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1er de décembre de 2017 Twitter Faceboock

ESMA. Procès du camp de concentration situé au cœur de Buenos Aires
Militaires coupables de crimes contre l’Humanité. L’Argentine juge la dictature
Jean Baptiste Thomas

L’ESMA. Un acronyme effrayant : l’Ecole Supérieure de Mécanique de la Marine, l’un des principaux édifices dont disposait l’armée argentine dans la capitale, en plein centre de Buenos Aires. A partir de 1976, l’ESMA avait été transformé en un camp de concentration clandestin dans lequel sont passés plus de 5000 prisonniers politiques de la dictature. Ce mercredi 29 novembre, c’est dans le cadre du « méga-procès ESMA » que 48 anciens militaires ont été condamnés pour des crimes contre l’humanité.

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Ils étaient 54, assis sur le banc des accusés. De vieux messieurs, au visage fermé, pour la plupart. Ils comparaissent pour des crimes commis à l’ESMA, le plus grand centre de détention clandestin de la dictature militaire au pouvoir entre 1976 et 1983. Le procès avait commencé le 2012, et il s’agissait du troisième volet du « méga-procès ESMA ». Dans les épais dossiers des juges, le cas de 789 victimes, disparues, pour la plupart, dans les vols de la mort ou enterrées dans une fosse commune. Des militant-e-s, le plus souvent, de la gauche syndicale, de l’extrême gauche de l’époque ou encore des organisations péronistes radicales. Disparu-e-s, donc. Ils étaient représentés par leurs proches, mais également par les avocats membres des associations de Défense des Droits de l’Homme liés aux partis de gauche et d’extrême gauche d’Argentine. Les bourreaux, impassibles, se trouvaient quant à eux derrière une paroi de verre.

La lecture du verdict a duré quatre heures : quatre heures énumérant les exactions et les responsabilités de chacun, les tortures, les exécutions, les vols de bébés et, bien entendu, les disparitions. Quatre longues heures insoutenables pour les centaines de personnes présentes à l’intérieur du Tribunal Fédéral Pénal n°5 de Buenos Aires et à l’extérieur, où des écrans géants avaient été installés. La télévision aux ordres du gouvernement de droite de Mauricio Macri n’a pas cru bon, néanmoins, de retransmettre en direct le verdict, ou du moins son résultat final.

Depuis 2012, date d’ouverture du procès avec, à l’époque, 68 inculpés, 11 étaient décédés et six avaient été jugés inaptes, pour des raisons de santé, à le suivre. Parmi les militaires jugés et condamné à nouveau à la perpétuité, l’un des chefs des groupes de répression clandestin de l’ESMA, Jorge Acosta, surnommé « le Tigre », et bien entendu l’ancien officier de Marine Alfredo Astiz, dit « l’Ange Blond », chargé de pénétrer les réseaux de solidarité avec l’Argentine en France et responsable, entre autres, des disparitions de deux religieuses françaises, Alice Domon et Léonie Duquet. Fidèle à la ligne des ultras de la Dictature, Astiz n’a pas hésité à déclarer, au cours du procès, que les « organismes [à savoir les organismes officiels autant que les organisations militantes] de Défense des Droits de l’Homme sont des groupes qui cherchent à assouvir leur vengeance et à nous persécuter. Et je ne demanderai jamais pardon ! ».

A la lecture des condamnations, une certaine stupeur, malgré les applaudissements des proches : perpétuité pour 29 des prévenus, dont trois avaient déjà été condamnés à la prison à vie dans d’autres procès, entre huit et 20 ans de réclusion pour 19 anciens militaires, mais également six acquittements. Pour Alejandrina Barry et Maina García, filles de disparus, Nora Cortiñas, Co-fondatrice des Mères de la Place de Mai, ou encore Patricia Walsh, fille et sœur de Patricia et Vicky Walsh, tués au combat par les militaires puis « disparus », c’est l’ensemble des peines prononcées qui auraient dû être la perpétuité. C’est aussi pour cela, pour les bébés appropriés et l’ouverture complète des archives de l’Armée, qu’a réclamée Myriam Bregman, avocate et dirigeante du PTS, que la lutte pour « la Mémoire, la Vérité et la Justice » doit se poursuivre. De même que pour juger les responsables des crimes actuels commis dans le cadre de la répression des mouvements sociaux, le plus paradigmatique étant le meurtre de Santiago Maldonado, en août dernier.

[Crédit photo : LaIzquierdaDiario]

 
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