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Allemagne

Xenophobie, islamophobie et anti-immigration : les clés de la réélection de Merkel dans son parti

En plein milieu de la crise des réfugiés et en perspective des élections à venir cette année, la chancelière allemande a droitisé son discours pour rogner sur les terres de l’ultradroite Alternative pour l’Allemagne. Merkel a même parlé d’interdire la burka ou d’autres voiles islamiques intégraux « dans les espaces publics où cela est légalement possible ».

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Analía Micheloud

Avec un discours ultranationaliste, la chancelière allemande, Angela Merkel, a été réélue mardi présidente de l’Union Chrétienne-Démocrate (CDU) avec 89,5% des voix, à l’occasion du congrès fédéral que tenait sa formation dans la ville d’Essen, dans la Ruhr, pour préparer la campagne électorale de l’année prochaine.

Merkel a obtenu ce résultat (le deuxième plus mauvais de ses 16 années comme leader de la CDU), face au 96,7 % obtenus il y a deux ans, et a ainsi été reconduite à la tête du parti, deux semaines après avoir annoncé qu’elle briguera un quatrième mandat de chancelière aux prochaines élections dans moins de 10 mois.

Avant le vote, Merkel a tenu un discours d’une heure et demie, dans lequel elle a présenté les difficultés qu’il allait falloir affronter, reconnaissant que sa lutte pour un nouveau mandat ne serait pas facile. « J’ai besoin de votre aide », a-t-elle dit, ajoutant, afin d’obtenir la cohésion de son propre parti et le soutien de son parti frère, l’Union Chrétienne-Sociale de Bavière (CSU) : « le futur que nous voulons pour notre pays est entre nos mains »,

Les prochaines élections fédérales seront plus difficiles que les précédentes et en aucun cas une « partie de plaisir », a-t-elle insisté, en allusion à l’émergence de la droite radicale de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) de Frauke Petry.

Le principal sujet du congrès a été la crise des réfugiés. Depuis les engagements qu’elle a pris en 2015, l’Allemagne a reçu 1,3 millions de demandeurs d’asile, non pas pour respecter les droits humaines de ceux qui fuient la guerre et la famine, mais parce que la population allemande est vieillissante et a un besoin de main d’œuvre qui s’avère, dans ce cas, bon marché, très bon marché même.

En outre, sur le plan politique, Merkel joue le rapprochement avec les secteurs les plus à droite de la CDU et vers la CSU, plus conservatrice. Une orientation guidée par la peur des résultats de 2017, après le précédent de septembre et la défaite du parti de Merkel aux élections de Berlin, qui avait chuté à 17,6% tandis que l’AfD faisait pour la première fois son entrée au Parlement.

D’autre part, celle-ci a insisté sur le fait que tous les réfugiés arrivés en Allemagne ne pourraient rester dans le pays. Puis, dans une tentative peu convaincante de relativiser son discours ultra-conservateur, elle a assuré qu’elle garantirait que chaque demande d’asile serait évaluée individuellement pour déterminer si ceux-ci ont le droit de rester. Elle a ensuite promis d’accélérer les expulsions de ceux qui ne seraient pas dans cette situation. « [Les expulsions ] vont augmenter significativement dans les prochains mois » dit le document voté à ce sujet.

Cependant, Merkel a oublié de nommer (et de revendiquer) le terrible accord migratoire conclu avec la Turquie, qui n’est pas autre chose qu’un contrat sur la vie des migrants, les transformant en « quotas » à maintenir aux portes de l’Europe, à l’intérieur du territoire turc, en échange d’une négociation pour intégrer la Turquie dans l’Union Européenne.

Le discours de Merkel a été largement applaudi part les 1001 délégués de l’Union Chrétienne Démocrate (CDU) ; des applaudissements qui se sont transformés en ovation lorsque la chancelière a parlé d’interdire la burka et les autres voiles islamiques « dans tous les espaces publics où cela est légalement possible », pour insister sur le fait que dans une société ouverte on se devait d’aller « le visage découvert », découvrant ainsi clairement ses visées islamophobes, comme celles qui se sont imposées depuis plusieurs mois en France.

Malgré son virage jusqu’à des positions complètement conservatrices, ses paroles n’ont pas calmé les membres du parti, qui ont appelé à avoir une position encore plus dure sur les immigrés, ce qui lui a valu quelques critiques de ses coreligionnaires, après avoir fait face à la droite radicale.

Depuis l’an 2000, Merkel s’est vu reconduire à son poste tous les deux ans avec des résultats qui oscillent entre un minimum de 88,4% en 2004 et un record de 97,9% en 2012. En 2014, elle obtenait 96,7% des voix.

Le congrès d’Essen a pour Merkel une signification particulière : c’est dans cette ville que se tenait le congrès de 2000 qui lui a permis d’arriver à la tête de la CDU, alors que la formation était dans l’opposition et embourbée dans le scandale des comptes noirs de l’époque d’Helmut Kohl.

Crise de représentation et essor populiste

 
Merkel a beau répéter depuis des mois le slogan « l’Allemagne restera l’Allemagne », sa réélection à la tête de son parti amène un climat d’extrême droitisation, installe un nouveau spectre politique, qui entraîne tout l’échiquier politique sur la droite, cultivant les préjugés, les stéréotypes et les sentiments xénophobes. En plus de bénéficier au populisme de droite, cette transformation approfondit la crise de représentation qui touche tous les partis traditionnels en Europe (dont l’exemple le plus récent est la défaite et la démission de Matteo Renzi le week-end dernier) et également les Etats Unis, avec la victoire de Trump.

La crise économique qui sévit depuis 2008 continue de donner le rythme des rebondissements politiques, marqués par l’ascension de l’ultradroite dans de nombreux pays, mais qui s’expriment aussi sur la gauche. Les milliers de personnes qui sont descendues dans la rue le soir de la victoire de Trump aux Etats Unis sont un témoignage de cet esprit de résistance et de lutte qui animent les travailleurs et les classes populaires.


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