS est aujourd’hui de montrer que cette accumulation, héritée des différentes batailles politiques et combatives, réelles écoles de guerre à travers des exemples comme Zanon ou plus récemment Pepsico, doivent lui permettre de passer le test de l’inévitable saut dans la lutte des classes que la catastrophe économique promet au pays.

 
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