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La Izquierda Diario
22 de février de 2019 Twitter Faceboock

Une réforme pour travailler jusqu’à la mort
Bolsonaro à l’assaut des retraites
Joachim Bertin

« Aujourd’hui tout le monde peut travailler jusqu’à 80 ans » selon le Président de la Chambre des députés alors que Bolsonaro vient de lui remettre son projet de réforme des retraites, mesure centrale de son programme économique ultra-libéral au service de la bourgeoisie impérialiste.

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1.100 milliards de reais (environ 275 milliards d’Euros) sur 10 ans ! C’est la somme que Bolsonaro annonce économiser avec son projet de réformes des retraites. Pointe avancée des réformes austéritaires que la bourgeoisie brésilienne (et internationale) veut mener pour augmenter l’exploitation des travailleurs. Ce projet de loi doit être voté dans plusieurs mois mais l’importance des objectifs annoncés doit d’ores et déjà conforter la bourgeoisie sur la capacité de Bolsonaro, qui n’était pas le candidat naturel des classes dominantes, à faire passer ces réformes là où son prédécesseur, Michel Temer, a échoué.

De même, sa prestation à Davos, forum de discussion de la bourgeoisie internationale, a déçu et l’OVNI de la politique qu’est le nouveau Président du Brésil qui dit lui-même ne pas comprendre grand chose à l’économie, doit donner des gages aux investisseurs qui veulent maximiser leurs profits sur le dos des travailleurs. La plupart des analystes estiment d’ailleurs que les économies réalisées seront moindres (de l’ordre de 60 % des 1.1000 réais annoncés) car cette réforme risque de déclencher un fort mécontentement populaire. La base électorale de Bolsonaro est très hétérogène et l’anti-pétisme (opposition au Parti des Travailleurs (PT) de Lula et Roussef) et la lutte contre la corruption ont été le moyen d’unifier des secteurs très différents de la population brésilienne.

Ainsi, autour de 37 % de ses électeurs seraient opposés à une réforme des retraites et une grande partie de sa base aurait tout à perdre du programme ultra-libéral qu’il souhaite mettre en place. D’autant plus que des scandales de corruption commencent à éclabousser l’entourage proche de Bolsonaro. La réforme menée par Temer a été contrée par une grève générale historique, une réponse puissante du mouvement ouvrier pourrait bousculer la situation politique brésilienne en s’appuyant sur les nombreuses contradictions de la période et du régime issu du Coup d’Etat judiciaire.

La bourgeoisie a misé sur Bolsonaro pour faire passer la réforme des retraites

Michel Temer, Président par intérim après la destitution de Dilma Roussef, a dû faire face à des contestations puissantes en opposition à ses réformes des retraites et du marché du travail, malgré un rôle de contention particulièrement important des bureaucraties syndicales de la CUT et de la CTB , très liées au PT. Temer a fini son mandat avec 3 % de soutien dans les sondages, la bourgeoisie devait songer à se trouver une tête d’affiche plus hégémonique pour parvenir à avancer sur son calendrier de réformes structurelles pour détruire les acquis de la classe ouvrière brésilienne. Son choix ne s’est pas porté dans un premier temps sur ce capitaine d’artillerie grandiloquent qui évoquait avec nostalgie la dictature militaire mais sur des politiciens plus traditionnels qui, en raison de la crise politique, économique, sociale et de la polarisation de la société que connaît le pays ont été laminés, contrairement Bolsonaro vendu comme le candidat anti-système, sorte de Trump à la brésilienne qui bénéficiait déjà du soutien de certains secteurs de la bourgeoisie. L’autoritarisme extrême du nouveau pouvoir est la solution derrière laquelle la bourgeoisie brésilienne a décidé de se ranger pour combler son manque d’hégémonie : un pouvoir qui légitime les meurtres de militants paysans ou indigènes par les nervis des grands propriétaires terriens, qui cherche à attaquer violemment la classe ouvrière et ses acquis.

Pourtant, Bolsonaro doit encore chercher à convaincre. Lui qui traverse en ce moment un scandale de corruption au cœur duquel se trouve un de ces fils et qui éclabousse son parti (Parti Social-Libéral – PSL), a dû renvoyer un de ses proches conseillers (Gustavo Bebianno) et, ne bénéficiant pas de majorité au congrès, a récemment perdu une manche législative sur un projet de loi. Hamilton Mourão, le vice-président, estime qu’il manque aujourd’hui 60 à 70 voix pour faire passer la réforme des retraites. Il faut en effet souligner que même au sein du jeu politique bourgeois, Bolsonaro ne fait pas l’unanimité (hué par l’opposition qui brandissait des oranges en référence à un scandale qui touche le parti présidentiel) et que son élection n’a pas refermé la crise de direction de la classe dominante. Pour autant, à part sur des détails de virgule, il est évident que l’opposition à cette réforme ne se jouera pas au Parlement entre représentant de partis bourgeois.

