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19 de juin de 2015 Twitter Faceboock

Il aura fallu attendre 112 ans...
Daniel Teklehaimanot. Premier Noir sur le Tour de France

Karel Venuvitch

Cent douze années d’existence, cent deux éditions et une première ! Daniel Teklehaimanot, récent vainqueur du classement de meilleur grimpeur du critérium du Dauphiné, sera le premier Noir africain à participer à l’épreuve reine des compétitions cyclistes. Soixante-cinq ans après Ahmed Kebaili, le grand cycliste algérien, premier coureur africain du Tour, et quatre ans après Yohann Gène, premier antillais à prendre part à l’épreuve, Teklehaimanot, membre de l’équipe MTN-Qhubeka, également première équipe africaine au départ d’une grande boucle, pourrait être accompagné par son coéquiper et compatriote érythréen Merhawi Kudus.

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Le Tour de France est l’épreuve sportive la plus suivi au monde après la Coupe du Monde de Football et les Jeux Olympiques d’été. Couverte par 85 chaines de télévisions, retransmise dans 195 pays et cumulant environ 3,5 milliards de téléspectateurs, la grande boucle est à la fois une vitrine planétaire et un rendez-vous culturel. Pour les sponsors d’équipe, il s’agit d’une opportunité de visibilité importante, chacune des vingt-et-une étapes durant en moyenne 5 à 6 heures.

Mais au delà du fait que la moitié de la planète regarde l’épreuve sur écran, ce sont des millions de spectateurs qui se massent, venant des quatre coins du globe, sur le bord des routes. Pour les étapes « reines », certains n’hésitent pas à investir les meilleures places plusieurs jours à l’avance. Ainsi, certains lieux de rassemblement, comme le virage 7 de l’Alpe d’Huez, surnommé "Virage des Hollandais",sont entrés dans l’imaginaire collectif et sont devenus, à tout point de vue, une épreuve à part. Mais alors que plusieurs pays africains organisent leur propre « Tour » pas un Noir africain dans les équipes qui participent à la Grande Boucle

« L’image de la France », l’autre enjeu du Tour

De par son exposition mondiale et de son succès populaire, le Tour de France est aussi un outil qui, sous couvert de valoriser le patrimoine culturel, rend possible un sur-déploiement de l’idéologie dominante hexagonale. Le Tour est ainsi une succession d’images d’Épinal d’une sorte de France éternelle, avec ses châteaux, ses campagnes, ses clochers et son arrivée, centralisation jacobine oblige, à Paris.

Il est saisissant de constater que durant trois semaines les commentateurs vantent de façon de plus en plus déconnectée de l’épreuve la « grandeur » du pays, idéalisant l’Histoire, essentialisant les paysages, détournant même le nom de la course en « Tour de la France ». Sous couvert de culture, c’est bien l’idéologie française, sacralisant les spécificités régionales, qui est au centre même de l’attention. avec l’idée de l’illusion d’une grande fête autour d’une idée de fierté nationale. L’aspect traditionnel de l’arrivée finale sur les Champs Élysées (sur l’avenue même où se déroule le défilé de l’armée lors du 14 Juillet, quelques jours auparavant) est extrêmement symbolique. Rien ne doit se mettre en contradiction avec cette image d’unité. C’est ainsi que des territoires français et « contestataires » ont longtemps été mis de côté, la Corse eu le droit de voir les pneus des coureurs qu’une seule et unique fois, en 2013.

Dans ce contexte, accueillir une étape est donc un enjeu majeur lors du tracé. Ainsi, être ville d’arrivée coûte 200.000 euros tandis que pour obtenir le droit d’accueillir le départ d’une étape, il faut débourser 60.000 euros. De plus, le Grand Départ, parfois organisé à l’étranger, peut parfois coûter très cher. Londres a, par exemple, déboursé plus d’un million d’euros pour avoir droit à ce privilège.

On comprend mieux, dans ce cadre, que dans un sport dominé par de gros lobbys et de puissants sponsors, aucune place n’est faite aux petites équipes. Les fédérations n’ont pas voix au chapitre, puisque l’organisation des épreuves majeures sont aux mains d’institutions spécifiques. Le Tour de France – organisé par Amaury Sport Organisation (ASO) faisant partie du groupe de presse Amaury qui possède Le Parisien et L’Équipe – est donc dominé par le capital le plus concentré, qui recrute des coureurs à son image. Cette racisation « naturalisée » des équipes vient d’être battue en brèche par MTN-Qhubeka, première équipe africaine professionnelle, créée en Afrique du Sud. « Nation arc-en-ciel post-Apartheid » oblige, l’équipe a commencé à recruter des coureurs Noirs, et pas seulement Afrikaaners, à l’image de ce qui s’est produit au sein du rugby local, auparavant sport blanc par excellence.

Pourquoi a t-il fallu attendre 112 ans pour qu’un coureur noir africain participe au Tour de France ?

Le fait qu’aucun Noir africain n’ait participé au Tour soulève des questions. Comme mentionné dans l’introduction de l’article, le premier coureur africain à participer à l’épreuve, en 1950, était Ahmed Kebaili. Outre ses qualités de coureur cycliste, il s’agissait d’un coureur algérien, à une époque où l’Algérie était encore un département français, et relevait d’un enjeu politique majeur pour l’impérialisme français. Certes, des courses telles que le Tour du Maroc ou le Tour du Faso, pour ne citer que les plus connues et populaires, sont organisées sur le territoire africain. Mais l’UCI refuse de valoriser ces épreuves en les classant Africa Tour en catégorie 2.2, ce qui les place au 4ème rang dans la hiérarchie UCI. L’épreuve africaine la mieux « classée » (en Africa Tour catégorie 2.1) est la méconnue Tropicale Amissa Bongo, créée en 2006 en honneur de la fille d’Omar Bongo ...

Pour ce qui est des épreuves Pro Tour, et à l’exception de Tour Down Under et du championnat du Monde, elles sont sans exception organisées en Europe. Cependant, au cours des dernières décennies, de grands coureurs latino-américains ont progressivement émergé et des coureurs asiatiques ont participé à la grande boucle. Avec l’édition 2015, il y aura donc, pour la première fois de l’histoire, un Noir africain au départ du Tour. Rendez-vous est pris, pour le départ, à Utrecht, en Hollande, le 4 juillet.

18/06/2015

 
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