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La Izquierda Diario
1er de mars de 2019 Twitter Faceboock

Interview
Victoire ouvrière chez Audi Hongrie. « Nous espérons que notre grève rendra les travailleurs plus unis »
Philippe Alcoy

Après la victoire éclatante des ouvriers d’Audi Hongrie en janvier dernier nous avons contacté leur syndicat qui a accepté de répondre à nos questions.

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Les salariés d’Audi Hongrie dans la ville de Györ à l’ouest du pays ont mené une grève victorieuse de sept jours fin janvier. C’est l’AHFSZ (Syndicat Indépendant d’Audi Hongrie) qui a dirigé la grève. L’AHFSZ compte actuellement 9700 membres dans l’usine, soit 72% des ouvriers du site et se définit comme un « syndicat indépendant de tout parti politique et de toute fédération syndicale en Hongrie ». Nous les avons contactés et ils ont accepté de répondre à nos questions que nous publions ici.

Les travailleurs et travailleuses d’Audi Hongrie à Györ (ouest du pays) ont mené une grève de sept jours pour des hausses de salaires et des améliorations des conditions de travail et ont remporté une grande victoire contre ce géant de l’industrie automobile. Pouvez-vous nous dire comment tout cela a commencé et pourquoi les travailleurs ont décidé faire grève en ce moment ?

Nous avions un accord sur les salaires avec l’entreprise valide jusqu’au 31 décembre 2018. Les négociations avaient commencé à l’automne 2018, cependant, regrettablement, du côté du patronat ils n’avaient pas une attitude constructive. Plusieurs semaines se sont passées juste pour clarifier certains points. Notre syndicat avait présenté ses revendications salariales pour l’année 2019 à la conférence annuelle le 9 novembre 2018. Les négociations se sont pourtant poursuivies sans qu’aucune partie ne cède à un degré permettant d’arriver à un accord.

L’équipe de représentants de l’AHFSZ a alors décidé de mettre en place un Comité de Grève le 14 janvier 2019 étant donné que la direction n’avait pas bougé positivement depuis ses propositions d’augmentations de salaires avancées au début des négociations. L’équipe négociatrice du syndicat a ainsi décidé de faire une grève d’avertissement de 2 heures le 18 janvier 2019. Après le succès de la grève d’avertissement le Comité de Grève a pris la décision d’annoncer une grève de 168 heures à partir du 24 janvier à 6h jusqu’à ce que les négociations salariales trouvent une issue favorable aux salariés.

Comment avez-vous organisé la grève ?

On a commencé à organiser une grève potentiellement plus longue après le succès de la grève d’avertissement de deux heures. Les 9 membres du Comité de Direction du syndicat, 10 à 12 membres de l’équipe Opérationnelle et le Comité de Grève ont participé à l’organisation. Nous avons dû organiser les dates et les lieux des réunions d’information ainsi que le service d’ordre de la grève.

Nous savons qu’il y a eu quelques grèves importantes dans la région, avec des luttes dans l’industrie automobile (mais pas seulement). Avez-vous suivi ces évènements dans la région ? Ces grèves vous ont-elles inspirés ?

Nous sommes toujours ouverts. Cependant, il y a eu des manifestations pour une autre raison en Hongrie. Nous devons le dire clairement : la grève que nous avons organisée a eu lieu dans le site d’Audi et ne concernait qu’une augmentation des salaires pour les ouvriers d’Audi.

Nous avons pu mener une telle grève car nous sommes un syndicat de boîte indépendant de toute association ou confédération.

Sans aucun doute votre grève a été suivie de près par les travailleurs du groupe Volkswagen dans d’autres pays, et même par les ouvriers d’autres groupes de l’industrie automobile de la région. Nous savons que vous avez reçu le soutien de syndicats comme IG Metall d’Allemagne. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ? Avez-vous aussi reçu la solidarité d’autres syndicats ou travailleurs de Hongrie ou de l’étranger ? Comment les travailleurs de chez Audi ont reçu cette solidarité ? Cela suggère un changement concernant un travail conjoint dans différents pays ? Et croyez-vous que votre grève peut encourager d’autres travailleurs dans la région à suivre votre exemple ?

Nous avons reçu plein de déclarations de solidarité de syndicats de toute la Hongrie mais aussi de l’étranger. Par exemple, des salariés italiens des usines des constructeurs automobiles Lamborghini et Ducati. Aussi, nous pouvons mentionner les ouvriers de Mercedes du site de Kecskemét en Hongrie. Des syndicats d’autres secteurs nous ont également envoyé leur solidarité. Nous pensons que d’autres syndicats peuvent apprendre de notre exemple, cependant, nous devons insister sur le fait que la construction d’une unité bien organisée est fondamentale pour qu’une grève soit victorieuse. Cette unité s’est révélée incroyablement forte sur notre site : tous les employés ont arrêté de travailler dans tout le site pendant la grève et entre 4000 et 5000 travailleurs ont participé aux assemblées informatives.

Ces dernières années plusieurs travailleurs de Györ sont partis à l’étranger pour suivre des formations. Comment cela a contribué à ce que les salariés prennent conscience de leurs conditions de paie et de travail par rapport à d’autres travailleurs d’Audi et de Volkswagen dans la région, mais aussi pour rentrer en contact avec d’autres syndicats et travailleurs au niveau international ?

Nous sommes en contact avec d’autres syndicats à l’étranger et nous échangeons régulièrement sur nos pratiques et nos expériences.

Le site Audi de Györ est l’une des usines les plus importantes en Hongrie (13000 employés et responsables de 1,5% du PIB national, et est devenue le plus grand investissement étranger en Hongrie depuis qu’elle s’y est installée en 1994). Pensez-vous que votre grève va toucher d’autres travailleurs en Hongrie ?

On ne peut pas répondre à cette question par un oui ou un non. Le temps fournira la réponse, cependant nous espérons que notre grève a commencé à rendre les travailleurs plus unis et prêts à lutter pour leurs droits.

Vous avez lutté pour une augmentation des salaires mais aussi pour obtenir plus de temps de repos. Les revendications des travailleurs pour plus de temps de repos et de temps libre deviennent de plus en plus importantes en Hongrie et dans la région, pourquoi ?

Ça a attiré l’attention en Hongrie que nous demandions un week-end libre pour tous les salariés. La plupart des gens en Hongrie considère que ce week-end libre par mois est acquis pour tous les travailleurs de notre entreprise. Cependant, regrettablement, ce n’est pas comme ça car il y a un système de rotation spécial où un ouvrier ne peut avoir un week-end de repos qu’une fois toutes les sept semaines. Voilà la raison pour laquelle nous avons lutté pour cette revendication.

Dans les vidéos et les photos de la grève nous avons pu percevoir la présence de femmes parmi les grévistes. Que pouvez-vous dire sur le rôle des travailleuses dans la grève ?

Les travailleuses n’ont pas eu un rôle particulier pendant la grève. Elles sont des travailleuses avec des droits et opportunités égales à tout le monde et elles ont pris part à la grève à fond.

Voulez-vous ajouter quelque chose d’autre ?

Nous aimerions ajouter juste une chose. Pendant la grève on nous a demandé à plusieurs reprises si le soutien envers nous ne déclinait pas au cours des jours. Nous pouvons déclarer fièrement que nous avions 8900 membres au début de la grève alors qu’à la fin nous sommes passés à 9700 membres. Comme vous pouvez voir, le soutien à notre syndicat a augmenté, et depuis la fin de la grève il continue à progresser.

* Cette interview a été réalisée en collaboration avec LeftEast. Propos recueillis par Philippe Alcoy.

 
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