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La Izquierda Diario
13 de janvier de 2019 Twitter Faceboock

L’extrême droite se frotte les mains
Scandale ! Cesare Battisti arrêté en Bolivie et bientôt extradé vers l’Italie
Ciro Tappeste

Il n’y a pas que l’extrême droite italienne au pouvoir qui se frotte les mains. Tout ce que le pays a de juges, de politiciens de droite, de centre-gauche, populistes et de flics jubile : Cesare Battisti, auteur de polars et ancien militant d’extrême gauche, condamné pour quatre homicides à la fin des années 1970 et en cavale au Brésil depuis 2004 a été arrêté ce matin en Bolivie et pourrait bientôt être extradé.

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C’est en tout cas la demande qu’avait formulée Matteo Salvini, le ministre de l’Intérieur d’extrême droite de la Ligue, au nouveau gouvernement brésilien de Jair Bolsonaro, avec lequel il a d’énormes affinités. Sur les questions de genre, sur l’homosexualité, les étrangers et la gauche, Salvini a des avis bien arrêtés. Et Bolsonaro lui a donné satisfaction en ordonnant une opération policière qui a abouti à Santa Cruz, la seconde ville du pays limitrophe du Brésil, où Battisti a été arrêté, dans la nuit de samedi à dimanche.

Prison à vie

Que reproche-t-on à Cesare Battisti ? Son passé, que ce dernier n’a jamais renié, tout en ayant une vision très critique – et que nous sommes loin de partager - de ce qu’ont été, en Italie la période de la contestation sociale et politique du « Mai rampant » et de la lutte armée, dans les années 1970. On l’accuse également de quatre homicides, quatre exécutions politiques (un maton, deux commerçants accusés de collusion avec l’extrême droite, et d’un agent du renseignement intérieur) perpétrées entre juin 1978 et avril 1979, alors qu’il militait au sein d’un petit groupe politico-militaire, les Prolétaires Armés pour le Communisme. Pour ces quatre homicides, Battisti a en revanche toujours déclaré son innocence, ce qui n’a pas empêché les juges italiens de le condamner, par contumace, comme tant des centaines d’autres militantes et militants de l’époque, à la prison à vie dans son cas.

Doctrine Mitterrand

Battisti s’est en effet réfugié en France après s’être évadé de prison en 1981. Il y a bénéficié, comme plusieurs dizaines d’autres militantes et militants italiens, de la « doctrine Mitterrand », à savoir un engagement pris verbalement par le président en 1985 et promettant de ne pas extrader vers l’Italie celles et ceux qui auraient rompu avec les « années de plomb ». Faisant mille petits boulots et finissant concierge, Battisti s’est par la suite lancé dans le polar, devenant l’une des plumes les plus importantes, en France, dans les années 1990, comme l’a souligné à plusieurs reprises son amie et soutien Fred Vargas.

Arrêté sous Chirac

Mais en 2004, son passé le rattrape. Rompant avec l’engagement de 1985, Chirac, président, Fillon, premier-ministre et Sarkozy, ministre de l’Intérieur, envoient les flics de la Direction nationale antiterroriste l’arrêter dans la loge de concierge qu’il occupe pour l’expulser vers l’Italie, alors gouvernée par Berlusconi et les amis de la Ligue du Nord de Salvini.

Nouvelle cavale

Pendant qu’une campagne de soutien se met en place, Battisti réussit à s’enfuir au Brésil. Malgré des hauts et des bas, le gouvernement fédéral du PT de Lula puis de Dilma refuse son extradition. Il était repassé à la clandestinité, ces derniers mois, avant la victoire de Bolsonaro. Ce dernier a fini par avoir raison de sa cavale.

La palme revient néanmoins au gouvernement « de gauche » bolivien de Evo Morales, qui s’était empressé, en janvier, sa saluer son « frère Jair » lors de la cérémonie d’intronisation. Sans doute aura-t-il oublié que lui aussi a un temps été accusé de « terrorisme » par l’administration étatsunienne, et que son vice-président, Alvar García Linera, ancien guérilléro du Mouvement Révolutionnaire Tupac Katari, a toujours revendiqué que les actions reconnues comme des crimes et des délits par la loi dans le cadre du militantisme politique ne pouvaient tomber sous le coup du droit pénal commun. Un énième principe sur lequel le gouvernement « socialiste » bolivien du MAS s’est assis.

Salvini, grand vainqueur

On ne peut que craindre le pire, pour Battisti. Son extradition serait considérée comme une victoire politique pour Salvini. Une victoire de la « justice contre un assassin », a-t-il déclaré, lui qui, tous les jours, condamne à la mort certaine des dizaines de migrants au large des côtes italiennes, lui dont la diplomatie continue à soutenir les pires seigneurs de la guerre en Libye pour mieux défendre les intérêts pétroliers de l’ENI et dont l’armée stationne, dans le cadre de mission d’occupation impérialiste, dans 21 pays. C’est donc Salvini qui va s’ériger en « juge ».

Battisti a été condamné et n’aura droit à aucune révision. Par son extradition, ce sont non seulement les « longues années 1968 », le « mai rampant », qui sont condamnés, mais également l’idée même d’une transformation de la société. Quand l’extrême droite fait la leçon et que les « démocrates », à savoir l’ensemble de l’opposition parlementaire au gouvernement Salvini-Di Maio, applaudissent, voilà qui est bien tristement révélateur de la situation actuelle de l’autre côté des Alpes.

 
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