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La Izquierda Diario
4 de mars de 2019 Twitter Faceboock

Les femmes dans la lutte en Algérie
Algérie. « Le mouvement ne pourra gagner sans se donner l’objectif d’en finir avec toutes les oppressions et exploitations »
Maryline Dujardin

Depuis le 22 février la population algérienne se bat contre le cinquième mandat du président Bouteflika. Des mobilisations massives ont rythmé le pays ces derniers jours. Le mouvement contre le président, qui se transforme peu à peu en mouvement contre le régime, réussit aujourd’hui à rassembler de larges couches de la société, parmi lesquelles les femmes ne sont pas en reste. Nous avons interviewé l’une d’entre elles.

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Wissem est militante au PST (Parti socialiste des travailleurs) elle est également membre du Collectif Libre et Indépendant des Femmes de Béjaia, nous revenons avec elle sur la place des femmes dans la lutte contre le régime de Bouteflika et leurs revendications à l’approche de la journée internationale pour le droit des femmes le 8 mars.

Révolution Permanente : Quelle est la place des femmes dans la lutte aujourd’hui en Algérie ? Et plus récemment contre le gouvernement de Bouteflika ?

Wissem : Les femmes en Algérie ont toujours contribué aux différents mouvements de lutte, à commencer par leur participation à la guerre de libération, ce qui leur a permis une avancée considérable en termes d’égalité et de liberté. Nous avons obtenu à ce moment là des acquis comme par exemple le droit à la scolarisation et au travail. La mobilisation des femmes a presque toujours été exclusivement celle des femmes de gauche, avec en 1984 des mobilisations contre l’avant-projet du Code de la Famille qui visait à réduire la femme au statut de mineur à vie. Plus tard, il y a également eu des mobilisations énormes des femmes comme celle du 8 mars 1989. Et cela malgré la terreur intégriste. Si les femmes participent aux différents mouvements sociaux c’est notamment pour exprimer leurs mécontentements face aux conditions de vie déplorables qu’elles endurent. Nous sommes doublement opprimées que se soit dans le monde du travail en occupant les postes précaires, ou encore dans la vie sociale en étant sous l’emprise des hommes et des idées rétrogrades et misogynes véhiculées par la société.

Plus récemment des milliers de femmes algériennes ont rejoint la rue pour exprimer leur rejet du 5ème mandat de Bouteflika, un président qui s’auto-proclame meneur d’un soi-disant projet d’émancipation réservé aux couches les plus privilégiées de la société. Les algériennes cherchent aujourd’hui à exprimer leur ras-le-bol face à un système qui invisiblise les violences sexistes, et ne voit dans la majorité des femmes qu’une source de main d’oeuvre précaire à faible coût, lorsqu’il ne les renvoit pas tout bonnement aux tâches domestiques ingrates. Il faut savoir que malgré le fait que l’instance suprême de l’Etat algérien stipule dans un de ses articles d’instaurer l’égalité en droits et en devoirs de tout les citoyens et citoyennes, le Code de la Famille reste lui inspiré de la charia. Il assigne une place secondaire aux femmes dans la société, puisque ce code leur attribue un rôle de soumission et d’obéissance au chef de famille. En plus de cette assignation, le gouvernement a également remis en cause les acquis des femmes travailleuses en s’attaquant aux congés maternité afin d’en diminuer la durée légale.

RP : Comment se déroule le 8 mars journée internationale de lutte pour les droits des femmes en Algérie ?

Wissem : Le 8 mars journée internationale de lutte pour les droits des femmes, est une journée dépourvue de son contenu comme partout dans le monde... D’ailleurs en Algérie, ils l’appellent « fête de la femme », symbolisée par des fêtes folklorique organisées par des organisations officielles d’Etat, notamment l’Union des Femmes Algériennes (UNFA).

RP : Comment réussissez-vous à vous organiser pour mettre en avant vos revendications ? Peux tu nous expliquer comment le gouvernement vous empêche de vous structurer ?

Wissem : On rencontre beaucoup de difficultés à s’organiser et à exprimer nos revendications notamment à cause de la restriction des libertés d’expression et de la répression des manifestations. C’est d’ailleurs également le cas pour les autres mouvements sociaux. Il y aussi le fait que les idées archaïques et intégristes sont profondément ancrées dans la société après la décennie noire, créant une société misogyne. Par exemple l’année dernière il y a eu l’agression d’une femme juste parce qu’elle faisait son jogging avant la prière. Elle s’est faite agresser par des gens qui ont voulu lui rappeler que sa place en tant que femme est dans la cuisine (« plastek fel cousina »). En réponse à cela, il y a eu une mobilisation énorme de femmes et d’hommes progressistes pour dénoncer cet acte ignoble.

S’il existe aujourd’hui un recul et une hésitation des femmes à se constituer en tant que mouvement, c’est notamment la conséquence du renforcement des idées réactionnaires et la discontinuité des luttes progressistes et émancipatrices.

Manifestante à Bejaïa contre le régime de Bouteflika

RP : Avec une organisation de femmes de Bejaïa, vous avez récemment sorti un communiqué. Est-ce que tu peux nous en parler ?

Wissem : Le collectif est juste une tribune d’expression et d’organisation pour les femmes de différents horizons pour leur permettre d’avancer sur les questions femmes.

Le communiqué évoque la nécessité pour les femmes de rejoindre le mouvement populaire pour exprimer notre rejet au régime de Bouteflika et en portant les revendications sur l’abrogation du Code de la Famille qui nous réduit au statut de mineur, et pour en finir avec l’égalité formelle entre hommes et femmes et en obtenir une concrète.

Le féminisme en Algérie existe. Il suffit de regarder l’engagement des femmes pour l’égalité des droits, et notamment le droit que nous avons obtenu, même s’il reste formel, d’être reconnu en tant que citoyennes à part entière depuis l’indépendance. Et par ailleurs il faut voir que le mouvement contre Bouteflika ne pourra véritablement gagner sans converger avec les autres mouvements, et sans se donner pour objectif de mettre fin à toutes les oppressions et exploitations que le régime a mis en place.

Propos recueillis par Maryline Dujardin.

 
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