Une réforme pour travailler jusqu’à la mort

La réforme prévoit de décaler l’âge minimum de départ à la retraite à 65 ans pour les hommes et 62 ans pour les femmes (contre 53 et 48 aujourd’hui), là où l’âge de la retraite à taux plein est aujourd’hui de 60 ans pour les hommes et 55 ans pour les femmes. Le montant de la pension est liée au nombre d’années de cotisations, ainsi selon la reforme, vingt ans de cotisations ouvriront droit à 60 % de la moyenne des revenus plus 2 % par année supplémentaire de cotisations. Ainsi une retraite à taux plein s’obtiendrait au bout de 40 ans de cotisations ! Dans un pays où le taux de travail « informel » et de précarité est très élevé, ces réformes équivalent à la suppression du droit à la retraite pour la large majorité des salariés.

De plus, les inégalités sont fortes au Brésil et si l’espérance de vie globale y est de 75 ans, dans les banlieues autour de Sao Paulo, elle atteint à peine les 60 ans. Le gouvernement a même inclut un paragraphe qui permettrait d’indexer l’âge de départ à la retraite sur la hausse de l’espérance de vie, ce qui permettrait de le reculer encore sans avoir à modifier à nouveau la Constitution. Cette réforme touche en premier lieu les travailleurs ruraux, souvent les plus pauvres qui peuvent aujourd’hui avoir accès à un système de pension minimum à partir de 65 ans. Cet âge sera reculé à 70 ans ! Une réforme qui permet en réalité de revenir même sur l’idée de retraite puisque des milliers de personnes n’arrêteront le travail qu’à leur mort.

Bien entendu les piliers du régime, la haute fonction publique, les magistrats, les politiciens et les militaires ne sont pas concernés par cette réforme. Bolsonaro a comme projet de faire du Brésil « un paradis pour les entrepreneurs », dans ce jardin d’Eden, ce sont les travailleurs qui payent plus pour financer les pensions puisqu’avec cette réforme, la part des cotisations salariales pour les pensions de retraite va augmenter de 11 à 14 %, voire à ce que dans certains cas 22 % du salaire d’un agent soit affecté à la cotisation pour les retraites.

Cette mesure est justifiée par la dette publique, argument phare alors que l’économie brésilienne subit encore les conséquences de la crise qui l’a touchée à partir de 2013. Autre argument, que l’on retrouve dans tous les pays où ce genre de réforme est menée, avec le vieillissement de la population, il faut travailler plus, il ne serait dés lors plus possible de conserver un système de retraites par socialisation. Ainsi les dominants (y compris la presse bourgeoise française alors qu’une réforme similaire est dans les cartons de la Macronie) avancent le « déficit chronique » de la sécurité sociale : 292 milliars de reais (70 milliards d’euros), 4 % du PIB ! Pourtant, ce qu’oublient de dire ces mêmes médias, c’est que de nombreuses grandes entreprises, de grandes banques bénéficient de privilèges fiscaux et doivent aujourd’hui près de 450 milliards de reais à la sécurité sociale, et ce de l’avis même de la Commission d’Enquête Parlementaire brésilienne sur le sujet.

En parallèle, on constate également des détournements des ressources de la caisse de retraite pour des intérêts privés. Le vol des Bradesco (deuxième banque du pays), Vale (multinationale minière), JBS Friboi (géant agroalimentaire), Santander ou Itaù (banques privées) et d’autres encore justifient aujourd’hui l’exploitation accrue des travailleurs brésiliens. A terme, c’est à une privatisation (et donc le recours aux fonds de pension) du système de retraite que songe déjà Paulo Guedes. Le bras-droit économique de Bolsonaro a pourtant été impliqué, pendant la campagne financière, dans un scandale de corruption concernant des fonds de pension : les retraites comme jeu pour la spéculation financière des puissants.

Seule une mobilisation d’ampleur pourra stopper la réforme des retraites et le bonapartisme judiciaire

Face à cette proposition de faire mourir la population sans prendre sa retraite, il est urgent que les centrales syndicales, comme la CUT et la CTB, déposent la trêve qu’elles ont donnée au gouvernement Bolsonaro et organisent une grande mobilisation des travailleurs, mettant la seule force qui puisse arrêter la réforme dans la rue : les travailleurs, alliés au mouvement des femmes, les jeunes, les Noirs et les LGBT. 



Crédits Photo : Adriano Machado

 
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