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Féminicides

Violences faites aux femmes : pour Schiappa, il n’y a pas d’« argent magique »

Interpellée par de nombreuses associations de défense des femmes victimes de violences, Marlène Schiappa a justifié l'inaction de l'Etat en expliquant qu’« il n'y a pas d'argent magique »…

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Ce mardi 3 septembre s’est ouvert le grenelle des violences conjugales, organisé par le gouvernement et Marlène Schiappa confrontés à une hausse terrifiante des féminicides en cette année 2019. Ce sont déjà 101 femmes qui ont été tuées depuis janvier dernier, contre 121 féminicides pour toute l’année 2018.
Loin d’offrir un plan, ne serait-ce que, minimal pour aider les victimes de violences faites aux femmes, ce grenelle est une tentative de calmer et canaliser la colère des femmes, toujours plus nombreuses, qui prennent conscience de leur condition, se radicalisent et s’organisent pour changer les choses.
En effet, les derniers mois ont été marqués une mobilisation importante des femmes, non seulement pour la défense de leurs droits le 8 mars mais aussi dans la lutte des classes en étant à l’avant-garde de larges mouvements sociaux.

C’est dans ce contexte que Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes, a donné le ton dès le début du grenelle en multipliant les petites phrases qui sont autant de messages clairs : la lutte contre les violences faites aux femmes est très loin d’être la priorité du gouvernement.

Marlène Schiappa a ainsi appelé à « sortir des postures » les militantes féministes qui réclament des moyens conséquents pour éradiquer les violences, et auxquelles le gouvernement a fait l’aumône d’un million d’euros. Mais selon la secrétaire d’Etat : « Il ne faut pas cracher sur un million d’euros en disant ‘Ce n’est pas bien, c’est moins bien que dix’ ». Un cynisme insupportable, quand on sait que ce sont des centaines de millions d’euros qui sont réclamés et nécessaires pour lutter efficacement contre les féminicides.

En effet, tout le dispositif d’accueil, de protection et d’accompagnement des femmes victimes de violences est dans un état catastrophique.
Les réponses apportées aux femmes en danger, ce sont des plate-formes d’écoute inefficaces qui vous laisse mourir au bout du fil, ou des interlocuteurs qui ne sont pas formés et qui vous culpabilisent ou prennent votre témoignage à la légère. C’est un nombre ridicule de places d’hébergement d’urgence, dans les conditions épouvantables d’hôtels sociaux surchargés ou de centres d’hébergement saturés. C’est une absence quasi-systématique de suivi psychologique, ou ne serait-ce que d’un suivi personnalisé et d’un réel soutien dans l’accompagnement et les démarches.

Bien évidemment, le gouvernement est parfaitement conscient de cet écart énorme entre les besoins et les moyens mis dans le social, et plus particulièrement l’accompagnement des victimes de violences conjugales. Toutefois, s’il se drape dans des grands principes et des actions abstraites, ce même gouvernement agit de façon très concrète à réduisant encore et toujours les budgets et les subventions des structures qui luttent réellement contre les violences conjugales. Ainsi, en même temps que le gouvernement faisait sa communication autour du grenelle, et adoptait un air de gravité pour évoquer les féminicides, il s’agitait en coulisse pour les financements du planning familial.

Si la situation est dramatique, l’inaction du gouvernement est plus qu’hypocrite. Alors que de plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer la condition des femmes dans le pays, et le manque de moyens mis dans la lutte contre les violences qui leur sont faites, Marlène Schiappa, grande organisatrice du grenelle, se cache derrière le plus vieil argument des politiciens cyniques et hypocrites : « Il n’y a pas d’argent magique ».
Une petite phrase de plus, qui rappelle le mépris d’Emmanuel Macron, destinée à nous faire croire que le problème n’est pas tant la volonté du gouvernement, mais la possibilité. En somme, il n’y aurait pas assez d’argent disponible pour lutter contre les violences faites aux femmes.
Ce qui expliquerait la faiblesse hallucinante des propositions du premier ministre, Edouard Philippe, lors de l’ouverture du grenelle : 5 millions d’euros et 1000 places d’hébergement d’urgences. Alors même qu’on estime à 220 000 les femmes victimes de violences conjugales dans le pays.

« Il n’y a pas d’argent magique », donc, argument ultime et vérité absolue, qui force à trouver des solutions avec ce qui est déjà existant, de faire ce qu’on peut avec ce qu’on a, de repenser les dispositifs, de révolutionner les méthodes de travail, d’essayer de faire mieux avec moins.
« Il n’y a pas d’argent magique ».

Pourtant, il y avait de l’argent magique quand il s’agissait de commander pour 17 millions d’euros de grenades lacrymogènes. Il y avait de l’argent magique quand il s’agissait d’équiper les forces de l’ordre avec des armes de guerre létales pour écraser dans le sang les Gilets Jaunes. Il y avait de l’argent magique quand il s’agissait de trouver 9 milliards pour s’acheter un nouveau sous-marin nucléaire au cas où il faille entrer en guerre contre un pays pour protéger les intérêts de nos multinationales. Il y avait de l’argent magique, quand il s’agissait de supprimer le CICE et ainsi faire cadeau de plusieurs centaines de millions au patronnat.

Effectivement, Marlène Schiappa a raison, « il n’y a pas d’argent magique ». Mais il y a des choix, des priorités, et des intérêts.
Et pour quelle raison le gouvernement actuel dépenserait de l’argent pour la lutte contre les violences conjugales ?
Ce même gouvernement qui enchaîne les réformes pour casser le code du travail, et ainsi favoriser l’exploitation toujours plus dure des travailleurs et des travailleuses. Ce gouvernement qui a mutilé et défiguré de nombreuses femmes en réprimant dans le sang un mouvement social qui s’élevait contre la précarité et des conditions de vie de plus en plus insupportables. Ce gouvernement qui n’a que mépris pour les précaires, alors même que ce sont les femmes qui sont le plus touchées par la pauvreté et la précarité.

Non, ce gouvernement n’a aucune envie, volonté et intérêt à lutter contre les violences faites aux femmes. Peu lui importe le harcèlement, les agressions et les féminicides. En fait, peu lui importe tous les domaines qui ne sont pas source de profit.

C’est bien pour ces raisons qu’il n’y a rien à attendre du gouvernement, et du grenelle de Marlène Schiappa.
Comme nous l’écrivions dans un précédent article, la condition des femmes n’évoluera que par la lutte sociale, dans la rue, dans nos écoles, dans nos lieux de travail, et à travers l’instauration d’un rapport de force qui oblige le gouvernement à reconnaître des droits et à prendre des mesures.

Il n’est pas question de demander poliment, il n’est pas question d’attendre après le bon-vouloir de politiciens, il n’est pas question d’espérer. Parce que la revendication portée à travers la lutte contre les violences conjugales, c’est un droit dont sont pourtant privées de nombreuses femmes, trop de femmes, 101 femmes en France depuis janvier. C’est le droit à rester vivantes.


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