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La Izquierda Diario
4 de mars de 2019 Twitter Faceboock

Le pouvoir à la manœuvre
Algérie. Bouteflika promet un mini-mandat, une manœuvre qui ne dupe personne
Philippe Alcoy

Essayant de gagner du temps Bouteflika propose, en cas de victoire, d’appeler à des élections anticipées auxquelles il ne se présentera pas. Une manœuvre trop grosse qui ne semble convaincre personne.

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Photo : Flickr | Thierry Ehrmann

Alors que depuis plus de dix jours l’Algérie est secouée par la vague de protestation populaire la plus importante depuis 30 ans contre le cinquième mandat du président Abdelaziz Bouteflika, le porte-parole de sa campagne Abdelghani Zaalane a annoncé qu’il a déposé, samedi dernier, la candidature de Bouteflika devant le Conseil Constitutionnel. La première chose qui a été remarquée c’est que cette action était complètement illégale car d’après la constitution algérienne les candidats doivent déposer en personne leur candidature. Or, Bouteflika se trouvant actuellement à Genève supposément pour suivre des « contrôles médicaux » en était empêché. Mais à ce stade cela ne devient qu’un pur détail, une démonstration supplémentaire de l’arrogance et de l’arbitraire du pouvoir algérien.

Cependant, bien que le régime se soit montré décidé (pour le moment) à présenter la candidature de Bouteflika à sa propre réélection, il a dû feindre de faire quelques « concessions » aux manifestants. Ainsi, le porte-parole de la campagne de Bouteflika a lu une lettre soi-disant écrite par le candidat « fantôme ». Dans celle-ci il promet : « Je suis déterminé, si j’obtiens la confiance du peuple algérien, d’assumer la responsabilité historique, et de répondre à sa principale revendication de changer le régime » et d’organiser une « conférence nationale inclusive qui se chargera de l’élaboration des réformes politiques, économiques et sociales ».

Mais l’engagement le plus important, sensé calmer le mécontentement populaire, qu’a pris le candidat est d’organiser « une élection présidentielle anticipée dont la date de la tenue sera fixée par la conférence nationale ». Il promet de ne pas s’y représenter et ainsi « garantir une succession dans le calme et dans un climat de liberté et de transparence ».

Gagner du temps

Ces promesses sont en réalité une manœuvre de la part du régime pour essayer de gagner du temps, en espérant que les manifestations perdent en intensité. A travers des promesses incertaines sur un soi-disant « changement politique » et un « mini-mandat » de Bouteflika, l’équipe autour du président cherche désespérément à calmer la situation pour pouvoir mettre en place une succession la plus contrôlée possible pour éviter que les factions des classes dominantes ne sombrent dans une lutte pour le pouvoir qui déstabilise encore plus une situation politique, économique et sociale fragile.

Comme l’explique le journal algérien El-Watan : « Cette candidature est visiblement problématique pour le pouvoir lui-même qui est dans une course contre la montre. L’option d’un 5e mandat se veut manifestement comme un ultime acte pour prolonger un régime politique finissant. Abdelaziz Bouteflika est devenu aujourd’hui la caricature d’un système agonisant ».

Et cette situation a cour au moins depuis 2014. La figure de Bouteflika semble apparaitre comme un compromis entre différentes fractions de la bourgeoisie algérienne ; même si maintenir formellement à la tête de l’Etat un président malade peut paraitre surréaliste, en réalité cela répond aux difficultés posées par sa succession et les luttes pour le pouvoir que cela ouvre. Cependant, ces différents secteurs des classes dominantes ne semblaient pas s’attendre à l’irruption des masses qui est venue compliquer leurs calculs.

Quelle sera la réponse populaire ?

La réponse populaire face à cette manœuvre provocatrice du régime a été immédiate, notamment parmi les jeunes. Dans plusieurs villes du pays se sont déroulées des manifestations nocturnes dimanche, fait très rare dans le pays. Même si ces manifestations spontanées n’ont pas été de l’ampleur de celles de vendredi dernier, elles sont une nouvelle expression du fort rejet des classes populaires et de la jeunesse du du régime dans son ensemble et non seulement du cinquième mandat de Bouteflika.

Il reste à voir si ces annonces sont suffisantes pour diviser le mouvement et en détacher une partie, plus encline à un compromis. En ce sens, les manifestations appelées pour vendredi prochain seront un test central, même si des manifestations partielles commencent déjà à avoir lieu, notamment parmi les étudiants.

La manifestation de vendredi prochain coïncide avec le 8 mars, la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, et on s’attend à ce que la participation des femmes soit encore plus importante. Avec la force des travailleurs, de la jeunesse et des femmes, la contestation pourrait dépasser un cap et mettre en échec un pouvoir réactionnaire et profondément antipopulaire.

 
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